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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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13 septembre 2014

Le calme déferlement. (Suite 9)

enjolras_3Œil de cyclope fixé sur l’insignifiance, nos détestables franchises assaillissent nos souffrances funambules. Proches des cataclysmes, nos faiblesses ont le défaut ancestral des fluctuations hasardeuses et des tempêtes impures. Que la vie pardonne l’existence des sens ! Qu’elle soit fière de la horde d’éclairs qui prononce l’espoir des marches à venir ! Folies sommaires accoutrées d’appendices sulfureux, le fruit mélancolique se mélange à la gratitude sauvage et viole nos préconçus, et saccage l’ordre établi de nos manufactures à penser. Celui qui ignore le sort de ses plaintes n’a pas d’avenir sur le grand chemin des cascades de pierre et de soleil. Nul ne peut ignorer la fin funeste de son devenir. Le chemin apaisé de la montagne disparait sous la brume. Nous marchons dans la projection qui nous tient par la main. L’image de la paix sans sacrifice épouse tout l’horizon que nous avons imaginé. Un cordon de fumée laisse des empreintes écrasées sur le roulis du bon sens.

Je concentre mes yeux sur le bleu, le bleu précaire des ciels qui s’enraillent. A la fin de l’été, on meurt d’une goutte d’eau. On meurt derrière le rabat des jours qui gonflent les volets de l’automne. Les saisons me taquinent, elles jouent du piano avec les mains de l’orage et mes vagues d’armistice se conjuguent au miroir qui reflète mon parcours. Je suis décapité par les rengaines qui m’assaillent. La répétition des saccades de l’horloge putréfie la distance que j’accordais aux événements. Désormais et pour toujours, il n’y a plus de Char sans René, ni de Paul sans Eluard. Devant ou derrière, c’est l’acharnement de la réalité qui cercle ma solitude. Chien perdu mille fois retrouvé, tu montes la garde devant le poulailler de mes songes. Les caravanes passent et tu aboies aux renards de l’esprit qui viennent jusqu’ici, jouer aux gendarmes et aux voleurs. Le temps tient parole et il fera suffoquer la nuit qui bave à l’échancrure de l’incassable pureté du vide. L’espace se replie sur lui-même, l’abondance extrême terrasse l’émotion entre les lambris désarticulés. Du pain et de l’eau suffisent à nettoyer l’espoir pontifié.

Il faut du courage pour ne pas crier sa haine et son mépris. Les plaies échevelées et acculées décrispent les langues cyniques. Entre quatre murs d’abstinence, de chatoyantes paroles mixent peau et cœur dans la barbarie d’un néant vengeur. Accoupler malchance et frayeur, c’est détruire les roses qui arpentent nos rêves indescriptibles. Le cauchemar prospère dans l’intimité de nos langueurs monotones. Tout est radieux au pays des contraires et des rebondissements. Une nacre acidulée recouvre la mort tranquille des fruits de l’ombre. Nous sommes plus que la lumière, nos vies augmentent le jour qui se brise aux noirs remous de nos tribulations. Chaque désastre nous grandit du renoncement qu’il méprise. Le fracas de nos cœurs témoigne des brindilles de dignité que le vent souffle sur nos fronts. 

Tu, c’est l’appellation que l’on donne à l’existence qui peuple les chairs aphones de la rencontre avec l’unité brisée et parcellée. Grille de lecture possible, l’autre influence mon appréciation du monde. Un esprit sans corps peut durer l’éternité. Animal psychosomatique, l’être humain prospère dans toutes ses dimensions: corporelle, sexuelle, affective, symbolique, spirituelle, sociale, cosmique. Ma langue n’a pas la même couleur que ton sang et j’écosse ta venue comme un fil conducteur incompressible.

« Seuls le jeu de l'artiste et le jeu de l'enfant peuvent ici-bas croître et périr, construire et détruire avec innocence. Et c'est ainsi, comme l'artiste et l'enfant, que se joue le feu éternellement actif qui construit et détruit avec innocence, et ce jeu, c'est l'Aïon qui le joue avec lui-même ». Nietzsche, Naissance de la philosophie.

Destruction et création me conduisent aux abords du chaos. Le Moi est multiple et les particules qui me parcourent n’ont de cesse de renouveler la partition quasi paranoïaque avec laquelle j’apprends à devenir une métaphore. Plus je pénètre mon corps, mes souffles et mon sang, plus je m’inonde des limons de l’inconnu.

Cloué dans les jardins d’ombres et de reliefs capricieux, mes angoisses s’écrasent les unes sur les autres. Parfois, les cendres sont amères et les braises ébruitent les chauds murmures où s'amenuise la solitude inapprise de nos corps. Toutes les mers sont plus basses que l’ilot suspendu aux langues de couteaux où perlent des fantômes indomptables. Parfois, au contraire, noyé dans les dérives fascinantes des mirages de vie écorchée, je tutoie la présence d’une saveur qui se défait sous ma langue. L’arythmie nonchalante de l’onde crue développe l’aube d’une renaissance.

O plates coutures aux interstices de mes failles, recousez et recousez sans cesse les traits rouges inondés de rouge. Un fil invisible parcourt mon corps en mille endroits. Je suis une étoffe meurtrie, une plaie vivante, un éphémère courant d’air coiffant sans relâche le bracelet des antidotes. Mes yeux se bousculent et mon cœur se renverse. J’arpente l’aube jusqu’à la surface de mes jours. Une marmite de sable et de sabres se dévide aux extrémités de mes possessions.

Je ne suis pas épicène parmi les grillons toisant les marées gorgés de libellules. Ma route suit celle de la femme sensible qui s’est jetée de la falaise après la trahison. Je ne peux succomber éternellement à plagier le malheur comme une terre en fin d’usage. L’esprit traqué en tout lieu laisse retentir sous la peau ses déloyales lamentations. La venimeuse vérité du cœur fait jaillir la vie plaignante et la jouissance comme un mal utile. Le combat perpétuel contre soi-même ébrèche les voutes d’un esprit pur. La vie rongée persiste sa route jusqu’à la fin des rêves. D’un moment à un autre, dans la bouleversante teneur des cataclysmes, je m’en irai dire ma lumineuse disparition. Barque déserte sous le ciel, nous boirons tous au gaz à effet de serre. L’amour est un berceau, il nait des enfants, des soupirs et des illusions. D’avides convulsions rassemblent les vents pour fréquenter le large qui n’est qu’ici, à l’intérieur de notre maison. Toute la mémoire pourrait être un logis de remords, de présences et d’actes. J’ai beau courir ou me cacher, je suis toujours mon commencement, le commencement de mon être à l’instantané.

La vie n’a pas les yeux bleus, ni même la vacuité souveraine du cœur qui bat. Un à un les jours se démembrent en reflets durcies mis à la benne. J’ai cogné au hasard des barrières, la raison transporte toujours pelle et pioche sous serre. Tout au bout de la lumière, la nuit sonne le glas. Et après ?  Qu’y a-t-il ? La cote d’Adam ? L’amour défendu ? Le noir ne connait pas le silence. Il déshabille les visages, il défait les mains attenantes, et il recopie les rêves qui n’ont trouvé preneur dans les dernières lueurs du monde. Nos consciences ne sont qu’un morceau de ficelle sèche, qu’un landau de démence pour convertir nos êtres invisibles.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
N
QUEL TEXTE BRUNO !<br /> <br /> J'en ai le souffle coupé alors qu'à l'instant à la radio, Brel chante " rêver un impossible rêve........."
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