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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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21 décembre 2014

Après l’heure camphrée.

imagesXVPX3GW4Que sais-tu du désir ? Est-il en toi, hors de toi, à l’échappatoire des sens qui ont appris ? Chaque désir t’amène au manque rédhibitoire. Chaque manque te conduit sans compromis à la bataille inexpliquée et inexplicable de l’assouvissement. La carence accompagne l’errance comme une fripe suit la misère de quelques nudités. Cependant, dans la mort de l’être, l’absence est une mort naturelle. Et, il me plait d’imaginer que tu t’es métamorphosée en grains de sucre, en ferments de vie pour d’autres aventures. Je crois qu’il y a tout au bout du chemin une joie supérieure. J’ai la conviction que là-bas un destin s’éclaire et que l’amour se désinfecte de toutes les ruptures.  

Derrière un regard, caché sous la terre du ciel, un frisson halète et réclame sa part d’irritation au manège des tourbillons. Ce n’est pas le désir qui nous propulse sur le devant de l’ombre affidée, mais c’est ton agonie résiduelle et indolente. Le refoulement intègre le brouillard qui nous entoure avant de percer les remparts de notre torpeur et de notre détresse. Cet héritage abusif abreuve mes souhaits et mes espérances. Je te voudrais plus parfaite et plus conforme à mes voeux que la grande voie oubliée.

Le temps nous sépare et nous accorde m’aurais-tu dit. Je le sais bien maintenant. La paix est dans l’illusion. Elle niche dans les promesses de nos révoltes et de nos doutes. Nos angoisses sont des urgences, des crises de confiance livrées à la providence. La sérénité est perchée au-dessus de nos chairs d’existence, elle ne sait plus secouer le fond de nos âmes assoupies. Trivial est le prétexte, fourbe est la nécessité gonflée par le leurre du monde. Tes yeux voient-ils l’existence exclusivement dans l’erreur et le mensonge du désir que le mutisme habille ? Tes gestes seraient-ils la traduction des actes désemparés où s’agite la lacune ?

A l’origine du libre-arbitre, il y a la notion de choix qui nous voudrait libre. Libres de choisir, libres d’écouter nos instincts ou nos délibérations raisonnées. Nous n’avons pas cessé de nous accomplir dans le réceptacle alvéolé de nos émancipations. Et pourtant, nous sommes étourdis comme des agneaux de lait accablés par l’attirance fiévreuse des mamelles nourricières. Pour nous épanouir, il devient urgent de décompresser les sanglots cachés sous les puissantes armures des croyances humaines. Tous les dogmes me paraissent des toitures trouées où l’on a placé sous chaque tuile un tireur d'élite.

J’ai besoin de sentir l’insaisissable de la matière brute pour échapper à mes propres limites. Je me fonds à toi sans me défaire du noyau de mes pudeurs et de mes frustrations. Je reviens du noir sans étoiles, du berceau du temps fragile où le souvenir se diffuse ipso facto dans l’éternité. Doucement, je regagne ce lieu de communication avec le monde matériel. Être, c’est passer. Etre, c’est changer. C’est devenir. Je suis une particule qui se soude à l’air avec la prétention de ne jamais s’en défaire.

Finalement, tu aurais raison de me faire remarquer que jusqu’ici rien ne m’a encore affranchi du vide. Dans la transformation, rien ne se termine. Trop attaché à l’esprit qui me féconde, trop entiché de cet absolu d’éclats qui dépasse tous mes possibles. Je m’anéantis, plus que de raison, à t’ériger dans chacune des kyrielles flasques de la passion dévisageant la chair disparue. Malgré moi, c’est de ton inconditionnelle assiduité que j’habille cette réalité machiavélique de ses voiles épais  et démoniaques.

Possédé, la mort dans l’âme, l’amour dans l’âtre, l’invincible mis à terre, je coagule sur place en m’abreuvant du poison inoculé par ta perte. A souffrir d’un constant bonheur, fragile et transitoire, où s’irriguent mes artères, je ne saurais te faire durer autrement que dans la rémission et l’oubli. Mais peut-on taire ce qui naît avec l’enchantement ?

Que dois-je dire à ce présent qui se précipite devant moi ? Je ne peux connaître seul le bonheur de ce que nous avons été, nous l’avons vécu ensemble. Peut-être faut-il le jeu avant la spontanéité, le cynisme avant la candeur, l'artificiel plutôt que le présent. Mais l’armure s’est dissoute dans la blessure. Il est des joies profondes qui ne peuvent être solitaires. Mon cœur fait la grimace lorsque tes mains caressent nos abîmes rassemblés.

L’amour et puis rien. La tendresse de mon cœur s’est levée puis s’est dressée comme un bouclier métaphorique devant le silence. L’amour contre le vide, l’amour sacrifié à l’inspiration. Il réplique sans répondre. Il prétend sans dissuader les ombres attachées à la lumière.

