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Bruno ODILE
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20 janvier 2017

Aveuglé par l’air ambiant.

13532926_270198800007109_2028661286699163476_nRien n’est parfait. Une destinée heureuse n’est qu’un espoir dans l’attente d’un réconfort plus grand. Je me console de mes manques et de mes pertes avec le rêve fondé d’une vie meilleure. Les jours qui passent grippent sur les nuages que je n’arrive pas à escalader. Me voici face au mystère de l’enthousiasme qui me conduit. Devant moi s’ouvre un horizon de prières et de contemplations. Je plonge dans l’imaginaire des anges, dans le crépuscule végétal où s’évadent par milliers des consonances rébrousières par-delà la cathédrale de l’instant présent. 

 

Tout persiste jusqu’à la fin avec ce battement d’énigmes incongrues. La souffrance de l’air que je respire perdure jusqu’aux angles morts. J’éprouve la mesure de mes failles et je tremble dans l’inattendu. Je suis le veilleur du vide qui m’entoure, je m’arrache des flammes sur le territoire des grâces providentielles. L’onde qui me porte a besoin de la précision de l’évidence pour me déterrer du charnier des ombres. Et, je laisse au soleil le soin de creuser le trou des ivresses subliminales. Le feu est obstiné plus que je ne puis l’être. 

 

Au bord du dénuement, coule la larme amère que rien ne peut distraire. La reconnaissance de ce que je suis s’installe malgré moi à côté de la fontaine qui se tait. Des nœuds dans le mouchoir des plaintes résistent et, dans les méandres des superlatifs, toutes les traces perdues cognent sur l’inanité du vide. Je voudrais être dans la chair parfaite du réel, mais trop de contrefaçons endiguent mon élan. En dehors des prémisses de la beauté, tout est absurde. Ma vie s’agite et je fais du sur-place. Si j’étais une plume, je ne m’enfoncerais pas sous les frontières de mon identité. 

 

Ma maison saigne, une haine fondamentale jaillit des profondeurs inaltérées. La perfection déroute le perfectible : tout est parfait à qui ne sait le dire. L’imaginaire l’emporte sur la potence de l’extraordinaire. Mes pieds touchent le sol alors que mon esprit court après le spectacle qui ruine mon rapport avec la beauté. Jusqu’à lors le monde galvanisait mon existence ; à présent, il démembre la frêle substance qui baptisait ses fondations. La désobligeance m’est une seconde nature. Ma raison sape toute prétention à atteindre l’impeccable praxis qui peut naître après la barbarie de l’ordinaire. 

 

Il faut recommencer les envols et les chutes. La réalité est telle qu’elle se donne. Elle ne possède aucun signe particulier qui prédise un avènement intime. Dans l’austère prière qui accompagne mes nuits solitaires, j’entends résonner le fracas des grandes espérances. Des projections sauvages écharpent mes chairs végétales. Le destin de chaque pierre repose dans l’envolée résultant du geste qui lance l’objet vers l’horizon et non dans son aboutissement. Mon existence imparfaite ne sait s’épanouir qu’avec la plénitude concédée par l’heure calme. 

 

La pensée inconsciente révèle tous ses charmes pour moi seul. Je vole avec la troupe d’hirondelles qui joue à cache-cache au-dessus de la pinède. Je me délie dans l’heure perdue où rien de ma raison ne freine l’exubérante rêverie. J’atteins parfois la douce rosée qui soulage les blessures du monde. Je ne discerne plus vraiment avec exactitude les mots avec lesquels je me cogne. Je suis en lutte avec moi-même au cœur de l’aveuglement qui me dépasse. J’ai quelquefois cette impression bizarre que les rêves détartrent mon corps, ma pensée et mon existence. 

 

Au petit bonheur la chance, le sabotage du monde par les esprits paranoïaques laisse sur ma langue le goût de la destruction gratuite. Sur les cimes du désespoir, c’est la dislocation. 

 

Toute croyance représente l’état sous-développé de mon âme. Le pressentiment de mon entièreté échoue avec l’expérience que j’acquiers du monde. Tout itinéraire qui me conduit hors de moi-même me semble de prime-abord insupportable, voire inconcevable.

 

La graduelle présence d’un tout unifié convoque la tragédie des siècles de tourmente que l’on s’ingénue à replanter en son jardin comme une dérisoire féerie. Mes projets sont à l’épicentre de mes déconvenues. Mes espoirs et mes délires s’enfourchent sur le même horizon et je tente toujours de renaître à la chance comme une radicelle sur le tronc d’un olivier.  

 

On accable les autres de leurs contraintes chaque fois qu’elles rebondissent sur les faîtes de nos frustrations. Dans la bagarre de mes rêves les plus fous et pour ne pas sombrer comme la vague qui atteint sa cime, j’évite soigneusement de songer aux retenues qui me rendent prisonnier de moi-même. 

 

Un lien commun réside souvent dans la vivante analogie qu’il nous arrive de rencontrer chez les autres. Je m’indigne volontiers de ce que je n’ai pas, accusant la vie d’être impartiale, alors qu’en tout état de fait, je ne peux être la clairvoyance de la neutralité. Dans l’obscur où le refoulé silencieux opère sournoisement, le consenti ne peut éclore que par la puissance de la volonté. Derrière le masque, au-delà du Persona social fabriqué, l'exécutant se réfère non plus à son environnement, mais à la culture de son juste. 

