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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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14 mai 2015

Résonnances (7)

imagesTTKLX0SKJe suis un être décousu, un tissu poudreux aux odeurs de sève séchée. Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour remonter le fil tendu de l’obscurité. Mon restant de corps est le seul écho tangible dans la communauté des hommes. Amoindris par leurs parcours chaotiques, mes sens délibèrent en secret et tiennent mon esprit à distance des réprobations moralisatrices. Je ne sais qu’une chose plausible, c’est qu’ils ont la capacité inextinguible d’épouser la vérité dans son juste accomplissement. Les mots dans leur coquille de cristal sonnent le poids d’une résonnance fugace. Ils surgissent de la rumeur enfouie dans le sable de l’inexprimable rien. La voix ne tient que rarement parole. Demain ravive et éteint d’un même élan le désarroi et la perte. L’aube venue, le jour s’encarte aux lueurs prometteuses. Mais que peut-il advenir de la mélancolie en grumeaux de rêves qui ne soit pas déjà le projet enraciné dans la goutte de sang illuminée ?

Harponnée par le néant, la solitude partage son désarroi et son désappointement dans le creux d’une main salvatrice. L’expérience de la chair permet la fusion des forces lisibles. J’ai l’idée d’un chahut sensuel imprégnant les fibres profondes, laissant des traces floutées sur le filigrane de l’existence. L’effleurement des peaux ouvre la voie sur la sincérité de nos âmes et repousse la superficialité dans les contreforts des errements factices. Mon cœur dans son intimité se construit dans le recommencement. Les jours se renversent et je danse avec les retournements qui me jalonnent. Chaque amour présent est une brûlure, chaque sentiment se renouvelle en brisant le précédent. La blessure limite le désir aux pensées. Pour échapper à son destin, il faudrait assimiler les innombrables contrastes de nos émotions et accepter l’improvisation de nos âmes confinées aux tranchées de l’infinie.

Je ne saurai refaire le monde ailleurs que dans ma propre cabane. Dans la tristesse d’un hiver lugubre, le foyer de ma cheminée chante le jaune et l’orangé de la flamme libératrice. La mélopée des faiblesses humaines m’a grisé puis lassé. Tout nous dit adieu et tout s’enfuit. La mémoire retourne la terre comme le soc d’une charrue délivre la couche superficielle de nos instincts. Je sais, pourtant, que dans la profondeur quelque chose gémit. Qu’importe ! Il s’agit de forger la géométrie de son espace vital aux sources souveraines de la tempérance. Dans ses oppositions, la vie recherche le réconfort auprès des résistances désespérées. La parole est toujours piégée par la gorge qui l’enserre. 

L’enfer ou le présent ? De mémoire d’apocalypse, la destruction qui m’habite n’a plus la saveur des créations ostentatoires. Il ne reste qu’une mer asséchée dans le cachot de mes fibres. Derrière le mur qui se dresse lui-même, une existence secrète repique le jour comme les petites mains d’une coutière. Je suis un être décousu et, je ne sais pas combien de temps il me faudra pour remonter le fil de vie jusqu’au centre de ma propre bienveillance. L’évidence du possible augmente la vibration secrète. L’interprétation de la texture charnelle trame sa forme dans l’effacement. A ne plus être, la charge de l’abîme s’énonce dans l’absolu.

Je ne cherche plus l’aube au fond de ma gorge. Je ne cherche plus l’orage au bout des chemins sombres. Hier déjà, heurté contre l’ombre de moi-même, j’envisageais de me défaire des lassos de l’obscurité où s’exilent les piqûres du jour. A présent, je veille aux creux de mes mains et sur le bord de mes lèvres, je flotte en dehors des espaces abandonnés. Il n’y a plus de terre en ces lieux inoccupés, il n’y a plus de morsures pour que saigne l’horizon. Les frontières d’hémoglobine ont rejoint le silence léger poursuivant leurs courses après la forge. Le fer longtemps travaillé s’épuise dans la matière rougie avant de prendre forme. Dans une taille acerbe, la serpe coupante a brûlé le foin. Où pourrai-je aller ? Perdu à l’épicentre de mon progrès, je grappille sous mon épiderme le souffle de la buse et la vigueur du renard. Il me faudra mûrir dans l’ombre de moi-même, dans l’intériorité de la foudre qui m’accable.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
A
"La parole est toujours piégée par la gorge qui l’enserre." Mais la plume l'envole et la libère en un texte magnifique, comme toujours.<br /> <br /> Merci pour ces lignes.
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