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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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6 septembre 2017

Sur la tranche translucide des mots.

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     J’écris à présent comme on dépose une seconde de réalité insaisissable sur les fêlures de l’oubli. Clos

dans un monde qui s’achève là où il commence, je suis cadenassé de l’intérieur, fermé d’avoir souffert dans un silence avare d’inutiles propos.

 

      Tout est présent dans ma pensée, mais ce qui voit le jour est déformé, dépecé, divisé. L’instant a le délicieux frisson de n’être qu’un infime fragment du grand tout.

 

      Tout s’accole en un éclat. La nature même de mon sentiment est absorbée sans que je ne puisse intercéder.

 

Et dans ce défilé de mots lumineux, l’éclair est dans mes yeux, faisant flamboyer des images écarlates dans une voix épluchée à vif.

 

                    En persévérant à refuser le vide qui l’entoure, ma volonté espère sans doute le moment où tout bascule. Le moment où l’on ne sent plus rien, où l’on touche du doigt les frontières du néant, où la tête puis le corps lâchent prise, où l’on abdique à l'aspiration du chaos.

 

Comment parler de concision ? Rien n’est condensé sur une pensée. Rien n’est vraiment concentré comme on le croit ou le souhaite. J’en suis réduit à m’engourdir d’hypothèses par lesquelles je m’éparpille.

 

                    Cependant, écrire est essentiel pour délivrer les nœuds de l’obscurité. L’émotion sème en moi la vigueur d’une rose printanière et toute la fermeté de la fragilité et de la défaillance.

 

L’écriture pourrait être une avalanche d’humeurs, d’émotions, de vestiges inhumés ou même une fresque lumineuse au fond d’une grotte perdue.

 

     Mais, chaque fois, la perception revendicative m’échappe. Elle m’égare, me trompe, me perd. Écrire me secoue, me ballote, m’empoigne et me jette du haut de la falaise émotionnelle.

 

J’ai l’impression de me désencombrer de quelque chose de fort, d’insidieux ou d’avarié. En définitive, je ne fais qu’avaler les tourbillons ressasés de mes brisures.

 

          Dans mes soupirs, la petite lampe frontale s’éteint, m’obligeant à continuer le chemin à l’aveugle. Mes friches se mélangent alors à l’air que je respire et dans l’immobilité parfaite, je crois détenir la corde qui m’entrave.

 

L’illusion est si complète qu’il m’arrive de ne plus savoir qui je suis, où je suis, ni ce que je deviens. Mais je persiste, je m’entête et je me révolte.

 

        Tous les chemins qui me permettent de ressentir la brûlure originelle dans la proximité de mon recueillement sont d’une nécessité plus forte que mon entendement. La terre coule dans mes veines comme un long jet où s’étire le temps.

 

 

*******

 

 

A présent, les mots s’abîment sur les pointes jaillissantes d’obscures haltes avant d’être aimantés par le blanc de la page.

 

          L’insatisfaction salutaire résulte de celle qui rend la parole habitable d’une vérité bouleversante.

 

Ce qui est décisif ne dure qu’une seconde. Nous absorbons les heures qui s’abattent sur nos chairs comme si elles étaient excédées par une demande pressante.

 

      La clairière du tendre est saccagée par l’heure acrobate rêvant d’apesanteur. Les caniveaux du cœur se gorgent de la pluie qui desserre le ciel. L’égout est prompt à la noyade. Tout va très vite.

 

L’heure est comptée et elle renvoie à la misérable horloge de sa course.

 

                    Le silence ne ressemble plus qu’à des coups de marteaux sur une cloche fissurée. Le vide bourdonne de son écho reliant les êtres. Alors, alors seulement, nous remplissons nos mains pour être moins légers.

 

   Aucun sursis pour l’insatisfaction qui claque dans la chair. Le fracas remonte jusqu’aux manches du soleil. Bras et langues liés, nous nous purgeons aux baisers qui s’enlisent dans notre faim.

 

         Notre temps à vivre est du camphre sur la cornée qui précède le regard.

 

Un voile gras ne redoute pas l’assèchement et nos voix s’incrustent à nos langues engluées d’éternelles substances crasseuses.

 

            Le sursis retient l’air devenu une toile d’araignée. Nous respirons les cailloux logés dans nos ventres. Puis, nous recrachons le tremblement de nos gouffres où la parole prend forme.

 

L’heure n’a rien à dire. Chaque jour, les poumons de notre désir assainissent nos langues marécageuses avec la salive d’une poésie disparue dans l’haleine fraîche de l’ignorance.

 

        L’eau file plus vite que la parole. Pourtant, nous sommes des torrents, des cascades de ciel sur les branches figées des arbres. Pourtant nous coulons de l’ombre vers la clarté. Pourtant nous sommes des gouttes de vent sur l’horizon de nos lèvres.

  

- Bruno Odile -Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Pour ma part, j'écris des textes poétiques pour le plaisir des mots mais parfois aussi, pour libérer mon conscient de ses images sombres et ainsi, le diriger vers un chemin plus éclairé.
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