Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Bruno ODILE
Archives
Publicité
Bruno ODILE
Visiteurs
Depuis la création 46 126
Derniers commentaires
20 mai 2015

Aucune réalité ne peut être à la hauteur de nos manques.

87738892_pLa tromperie s’inscrit dans le regard que l’on se porte. L’attente ne peut jamais être satisfaite, elle est seulement le couloir de nos ombres. Dans les coursives de l’imaginaire, j’ai filé droit devant, sans pour autant trouver l’émeute de mes désirs. Dans ce long chenal qui n’en finit pas, je suis prisonnier dans la marge et l’intense trafic convertit mes foulées vers la gaieté en de simples fugues vives. Pour éviter de perdre la raison, je sais qu’il ne faut pas se laisser aller à la folie qui n’est pas sienne. Je sais que choisir est notre seule puissance au royaume de la détermination. La souffrance n'en continue pas moins de s'accumuler dans la nuit forclose de l'intimité, où elle cherche à tâtons, avec obstination, un moyen de s'écouler.

Accepter l'imperfection ne veut pas dire qu’il s’agisse de renoncer à guérir de soi ou en soi. Je suis le brouillard qui sort de l’attente, je cède à l’espoir de me fondre à la blancheur disponible. Je suis ouvert au vent qui passe, aux feuilles automnales qui frissonnent mieux dans le ciel que sous mes pieds. Je rivalise avec les colères du temps impétueux et les fantaisies des rires joyeux. Je m’ajuste à la croissance des nœuds du silence par lesquels coulissent l’indurée de mes fougues et de mes fantasmes. Je croque le maintenant-tout-de-suite sans déserter les confidences du roulis des jours accablants. Tout est là, dans l’infini proche de la connaissance, dans le terrible lointain prêt à éclore à la lisière des froissements omniprésents de l’air. Tout se fait et se défait dans la cadence de l’autre côté du temps. 

Il faut se méfier de ce qui sommeille en nous. Songes léthargiques cessez donc de saupoudrer sous les aisselles du désespoir ! Frondes des eaux premières, saisissez-vous des vagues de mousses blanches et laissez-vous emporter par le défi du mouvement perpétuel. Toutes les sources intarissables sont des rivières vouées à sortir de leur lit à un moment ou à un autre. Le jour où nous sommes convaincus d’être heureux, il nous faudrait oublier qu’un bonheur plus grand nous est possible. 

Il y a comme une odeur de fourrage dans la sève montante. Trésor caché des poésies vivantes, tu nous apprends ce que l’on peut être. La parole devient visage et l’attention habille la prière naissante. La joie consciente sait que le vide est indispensable à la matière vive. Je sais à présent qu’il me faudrait renoncer à moi-même pour concevoir une forme de vie idéale. Je ne peux que survivre dans l’élément du sens à donner. Je pense donc je souffre !

Mon existence ruinée, dans le malaise de l’ouvrage à vivre, racines liées au ciel, il est temps de briser le cercueil qui m’attend. J’avorte d’une hypnose révolue, d’une figuration contenue par la morale respectable. J’ouvre mon corps comme un sac de voyage et j’y prends quelques affaires pour la suite du voyage et pour visiter la tiède pirouette d’une canicule étouffante. Je m’avance irréductiblement vers le soufflet qui attise le feu. Je m’enfonce un peu plus dans la braise. Elle sent le bois et le spectacle de la forêt pique mes narines. A moins que la pensée soit ma seule liberté ; à moins que la conscience ne me délivre de la douleur en sachant comment opérer pour l’éviter.

La ferveur extrême est redoutable, elle nous dévore. « L’espoir fait vivre » et fait halluciner. Le tourment exprime son besoin et il pourrait bien nous accabler si nous n’envisagions pas de l’annuler par la préoccupation qu’il nous induit. Une peine, un chagrin, une angoisse bien vécus chassent toute idée réparatrice et nous réduisent à la sensation inachevée de ne pas avoir lutté. Aveugle à l’imperceptible, la vérité triche inéluctablement avec elle-même lorsqu’elle nous fait croire que seul le réel est réel. 

C’est en fermant les yeux que je me souviens le mieux de qui je suis. Les paupières closes, je me parcours sans aucune frontière et, même s’il m’arrive de m’accréditer à la troisième personne du singulier, cela demeure un diaporama intègre sur l’écran immense de ma croissance continue. La sensibilité est la première de nos intelligences, sans raison elle sait apprécier ou exécrer. On a trop oublié que la meilleure chose que l’on ait à partager demeure l’expression d’un sourire et il semble que nous n’en finissions pas de redouter l’aléa. Un simple coup de vent dans les champs du matin, et c’est immédiatement le sans mémoire qui s’expose au silence de l’avenir. 

La censure meurtrière du regard de l’autre nous accuse de nos imperfections et nous dépossède de l’élan salvateur. De nos attentes, il faut tout de même chercher l’apaisement. Ou bien se faire le geôlier de son désir et échapper aux doux soupirs de la vie. Spinoza nous a pourtant affranchis : « personne donc n’éprouve la joie de la Béatitude parce qu’il a réprimé ses sentiments… ». D’un espoir, il ne faut pas chercher la complaisance de la réalité mais s’octroyer la satisfaction de l’assouplissement de nos exigences. Aucune réalité ne peut être à la hauteur de nos manques, de nos torpeurs, de nos misères, de nos échecs et de nos blessures. C’est droit dans les yeux qu’il nous faut regarder nos désirs en s’ôtant de l’esprit cette stupide corrélation qu’un désir est un caprice. La mort serait-elle le seul bonheur absolu programmé qu’il me faudrait extraire des parfums de l’existence toutes les saveurs cachées. Un rire d’enfant dans la pièce d’à-côté me rappelle l’innocence naturelle de mes premiers pas. Et même si je ne jouis que d’un plaisir limité, je le savoure dans l’éphémère circonstancié.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité