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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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11 mars 2015

Le feu est entré dans notre maison

0c3f1174Le feu est entré dans notre maison et ses flammes lavent plus clair que n’importe quelle prière. Peau contre peau, notre joie est l’anesthésie momentanée de toutes les perforations. L’enfance cachée dans la cabane du crépuscule accouche des rivières qui débordent. Dans nos veines, la pleine mer annonce les nuits de naufrages et de turbulences. Nos corps en mutation cherchent l’accord vers le passage de l’infini.

Quartz laiteux, ma propriété principale est d’osciller à une fréquence stable lorsque je suis stimulé et je tremble sans autre prérogative. Fusible d’émotions controversées, hexagone naturel, mes faces cristallines résonnent le vide qui m’entoure. Lumière solidifiée, le monde sensible s’éveille au contact de la matière. Je suis le récit d’une fuite et non celui d’un passeur. Ton petit corps et ta chair de poule m’émancipent de la peur et du vertige d’un lendemain laborieux. Mon existence entérine les poignards de l’ombre. Je n’ai qu’un visage, celui des alouettes. Mon corps est de plomb et je coule au fond des mares de la providence.

Ton odeur me parcourt comme une poignée d’étincelles. La palpitation de la beauté est trop éphémère pour que je puisse lui consacrer une autre ville déserte. Je passe mon temps à essayer d’oublier l’inconquis et l’insoutirable de la matière. Au loin, meurent les gares où je ne suis pas descendu. Au loin, comme une image possible de ma vie, les trains sont des cours d’eau dévalant les cascades de la peur de l’obscurité. La lumière est dans le miroir et je touche au plaisir de t’avoir fait sans avoir eu l’idée de te concevoir. En toute chose, c’est la finalité qui nous condamne le mieux. Le silence dans son antre muet clouera, peut-être, l’héritage providentiel et me disculpera de toute charge brouillonne.

L’identité est mère d’avarice, elle privilégie les rapports du hasard et absorbe la mémoire des pierres pas encore déterrées. Cisaillé par l’attente, corps survivant, graphiques de la force qui ne se jugule plus, mon désir est une boule feu dans un ciel opalescent. Je me remembre avec tes côtes, avec tes épaules sur lesquelles l’exaspération des tissus s’ouvre à un deuxième plan. Seule, ta voix structure la cicatrice de notre sang. Mon enfant, écoute avec moi les rondeaux de la stupeur et de l’insouciance : nous briserons le bruit étouffant de nos battements de cœur.

Nous sommes à l’écart des horloges, dans ce territoire immuable et neutre. Nous voulons boire à la joie qui se cache derrière les falaises chiffonnées. La voix de nos âmes est restée suspendue au gibet de l’imposture. Nos songes brocardent l’aube mûrissante et nous nous détournons de cet horizon galvaudé pour gagner d’autres espaces libres de toute attache.

Dans ce présent inexistant, ma conscience est morte et je touche aux lustres de l’éternité. Un flamboiement permanent nous unit dans le feu. La flamme délivre et tient le noir à distance. Pour l’aurore, le discrédit prend naissance aux premiers rayons du jour. J’aime lorsque les bûcherons brûlent tous les surplus après l’abattage des troncs. La cendre donne vie au sol et, ainsi élagués et brûlés, le cycle continue à ensemencer la terre. J’ai pourtant retenu de l’enfance une peur lumineuse, un essaim vidé de son miel et une mesure involontaire. Mes mains sont remplies d’innocentes impuretés et d’un feu soumis aux masques de l’infini. Mon silence conserve la clarté de ta source malgré ces heures mortes.

Même sans plus les mots, l’élan est donné. Volées de bois vert et grenadine avalée, donner, c’est donné. Des fleurs sous le coude, ta vie, cette poignée de chair, remonte dans tes yeux et, une tête bien ronde harangue les autres au portail du devenir.  

Aimer, c’est accepter de tout perdre et de tout recommencer jusqu’à devenir un nom propre. Un nom dépourvu d’étoiles, flottant à la surface des mares et des lacs. Un nom semblable en tout point à un autre, vide et nu avec lequel il va falloir marcher et avancer. Ce n’est qu’enfermer dans cette carapace feutrée qu’il va nous être possible de nous différencier et de nous imposer comme le fruit d’une macération toute personnelle. J’ai voulu incarner d’autres moi mais un seul a survécu, un seul à exiger de mon royaume le pain et l’eau comme un prisonnier emmuré dans sa propre nonchalance. A la limite du rejet, j’ai dû tracer le canal éclairant les limites à ne pas franchir.   

Feu qui réchauffe, cuit, purifie, régénère ou détruit en laissant des cendres, j’ai soufflé sur tes braises avec l’avidité des lance-flammes. Lames brûlantes de notre naissance, poussière inégalable du remous des premières heures du monde, je viens d’une immense fournaise pour altérer tes oriflammes. Hommes d’os et de paille, que savons-nous du péril qui traverse notre nombril ? Au milieu de pulsations déjà millénaires, que savons-nous du secret qui nous parle ? Mon enfance est assise près du cours d’eau : pourvu que les arbres et les oiseaux nous rejoignent.  

L’incendie couve de toutes parts. Le feu ne s’est pas encore propagé mais un simple courant d’air suffirait pour attiser la flamme dans un souffle explosif. Etre à soi-même sa levure, son concept et sa démesure, n’y-a-t-il point d’autres alternatives ? J’habite en toi, imprévisible et incomplet. J’affirme mon espace et me fuis pareillement avec la même volonté. Celui qui refuse le monde et sa conception bâtit des rêves sismiques et fait trembler les frontières que je m’étais fixées. Je baigne dans les illusions que je suis seul à connaître et qui me font vivre à la dérobée de moi-même.

Il y a quelque chose d’impalpable et de chavirant. Ne pas savoir et ne pas dire toute l’acrimonie par laquelle arrive l’existence. Je suis au pilon, rien n’est plus comme avant, j’ai dilapidé les heures grasses, pleines de comparaisons et d’assimilations trompeuses. L’heure est véridique, elle inscrit l’aube sur l’équité de la pendule et déchire le flambeau sur lequel on avait tout inscrit, le plus noble et le plus dégueulasse. Le silence n’a plus d’autres choix que de verser sa parodie d’excellence, son grimoire d’effets. Je suis vraiment seul dans cette parodie de vivance. Il n’y a que moi et le dérisoire sort de l’ensorcellement du feu.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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