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Bruno ODILE
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21 mars 2015

Tu sais, il est des actions insoutenables dans

boudeuse_500x500Tu sais, il est des actions insoutenables dans l’écriture. Des paroles comme des maux de gorge, des glaires de vocabulaire amassées et coincées dans la chair, des extinctions de voix soudaines, des mots qui se perdent ou se déchirent dans les voiles de nos bouches. Ecrire n’achève pas de se défaire de cette fièvre accablante. La voix est alors un crayon défectueux, une mine noire inscrivant des mots entremêlés dans les pâtés d’une encre bleue foncé ; un bleu froncé dans un ciel sans marge. D’une pâte durcissant la salive qui opère dans les membranes de la chair une multitude d’incisions fines. Et tout ce qui remonte au jour ne tient qu’en des grumeaux de farine compactée. Des amas de dire incompréhensibles. Des chants bruyants et saccadés. Des mélodies sans instruments, sans cor pour chanter l’Oratorio du monde qui à l’intérieur de soi danse mille valses tournoyantes.

Je crois qu’écrire m’ouvre à l’absence. A toutes les lacunes. A l'écart bouleversé de son chuchotement prostré. Parce que tu es cette présence décharnée de corps traduisant l’abattement mélancolique qui me tire vers le néant de moi-même. Et même si on ne conjure ni son sort, ni la mort, nos brouillons de vie demeurent des cacophonies indescriptibles, des pages de ratures illisibles. Mille traits dans un seul. Par centaine, des voix crieuses et déchirées comme de vieux abat-jour s’élèvent dans un stade rempli à son comble. Autant de voix, autant de personnes. La multitude, la foule, le nombre multiplié, c’est une forme désespérée de solitude. Un amoncellement de disponibilités devenu caduque. Imagine un milliard de personnes en train de dire « je t’aime » en même temps. 

Dans la pierre de nos ventres est déjà inscrite la nuit des temps comme une langue incoercible. Et, les seuls mots qui pourraient éventuellement faire front, sont les mots inventés, le charabia discursif d’onomatopées, la langue morte des siècles qui nous recouvrent. Mais, pour véritablement les écrire, il nous faudrait alors être la mort courtisant la vie. Parce qu’il faudrait puiser à l’outre-tombe la puissance manquante. 

L’inusable réconfort de l’amour se trouve sans doute dans le soupir. C’est un vaisseau de lumière qui transfigure, c’est une saillie abrupte au cœur de la promesse d’une joie éternelle.  Tu es partie aussi vite qu’une flèche va rejoindre l’infini. Mais qu’y faire ? Il faudra bien que je convienne de cette infamie. Les mots ont tari jusqu'à leur propre source. Secs, inutiles, épuisés, ils ne cherchent plus dans leur signification, dans leur symbolisme, la résolution des problèmes. La solution est ailleurs, elle est dans l'action, dans le mouvement, dans l’œuvre de soi. 

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
En tout cas, pour ma part, tes mots m'enrichissent. Je me retrouve parfois au fil de tes lignes en superposant mes blessures mais tu exprimes tout cela avec tant de puissance et de poésie que mes yeux en sont enchantés.
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