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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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14 décembre 2014

Le désir d’amour

imagesS456I3CJDans son désir de nous confondre à lui-même, cet amour est un langage transfiguré. Il inaugure le désappointement surgissant des profondeurs abyssales où seule l’intuitiondemeure d’un libreaccès. Il a triomphé avec emphase des rames du temps alangui. Lentement, son mouvement nous a rassemblés en une seule motte et, à présent, nos corps ne sont plus qu’un ciel siphonné et rapiécé par le chagrin de nos souffles. Avec le temps et la distance, mes sentiments ont des relents de plénitude. Leurs sincérités parfument ma voix de la pureté des forges de l’enfer. Mais la température n’a plus d’importance, elle se dégrade rapidement et il n'y a plus rien de commun entre moi et les cloques du feu.

En m’approchant de toi, je touche du doigt les ravins embusqués derrière les étoiles. Malgré cela le souvenir se contorsionne au contact de l’arrête tranchante de cette falaise de poudre qui nous sépare. Et de mon torrent de braises en sommeil dévalent par flots continus des baisers bouillants d’impatience. Le feu dégoulinant sur ma peau m’égratigne de la même manière que les rayons pointus d’un soleil d’été. Pour te voir de plus prés, j’avance courbé sous de pesantes chaînes que j’hésite à briser.

Il est des jours où il faut essayer d’offrir à l’éternité une chance pour se parfaire. Le bonheur fuyant sans cesse entre nos mains doit trouver le sentier invisible qui rejoint cette île trop souvent inaccessible. Ce bout de terre esseulé dans le silence total où pousse du muguet blanc dans la grande poitrine de la nuit.

Il y a des moments où l’on est infidèle à sa nature. D’innombrables voix étrangères percutent nos orifices et l’on ne sait plus où donner de la tête. Un loup caché dans nos entrailles soulève les lignes de la fracture où de larges baies horizontales portent le deuil comme une gibecière au cuir tanné par le fer rouge de l'émotion. On parle à l’autre et l’on discute avec soi.Je scande ton nom et c’est l’émergence d’une parole brûlante qui m’éveille hors du lit de nous-mêmes. Je résonne. Je fais mine d’écrire à l’oreille du vent en imitant ton souffle. Mais il me semble préférable d’éviter cette boursouflure commune, tant nous sommes devenus de l’air au-dessus de l’air.

Je pense sur le fond de l’infini. L’absolu est à la fois ma gangrène et ma vérité. L’infini me retient dans ses notes putrides et c’est en parlant de ta mort que je l’humanise. Sans la verbalisationde mes sentiments, ils demeurent obscurs pour les autres comme pour moi-même. 

Tu t’es détachée du jour alors que la lumière jaillissait. Et maintenant, le saut de l’ange dessine des trèfles à cinq feuilles à l’intérieur de mon corps. Je suis démuni de parachute lorsque j’accoste les champs de blé avec la voile imaginaire où se reflète ton regard. La vertu du réel, c’est de ressentir la chute comme un bloc enchaîné aux tremblements de la voix. Je ne sais plus parler avec hardiesse du quand diras-tu. Le bonheur tient debout dans l’ombre qui nous dévisage. Les clochettes de l’éclair s’envolent aux confins de mes rêves et je reste là, immobile, comme un tronc d’arbre qui a connu la foudre.  

La joie qui me revient est celle que mes mains ont arrachée à l’orée de tes lèvres. Un doigt en croix posé par dessus. Le frisson emmêlé à la lumière tranche avec la noirceur alignée sur l’infini. Je dois gratter ma peine sur le silex transparent de la mémoire. Le noir convient à toutes les couleurs. Grâce à lui, ton visage gicle de toutes parts. Un souffle heureux dispose de l’oubli comme d’un espace déferlant au centre de l’amour pour y boire tout l’espace. La perte féconde secrètement ce qui a été vaincu par le vide et l’haleine du jour est devenue mortelle. Mais, infatigables amoureux, nous butinerons à la dérive de la lune. Nous picorerons dans le rond magique où se reflètent nos cœurs.

On s’épuise en vain à essorer les chiffons poreux de la sensation. Il y a une fatalité sombre et grumeleuse au fond de chaque existence. L’épuisement de la conquête brute et démaillée signe sa gloire dans sa défaillance. Nous sommes deux atomes décortiqués, dépouillés de tout superflu. La langue de nos cœurs a quitté le palais emportant avec elle le bruit du temps qui nous a écrasés.