Ton absence m’apprend plus qu’il ne faut à ne plus être aimé corps et âme. Elle me terrasse et me contraint à accepter la perte d’un guide et pareillement de ne rien attendre du charnier des cris de révolte. Je sais maintenant ce que veut dire l’éveil dans l’ivresse. La peau a recouvert l’infaillible pesanteur du vide. La félicité est un carcan meurtrier, mais je veux en risquer librement sa démesure.

Ma vie est une émeute que seule la mort saura dompter. Je suis à la fenêtre et je respire en paix. Beethoven et Mozart sont morts. Pourtant leur musique continue à faire vibrer l’émotion. Les dernières notes reverdissent l’air et ce rajeunissement me réconcilie avec ma peine. Je ne suis pas triste, je suis ému.

Je reconnais en moi l’humanité répandue. Cette part commune qui nous différencie chacun les uns des autres et qui, paradoxalement, nous est semblable. Tellement ressemblante que nous n’avons pas de mots pour l’exprimer. Je me tais à ressentir l’incommunicable froideur du miroir. L’échange est muet comme un ver de terre étouffé par l’angoisse de voir le ciel de trop près.

J’emprunte à l’instant sa respiration fugitive. Je te touche de loin et je rameute toutes les ombres criardes à l’oubli imputrescible. Je suis là, sans toi, mais avec toute mon existence assise sur la chaise vide. L’eau du désert est la plus fraîche. Quand l’amertume des ombres ténébreuses s’apaise, il me reste la mémoire claire.

Le réel ne renonce jamais, il demeure inflexible une fois que nos consciences se sont réappropriées le monde.

L’image caricature.

Des bouts de bois et des feuilles.

Dans les yeux, un torrent.

L’image pulvérise ce qui se voit. L’intervalle a bu.

Des poussières croustillantes demeurent sous les paupières insoumises à l’esprit.

Dans la marge, une hirondelle cherche un ciel libre. 

Mes sens sont des résines inaltérables où des buées capiteuses déposent leurs fragments de miel. Des couches superposées de sucre en poudre et de la farine qui attend sa levure. Des cales sous l’heure recomposent le paysage et nivellent l’azur abandonné. Extirpés de l’abîme, l’aurore nous attend et dénonce la reconquête en cours. Le noir est derrière, il aiguise nos tombes. Il est collé à l’ombre qui suit notre marche.

Les semelles du vent ramènent toujours l’air avant sa combustion. Hier nous a ravi un peu de sang avant de nous extorquer l’étincelle qui brillait dans nos regards. A présent, nos ongles sont des hérissons griffant les pages qui se tournent. Nous dormons dans la roche et nos yeux sont tamisés par l’écume qui entoure les jours. Seules, aux aguets, quelques biches dans la clairière gardent l’œil sur la joie et la lumière qui se sont retirées.

La violence des ténèbres nous ramène à la présence de la mort, plus vivante que nous-mêmes. Nos rires ne réduisent pas l’absence qui remonte aux sources. Nos lieux communs persécutent la corde tremblante qui file entre nos mains.

Nous sommes dépossédés jusqu’à nouvel ordre et nous allons combler les trous du temps.

Le devoir de vivre formule distinctement le claquement de nos pas sur les trottoirs d’une imagination décisive. Puis, l’expression perd la tête sur les rails encombrés d’un vécu qui s’efface de lui-même. L’air cru et l’encre neuve cherchent le ciel au-dessus de la forêt du temps. L’herbe reste verte malgré tout. Mais, susceptible, l’arbre se vexe et réajuste son branchage lorsque les feuilles tombent. Son ancrage profond à la terre ne lui procure qu’une suite d’images fixes et le prive du voyage avec le vent. Dans les champs d’hiver, toutes les branches sont nues et elles crient la froideur parmi les ruines du ciel. 

L’idée de poursuivre la route avec toi ne questionne pas l’avenir. L’instinct fait le premier pas. Chaque maille se cambre d’abord, puis se découd comme un filet de pêche soulevant trop d’orgueil depuis les bas fonds. L’amour s’attache aux profondeurs avant de se livrer.

Le pluriel côtoie le singulier avant de se répandre comme une lueur où se rassemble le jour. Il se dépouille, au-dedans, dans les fibres balbutiantes de nos regards lorsqu’ils se frottent à la lumière. L’ombre fait souche dans la gorge de la mémoire. « Je » nous essore comme une bûche dont il faut faire de la pâte à papier. L’unité est le résultat du feu et de la cendre qui collent aux semelles de nos cœurs.

