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Bruno ODILE
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4 janvier 2015

Jean Marc LaFreniere

 

Avec des petits riens

J'ai quitté l'usine très tôt comme un évadé, un déserteur, un galérien sans rame. Déjà qu'à l'école, je m'envolais par la fenêtre et dessinais des bateaux sur le ruisseau des cours. D'un brouillard l'autre, je luciole, j'écureuil, je chevreuil entre les chevrotines et les phares d'autos. Avec le pain noir des jours, je nourris l'âme en peine. Les éclopés du cœur se consolent de peu. Avec mes pas désespérés sur les semelles du vent, je garde un pied hors de la fosse. Avec mon écriture d'expédients et de bouts de ficelle, j'essaie de relever ce qui penche et de boucher les trous. Avec des bouts de chandelle, j'éclaire comme je peux. Avec de petits riens, je meuble en chiffonnier le grand vide du monde. Pour parfaire le tout, je plante ma salade dans les rues en cul-de-sac, mon bâton dans les roues, mon caillou dans les bottes. Avec un bout de crayon, je visite en fantôme les cimetières de village. Je fonce cahin-caha dans tous les bric-à-brac. Lorsque le cœur s'étiole dans mon fatras d'organes, je le requinque avec un Picot-bière, un peu d'encre et de sang. Quand les jours s'effiloche comme un chiffon trop vieux, je les trempe dans l'eau, l'onde bucolique des poètes, les ruisseaux de l'enfance, les rigoles du rêve. Je rafistole le monde avec des bouts de bois, des bouts de phrase et le menu fretin. Avec deux ou trois planches et quelques clous, je bricole une cabane à mots dans le fond du silence. Je redessine l'amande à partir des écales. J'étire ma ligne de vie d'un vol de colverts. Tant de choses nous échappent. On n'en finit jamais de ramasser des coups, des miettes de pain, des épluchures et des minous de poussière. Il faut passer le balai dans la chambre du cœur. Là où les banquiers comptent des moutons, il faut se faire brebis galeuse, tête de poète parmi les têtes de porc, fraise au milieu des cailloux. Tant que les écureuils chahutent et qu'il pleut sur le chapeau des champignons, tout est encore possible.

 

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