Notre relation est sans failles apparentes. J’adhère aux mystères de notre attachement avec la force des aimants qui s’attirent. Nous sommes les acteurs masqués de nos grimaces et de nos pitreries. Dans l’instant volé aux mirages, je suis là, tout proche, plus présent et plus accessible. 

L’épuisement de nos détresses amoureuses altère l’infini que nous occupions jusqu’à présent. Je reviens sur mes pas pour déconstruire le rêve engendré d’écumes et de pleurs mais les traces les plus rebelles se sont effacées. Les stigmates du désir habitent la pensée, la poésie et l’obsession spéculative.

Il ne reste que ce goût et ce parfum d’iode, tous deux résistants encore à l’évanouissement d’un élan créatif contrarié. Néanmoins, l’exaltation du premier jour persiste dans ma poitrine comme le frémissement d’une main posée sur le pouls de l’émotion.  

La revanche de la mort colle à l’offense de la vie. Ton regard incrusté à l’air respire l’eau perdue dans les racines du temps. Nos yeux confondus n’y suffiront pas. Il faudra sombrer ensemble dans la faille du désir absolu si nous souhaitons en savourer quelques fragments.

Le colportage des mots a cédé à l’indiscipline de la fuite et des esquives répétitives n’ont pas su apaiser le chagrin. Toutes les paroles traversent cette étendue innommable que l’identité cherche à occuper. Tu es là, toute entière, face à moi, dans une quête existentielle et ensemble nous scrutons le vide dans lequel nous avons échoué. Nous fouillons la nuit à la recherche du temps escamoté dans le mouchoir de nos peines. Certains bruits se suffisent aux échos et aux apparences du miroir. D’autres, plus obstinés et plus tenaces, creusent tous les limons anciens dans l’espoir de s’affranchir de la vérité qu’occupe le réel.

C’est un instant pas comme les autres. C’est une seconde gorgée par l’infini turbulent. J’ai trop de voix qui encombrent ma solitude et trop de visages parlent à ma place. Le fœtus de mes logorrhées s’ajoure de nouvelles paroles. Il pleut des mots entre les coutures de la voix laissée en amont. Tout un passé s’exclame sourdement dans les veines du silence. A mon insu, la vie, déjà morte, me plonge au cœur d’une récidive incontrôlable. L’écho apprivoise les sons brouillons qui me parviennent et il dégrade simultanément l’orchestre de mon intime cacophonie. Je ne m’entends plus respirer. L’évidence de ta seule voix me blesse. Et, je cherche le lieu par lequel cède l’inconnu. Je voudrais donner corps à ton cercle de chair. Je voudrais qu’il soit d’énormes baisers entremêlés à la mémoire de mes soupirs. J’ai besoin de matérialiser cette promesse. Et si je te sollicite par mes bavardages, c’est pour en vider les fantômes qui illuminent mon effroi. 

Nos injonctions virtuelles et réciproques nous conduisent à interpeller la foudre qui ravive la lumière six pieds sous terre. Ensemble, nous interrogeons et nous compulsons à tâtons nos vertiges et nos éboulements. Mais, contrairement à ce que l’on croit, le recul et la distance ne s’accordent pas seulement au regard du temps qui passe. Il faut aussi que notre vie se soit réconciliée avec la source originelle. L’amour est une chute redressée, une victoire constamment en péril, une diète vaillante se refusant au désespoir. Nous devons rendre la dépouille du noir à nos cœurs envahis par des jets de flammes sigisbées.     

Je suis parvenu à un âge où la raison empiète avec délectation sur l’ensemble des expériences vécues. J’analyse et je trie parmi celles qui me semblent avoir perdu leurs argumentations en cours de route. Je suis un « être pensant » qui gère difficilement son quotidien mais qui aspire à atteindre la vérité de son être. Je suis un être passant, migrant. Je suis une lettre pour l’écriture qui s’impose à moi. Ma main est une saison qui chasse l’autre. Je suis un homme de nulle part ou peut-être de toutes parts. Un nomade sur une terre plate et immobile où c’est moi qui tourne comme une toupie et non la terre.  

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
A
le désir d'amour ne disparait jamais mais il évolue ... Amitiés.
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