Face à nous, le miroir est un refuge glacé où nous avons installé tous les visages familiers. A présent, il faut se démettredu verre séparateur et traverser la vitre. Ton visage attend de l’autre côté. A fleur d’entrailles, mille éclats dégringolent d’une clarté pas encore fardée. Tu es restée là, dans la bande translucide sur laquelle on a déposé du givre et de l’air. Tu as reporté la migration de ton âme, soucieuse d’alléger d’abord ton nid de solitude.

Après l’heure camphrée, une pluie d’obscurité défend la masse d’écume inconnue pliée dans nos chairs. Des lampes alignées comme des broches à reluire se reflètent sur l’asphalte mouillé.  Les mots mesurent le désarroi des pentes. Le vertige attire vers le bas.

Ton ardeur répond aux ressorts des heures de tourmente qui moulinent tes lèvres perdues au fond de tes mains. Remous internes. Cliquetis des vertèbres de la langue qui se retourne mille fois avant le repos.

Les âmes transparentes s’aveuglent au seuil des torils du monde. L’air qui n’est pas respiré avant l’aube nouvelle se déchiquette comme un corps en lambeaux. Des résidus de poussière volent parmi la lumière qui les découpe et les tranche. La pulsion jaillit de la terre. Un jet d’émotions arrose les pierres de la montagne qu’il faudra gravir.

Derrière le sommet, des lueurs se résorbent dans l’horizon. Quelque chose sollicite. Des cimes improbables guettent nos lenteurs. Des heures immobiles et entières renouvellent le désastre premier. Le Déluge imprévu fermente à l’intérieur des cicatrices que porte le jour.

Impuissants, nous sommes voués à l’éclatement des bourgeons sur la résine séculaire. Nos peaux élastiques s’étirent jusqu’à se vider complètement. Le parfum de l’aurore croise celui de la nuit de givre.  

Les mots s’abîment sur les pointes jaillissantes d’obscures haltes avant d’être aimantés par le blanc de la page. L’insatisfaction salutaire est celle qui rend la parole habitable. Un peu plus loin, un guéridon encore éclairé par le son de ta voix se souvient de l’arbre qui l’a fait naître.

Ce qui est décisif ne dure qu’une seconde. Nous ingérons les heures qui s’abattent sur nos chairs comme si elles étaient excédées par une demande pressante. La clairière du tendre est saccagée par l’heure acrobate rêvant d’apesanteur. Les caniveaux se gorgent de la pluie qui desserre le ciel. L’égout est prompt à la noyade. Tout va très vite.

Tu m’attaches à la pierre et, comme elle, j’effleure la terre dans chaque rasée poursuivant les ombres menaçantes. Les ressorts de l’espoir font racine. Partout des volets font mur au vent. Un éclair blanc résonne dans le vide.

Nous sommes sur le départ et la ligne frontalière colle à nos chaussures. Nous partirons déchaussés. Nous lèverons le pied comme une bouche qui siffle.

L’heure est comptée et elle renvoie à l’horloge la misère de sa course.

Le silence ressemble à des coups de marteaux sur une cloche fissurée. Le vide bourdonne son écho reliant les êtres. Nous remplissons nos mains pour être moins légers.

Aucun sursis pour l’insatisfaction qui claque dans la chair. Le fracas remonte jusqu’au soleil. Bras et langues liés, nous nous purgeons aux baisers qui s’enlisent dans notre faim.

Notre temps est du camphre sur la cornée qui précède le regard.

Un voile gras ne redoute pas l’assèchement et nos voix s’incrustent à nos langues.

Le sursis retient l’air devenu une toile d’araignée. Nous respirons les cailloux logés dans nos ventres. Puis, nous recrachons le tremblement de nos gouffres où la parole prend forme.

L’heure n’a rien à dire. Chaque jour, les poumons de notre désir purgent nos langues marécageuses par la salive d’une poésie longeant l’haleine fraîche de l’ignorance.

L’eau file plus vite que la parole. Pourtant nous sommes des torrents, des cascades de ciel sur les branches figées des arbres. Pourtant nous coulons de l’ombre vers la clarté. Pourtant nous sommes des gouttes de vent sur l’horizon de nos lèvres.

Tout ce qu’il ne faut pas faire s’écoule dans le fleuve des projets morts. Nos mains restent croisées et nous livrons bataille à notre vérité. L’épaisseur se délaye sous l’ombre de nos pas. La vérité universelle envahit notre raison. Nous consentons à la brimade des logiques qui nous échappent. Nous verrouillons toutes les expectatives personnelles. Mais, il n’y a pas de cimes assez hautes pour retenir l’air qui nous survole.

Nos souffles s’encroûtent à la parole. Les mots racontent ce que l’esprit traduit. Un silence fracasse la pensée. Nous sommes troués. Imbus de nos fragments tamisés à la grande passoire de nos intimités. Les mots modèrent les sens, les infusent et les influent. Tout afflue ici à la langue prisonnière de la gorge sanguine. 

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés © 

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