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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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20 avril 2015

Résonnances. (2)

tableau02Il est des jours où l’on ne supporte plus cet étranger logé en nous-mêmes. Ce monsieur tout-le-monde repenti aux politesses usuelles, aux sourires persifleurs taillant dans la masse, aux parades hypocrites lâchées à la face du monde. Il est des jours où j’exècre mon propre sang, où j’abomine mes sueurs intimes et les mots rasants l’ombre désappointée. Je me désapprouve et le déni ressenti m’insupporte. Je voudrais être un autre, je voudrais être moi-même, mais rien ne s’accorde et je m’évanouis dans la fosse commune des préjugés de toutes sortes. Petites cloques humaines, nous sommes le rien où s'écoule le tout et le tout qui s'efface dans le rien. L'illusion est le bras droit de la raison. Manchot, je fréquente les églises sans bénitier. Aveugle, je cours l'horizon à la recherche de l'origine du temps qui me servirait de canne. Tous mes riens sont dans mon tout. Je suis liquide dans la goutte de rosée et je cours dans le vent que je respire. Mais après tout, quelle importance ? Ne rien être est sans doute la panacée de la matière. Je me vide et je me remplis au gré des marées de fumées traversières.

Dans la maison de paille de mon enfance, des cris et des jouxtes claires s’envolent avec la poussière. Dans le sable remué, l’empreinte de l’aurore a bu maintes fois la tasse. Les jours paresseux ont stigmatisés la chute des vagues. Il m’importe de retrouver ces gouffres d’eau luisant d’éphémères bravades. J’ai laissé là-bas un langage pourpre, une voix humide trempée de signes incertains. L’innocence a le goût du sel dans la rougeur du ciel qui appelle la nuit clémente. J’ai conservé dans un coin de mes yeux l’air bleu tapissant le sol à travers les branchages. Une bulle de nostalgie s’évapore sur la cornée. L’invisible buée trace des chemins oubliés au cœur de la clarté et de ses chemins de patience. 

J’ai oublié le premier éclat de la douleur. Il me sépare de la désolation puérile et me retient éloigné du grand chambardement des ondes sensuelles. Je ne reconnais les ténèbres qu’à l’étoile mourante, qu’aux sacrifices vidés de leurs tristesses. Ma vie d’enfant est morte sur le trépied de l’urgence à grandir. Il me reste à peine quelques images dans un espace clos. Il me reste des mots et des fruits sur le bord de mes lèvres ingrates. Tout se défait sur la route du temps, tout se margote avec les frontières indéfinies de la trajectoire. La frontière la plus aride est celle de la chair. Mon corps de mémoire crisse encore comme une craie sur l’horizon devenu un manteau de souvenirs. Je fluctue entre le débordement et l’assèchement.  

Dans la sauvagerie illimitée de mon sang, je m’accouple et me déchire aux lumières dénouant les nœuds des rêves larmoyants. Ma tristesse est mon fer de lance, mon tremplin vers l’envol libératoire. La tachycardie de l’instant laisse place à l’étendue apaisée des plaies arrachées à l’ombre. A l’instar du chaos, le silence m’emporte dans les espaces éloignés de la conscience frugale. Mes mains ne sont plus que des ficelles aériennes, mon corps disparaît comme des cendres balayées par un trou noir et mes yeux ne sont plus ce qu’ils regardent. 

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
L
Merci de votre lecture, Cléanthe.
C
"Il est des jours où j'exècre mon propre sang, où j'abomine mes sueurs intimes" Oui, absolument, comme je comprends ça...
S
Une nostalgie tellement bien narrèe. Je me retrouve dans ce ciel lézardé de bleu et sur le fil de l'horizon dénudé, j'ai accroché les haillons de mes souvenirs.
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