 

Clown à la grise mine, j’accorde mon cor aux sons des rengaines inopérantes chaque fois que j’accepte des mots qui prennent le goût d’une gargouille orgiaque. Au soir souverain, la joie cachée indispose le désir qui n’a su exalter l’ombre invisible du désespoir. Je m’essouffle dans la tentative d’être là où je suis, dans l’instant moribond de l’échec. L’illusion grotesque d’une journée inutile et vaine envahit mon esprit. J’ai le futur qui trésaille dans mes veines, le tourniquet des heures plaque ma vie sur les parois du désenchantement. Derrière la membrane fragile du rêve, j’écope l’afflux des lumières explosives et protège mon visage de la rigueur monotone de la blancheur veule. 

 

Comme un fruit malade qui s’éloigne de la flamme sous le compotier, l’homme-blessure me fait redouter l'épidémie lymphatique. J’appréhende la contagion du vulnérable par le vulnérable, la souche coupée, l’heure froide et la débâcle que la nuit emporte.  

 

Je veux prendre le temps. Cette vie s’accélère à chaque croisement et tout va trop vite. Je n’ai plus le temps de respirer. Attentif malgré l’oisiveté, je guetterai l’ange qui passe fugitivement, le sourire qui ne s’attend pas et l’étonnement qui vient surprendre le mouvement établi par le rituel des humeurs qui se répètent. J’écouterai la vie en moi, j’écourterai les pensées qui traversent inlassablement mon esprit. Je serai assis à côté d’une fenêtre ouverte. J’attendrai l’heure bleue où naissent les belles histoires. Je serai là où ruissellent la bonté comme une force ingouvernable, comme un jet d’illuminations sur le crachin purulent qui me cache la silhouette indispensable de mes congénères. 

 

Tout à coup, je me souviens avoir pleuré alors qu’enfant je regardais à la télé la diffusion d’un épisode de « Jacquou le croquant » (1). La nuit qui suivit, mes rêves décousaient et recousaient l’histoire du jeune homme jusqu’à lui offrir un cheminement acceptable. Il n’était pas de thème possible sans une fin heureuse de l’histoire. Malgré moi, déjà mon esprit fécondait les issues gorgées d’espoir et de joie. (1) Jacquou le Croquant est un roman social écrit par Eugène Le Roy, diffusé à la télévision dans les années 1969-70. 

 

Aujourd’hui encore, je m’étonne d’entendre dans ma tête la voix de quelques personnes disparues et du silence lumineux qui précède le souffle calme du sommeil. Les souvenirs qui me tiennent compagnie sont tous parsemés de sentiments joyeux. C’est cette boutonnière gaie et franche que je défais doucement, bouton après bouton. Tout ce qui nous arrache au bonheur que nous voudrions définitif nous saisit d’effroi. Cependant, je sais que celui qui a connu le bonheur une seule fois dans son existence est prédestiné à le rencontrer de nouveau. Parce que le bonheur est immuable, il va et il vient au gré des événements que nous traversons sans jamais disparaître pour toujours. 

 

Je ne sais oublier le sourire du premier instant malgré le tohu-bohu de mon existence. Il revient sans cesse comme un refrain, comme une île perdue que le hasard ne cesse de mettre sur mon chemin. Je est un autre, disait Arthur Rimbaud, mais dépossédé de ma richesse personnelle, je n’aurai plus aucune empathie avec le vivant. Je, c’est le monde transfiguré qui déborde de mes veines et altère la soif du monde imperceptible. Il représente l’expérience condensée de l’essence même de ma conscience. Il est ce que je suis et réciproquement. 

 

Je suis le compagnon joyeux et généreux de l’onde galvanisée, du déplacement de particules à l’intérieur de ma chair. Je suis l’eau de la foudre et la matière du tonnerre. La vie existe d’abord dans la perception que j’en ai. Voir, écouter, toucher, sentir et goûter sont les verbes qui me conjuguent pour mieux appréhender ce que je deviens. Etre content d’être soi est la condition sine qua non pour s’ouvrir au bonheur. Le sel de la vie est partout, le découvrir est une joie ultime. 

 

Aromates pulvérisés dans un troisième espace dormant, le sentiment de proximité de l’ennui ravive celui de s’être débarrassé de l’espérance. Des parfums imbibés d’éclatements demeurent accrochés à l’intolérance du réel qui m’éclabousse. La joie refuse de se marier avec le plomb du jour, et je demeure mobilisé devant sa grandeur. 

 

Finalement, pour ce qui concerne ma construction et mon épanouissement personnel, je me rends compte que je suis tout à la fois mon propre moteur à expansion et mon propre frein. Je suis mon propre témoignage, ma pagaie et mon navire, ma propension et mon rétrécissement. 

 

« Il est temps d’ajuster nos désirs au monde plutôt que le monde à nos désirs.* », nous dit Frédéric Lenoir. * Dans son livre : Du bonheur, un voyage philosophique. 

 

Mascarades des serments qui s’oublient, l’heure légère divague au-dessus du delta des joies infécondes. Le plaisir sans évidence remonte les fleuves sinueux aux courants qui se nient. Les rêves salis propagent la dérision bouillante d’une espérance victime des causes à défendre. Je vois un homme par-dessus la vague, tête emmêlée à l’écume. Un corps aux abois dans la tempête des jours furieux. Des membres noués aux tréfonds des vertiges, un cœur qui saigne tout au fond de la vie. Son visage me ressemble jusqu’aux remords de ma chair. Je lui tends la main comme pour mieux estimer la distance. Mais il est trop loin pour pouvoir le sauver de la noyade. 

 

- Bruno Odile -Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Tant de questions existentielles ici... traitées avec ta poésie habituelle. Je me laisse emporter par tes mots avant d'en suivre le sens.
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