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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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11 mai 2017

La veillée des grains abandonnés.

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     Heureux, celui qui peut voir au-delà de sa propre solitude. En moi, la clef des champs appelle un

autre monde.

 

Dans les profondeurs de mon corps est écrit la part cachée de la providence qui compose mon être.

 

          Je marche à côté de ma voix, en parallèle. Je suis là, entre la laitance natale et le refuge obsessionnel du bonheur de vivre.

 

Je résonne dans la transgression. Je retentis hors de l’écho communiant sa verve brouillonne.

 

 

 ********

 

 

     Le mot, cette misère organique, plagie mes sens et donne corps à une vérité déroutante.

 

          Des barbelés dans la voix virevoltent dans une respiration indécise. Par moment, ma langue s’arrache au cœur blessé d’une poésie vivante.

 

Très loin, au fond du souffle, des lettres se halent de leur chrysalide et s’apprêtent à l’envol sur la fenêtre de la voix.

 

     Elles parodient l’approche nuptiale, le mariage des heures vives avec le sang imaginaire d’une volonté étouffée par le purin des courses fourbes.

 

       Plus j’avance, plus le réel se désorganise.

 

Plus j’approche l’objet de mon désir, plus il est difficile de détacher l’élément sonore du sable élémentaire.

 

     Lucidité désespérée de la voix, misérable ressenti de l’ombre persistant dans l’apparence.

 

       À portée de main, toute la vraisemblance s’effondre sous l’éclair fragile du mouvement.

 

      À portée de voix, l’impossible se libère, se délivre de l’inconnu qui nous entoure.

 

          L’ombre se retourne sur elle-même. Le cercle des interrogations remâchées déploie ses rives au-delà de la transparence.

 

      Les retrouvailles avec l’interstice vierge dénoncent l’aveuglement des murailles dans l’épaisseur du monde.

 

Quelque chose se passe : l’espace rétrécit à la seule étendue de l’esprit.

 

           Résonance ou effacement, le libre-arbitre se moissonne sauvagement sur la rampe du vide.

 

 

 ********

 

 

Je suis un être décousu, un tissu poudreux aux odeurs de sève séchée. Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour remonter le fil tendu de l’obscurité.

 

Mon restant de corps est le seul écho tangible dans la communauté des hommes. Dans le vertige d’un désert, n’importe quelle racine échappe aux yeux fermés.

 

             Amoindris par leurs parcours chaotiques, mes sens délibèrent en secret et tiennent mon esprit à distance des réprobations moralisatrices.

 

  La seule chose qui me semble plausible, c’est qu’ils ont la capacité inextinguible d’épouser la vérité dans son juste accomplissement.

 

Les mots dans leur coquille de cristal sonnent le poids d’une résonance fugace. Ils surgissent de la rumeur enfouie dans le sable de l’inexprimable vide.

 

      Dans le soupir du blé et de l’avoine, la voix ne tient que rarement parole.

 

        Demain, c’est l’espace qui ravive et éteint d’un même élan le désarroi et la perte. L’aube venue, le jour s’encarte aux lueurs prometteuses.

 

Mais que peut-il advenir de la mélancolie hachée en grumeaux de rêves qui ne soit pas déjà le projet enraciné dans la goutte de sang illuminée ?

 

 

******** 

 

 

     Ma ruche d’air frissonne à chaque son converti. Dans mes hoquets rêveurs, le moindre murmure parle de la paix ultime enfoncée dans mon sang.

 

               Je ne cherche plus l’aube au fond de ma gorge. Je ne cherche plus l’orage au bout des chemins sombres.

 

      Hier déjà, ciselé contre l’ombre de moi-même, j’envisageais de me défaire des lassos de l’obscurité où s’exilent les piqûres du jour.

 

A présent, je veille aux grains dans le creux de mes mains et sur le bord de mes lèvres. Je flotte en dehors des espaces abandonnés.

 

Il n’y a plus de terre en ces lieux solitaires, il n’y a plus de morsures pour que saigne l’horizon.

 

               Les frontières d’hémoglobine ont rejoint le silence léger poursuivant leurs courses après la forge des mots.

 

Longtemps travaillé, le moulage oral s’assèche dans la matière rougie où les formes s’épuisent avant de renaître obstinément.

 

Dans une taille acerbe, la serpe coupante a brûlé le foin. Dans la terre en brûlis des anges fredonnent un Ave Maria récalcitrant.

 

Où pourrais-je aller ? Perdu à l’épicentre de mon progrès, je grappille sous mon épiderme le souffle de la buse et la vigueur du renard.

                      Il me faudra mûrir dans l’ombre de moi-même, dans l’intériorité de la foudre qui m’accable.

 

 

 ********

 

 

Souvent, la douleur échappe à la verbalisation en squattant les onomatopées.

 

   Harponnée par le néant, la solitude partage son désarroi et son désappointement dans le creux d’une main salvatrice où le temps embaume les blessures.

 

               L’expérience de la chair permet la fusion des forces lisibles. J’ai l’idée d’un chahut sensuel imprégnant les fibres profondes, laissant des traces floutées sur le filigrane de l’existence.

 

                    L’effleurement des peaux ouvre la voie sur la sincérité de nos âmes et repousse la superficialité dans les contreforts des errements factices.

 

     Dans son intimité et dans le recommencement, mon cœur se construit. Les jours se renversent et je danse avec les retournements qui me jalonnent.

 

                Chaque amour présent est une brûlure. Chaque sentiment se renouvelle en brisant le précédent. La blessure limite le désir aux pensées et je me dois d’improviser l’espoir pour être égal à moi-même.

 

Mais, pour échapper à son destin, il faudrait assimiler les innombrables contrastes de nos émotions. Il faudrait pouvoir pressentir la grâce d’une forêt d’automne dans les tranchées de l'infini. 

 

L’infini.

 

 

 ********

 

 

                Je ne saurais refaire le monde ailleurs que dans ma propre cabane. Dans la tristesse d’un hiver lugubre, le foyer de ma cheminée chante le jaune et l’orangé de la flamme libératrice. La mélopée des faiblesses humaines m’a grisé puis lassé.

 

Tout nous dit adieu et tout s’enfuit. La mémoire retourne la terre comme le soc d’une charrue délivre la couche superficielle de nos instincts. Je sais, pourtant, que dans la profondeur quelque chose gémit.

 

Qu’importe ! Il s’agit de forger la géométrie de son espace vital aux sources souveraines de la tempérance.

 

     Dans ses oppositions, la vie recherche le réconfort auprès des résistances désespérées. La parole est toujours piégée par la gorge qui l’enserre.

 

 

- Bruno Odile -Tous droits réservés ©

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