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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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30 avril 2016

Après la sève montante.

956883187

 

Plus rien ne pèsera sur la pure lumière. Aucune lèvre funeste pour apostropher la clairvoyance d’une époque torpide et indocile. 

 

  Aucune image ne rappellera la carriole transportant sous ses roues le chemin emprunté.

  Aucune convocation n’invitera plus les miasmes rapaces des sentes mortes inoculés à l’immédiat. 

 

Le patrimoine humain restructurera les terres rouges de la pensée sauvage libre et délivrée de toute arrogance. 

 

     J’aurais voulu connaître la source d’où jaillissent les mots, mais il n’y a que cratères et cavernes en ce lieu gorgé d’épitaphes. 

 

Même l’attribut universel du timbre phonétique patauge dans cette mare gloutonne d’infini. L’orchestre des voix n’est plus, et le requiem iconoclaste des phrases ne distribue plus ses notes safranées. 

 

  J’avale le feu qui éclate des bouches rageuses,

                                Dans les gorges malfamées,

j’absorbe la tonalité des voix grinçantes

comme des tôles rouillées.                   .

  Je résonne comme l’écho d’une parole de terre

               projeté sur le grand mur de l’ignorance. 

 

Mes rêves transforment les intempéries de la mémoire commune aux hommes. Dans chaque coquille vide, je cherche la vie disparue. Je refuse de me soumettre au sacrifice de l’absence définitive. 

 

       L’animal tatoué dans mon sang revendique sa part d’existence aux membres de la matière, et il exige une envolée émotive du froid et du chaud que les jours dévorent.       

 

Fauve vertébré perché sur la face granuleuse de mon désir de comprendre, un jour, je renaîtrai dans la poitrine du monde. Un jour, ma chair sera fleur recomposée fragment après fragment. 

 

Je renaîtrai de l’âpre solitude mortifère dans le bruit de mes sabots de paille. 

 

             Uni, d’un seul tenant avec l’aube qui défraie les nuits caillebottées, je serai ce lait caillé conservé sous la langue, je serai cette présure rompue et enflammée parfumant les courants d’air de la voix. 

 

     Chaque mot me parle d’une texture ancienne, d’une charade traversant mon sang que j’écoute distrait comme une abeille aspirée par le nectar des fleurs.    

 

     Chaque mot me parle de mes ancêtres, du bien et du mal et du fleuve à présent asséché par des fièvres nouvelles. 

 

Toutes les expressions emportent un peu de ma chair à travers de lointains voyages et sur la courbe de la terre, mes yeux ne voient plus que l’à-venir. 

 

     Sur mon corps à demi-présent,

                    des débris de langage

   dansent une farandole endiablée.

          La parole humaine toute entière

          me tient lieu de béquille.

Et je marche et j’avance

titubant d’une lettre à une autre.

Je m’esquinte les pieds et les articulations

             sur des pyramides de lettres incertaines.

   Mes mains cloquent, mon cœur suffoque

et ma langue se couche sur des pages blanches. 

 

       Après la sève montante, je redécouvre les chemins de l’enfance, le sceau de billes en verre, les jouets de l’imaginaire et le tambour des après-midi récréatives. 

 

Doucement, le sang remonte à mes yeux et les remplit de graines. Je vois enfin dans le silence des arbres mûrir les bourgeons du monde qui se renouvelle. 

 

       Demain, le pollen se mélangera avec le son de ma voix et je réciterai la lumière blottie sous la carapace d’un escargot. Le temps poursuivra sa route et moi, je me griserai de l’odeur du pain qui s’évade du four après la cuisson.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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