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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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22 juillet 2016

Un jour viendra où le cri sera le voyage.

2174710112Chaque jour qui s’établit comme une promesse laisse filer un murmure d’épuisement. A regarder autour de moi, dans ce monde placardé sur les panneaux publicitaires, j’ai l’impression de ne plus pouvoir agir sur mon quotidien. Toutes les promotions qui vantent l’ivresse me noient dans le cheminement de l’image caustique. J’ai mal de vivre dans la proximité des égouts de la surconsommation qui m’accable. J’ai mal à l’embouchure des ventres vides et aux arrêtes acérées des squelettes vivants. Je suis malade de ce monde coincé dans les ornières d’une paranoïa ordinaire. J’habite la dépendance des douves par lesquelles s’écoulent les liesses fabriquées pour fêter, à date fixe, l’uniforme des mères, des pères et de la saint-Valentin.   

 

Evadée des sens, la joie s’en est allée. Elle court partout sur les trottoirs mouillés et les étagères parfumées. Elle se renverse comme une ombre matelassée, comme un enfant chétif tombé de son landau, comme un paradis perdu, un ange dans un bus défraîchi. Ripé à travers les soupirs embugués de peur, le visage joyeux promène sa gorge blanche parmi les fleurs qui se fanent. Alités au pied de la falaise, des troubles-joie se mêlent aux guirlandes des fêtes anciennes. Le charivari énonce l’angoisse vaincue, le stress martelé des complaintes restées sous la roche et dans les sanglots du vent. Que tout ce qui pleure s’enterre dans la tombe des promesses ! Que la ronce et l’ortie soient l’infusion des tristesses mortes ! Allons, si tu veux bien, nous asseoir sur la vague furieuse qui frappe la muraille et buvons à l’argile qui coule dans la graille emmaillotée où se dépouille la rancœur.  

 

Le néant que je martèle comme une pièce de fer n’a pas le goût du non-être. Il porte la conscience par-delà le moignon des pensées métalliques. Il crisse le vide comme la craie sur l’ardoise. Il rappelle le bruit aigu et strident des forges stériles, des manoirs vibrants dans la forêt, les soirs d’orage. Mon désert, c’est le regret des pays possibles. Partout où la joie de vivre quitte le cerceau du partage, l’espoir d’une main tendue oscille comme une flamme abandonnée.  

 

Le chaos résonne dans la chair du vent, l’automne n’est plus une saison, c’est un pays où se meurent les artifices. Comme un éclopé, je marche dans la nuit où chaque étoile est un morceau de boussole. Je virevolte d’un mirage à un autre. La vie et la nature se sont pliées, enroulées l’une à l’autre et, derrière l’écran où dort la lumière, je ratisse les champs embourbés de lueurs encloses. Je marche dans le rêve-parachute pour mieux toucher les boucles ensorcelées du réel qui me défigure. J’aboie dans le foin qui s’envole, je m’encanaille dans le sens limite des frontières extensibles où les poissons gazouillent et où les perdrix nagent dans les ravins de mon âme.     

 

Entre rage et démence, j’ai longtemps bercé l’ignorance qui sort de ma bouche. Mes yeux sont deux vautours au-dessus des charniers qui inondent la plaine. Ils planent entre les nuages d’anxiété et de volupté. Dans les mots lourds retenus par la nuit, j’entends s’épaissir le frisson aux lèvres fermées des comptines. Des chansonnettes filandreuses inséminées dans les mousses fiévreuses et foutraques de l’abandon bâclent l’ensommeillement de l’invisible folie. Au cœur de l’apocalypse, je trie l’évidence noyée dans le grand sac du hasard. Là où le silence rayonne, des miettes de vie jouent les troubles-faits. Je suis dans le jardin du monde, du côté des larmes sauvages, cloitré comme une nonne aveugle et tâtonnante. Je cherche l’issue. Mon existence est un reflux, un chant pieds nus aux flancs du sarcasme.   

 

Un jour viendra où le cri sera le voyage. Où la révolte ne sera plus une opposition ou un refus, mais une simple tournure de sens, une fatalité mûrie par l’acceptation dynamique. Un jour viendra qui ne demandera rien aux autres rivages. Le puissant moule de l’existence ne peut être refoulé de toutes parts. La joie n’est qu’un attribut, pas une machine infernale pour diriger nos vies.  

 

Je serai apte à la jovialité ambiante lorsque, calme et attentif, je prendrai pour argent comptant la délicieuse liqueur qui coule dans mes veines. Je réplique à mes lignes de fuite par des mouvements d’amour vers la vie. De chaque blessure naît la connaissance et lorsque l’air suffira à me contenter, l’amour de la vie augmentera le bosquet fleurissant dans mes entrailles. Un jour suffira pour que je bascule de l’irrésigné à la pleine brassée apaisante de l’insoumission joyeuse. La pensée rationnelle sera alors vaincue par la sensation de vivre.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Restent les mots indomptés par ce monde où la pensée est sans cesse endoctrinée par les médias. Les déposer sur la feuille blanche est une victoire.
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