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Bruno ODILE
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3 octobre 2014

Isolés, mais pas seul.

1870_Bazille_Frederic__la_Toilette_the_ToiletMascarades des serments qui s’oublient, l’heure légère divague au-dessus du delta des joies infécondes. Le plaisir sans évidence remonte les fleuves sinueux aux courants qui se nient. Les rêves salis propagent la dérision bouillante d’une espérance victime des causes à défendre. Je vois un homme par-dessus la vague, tête emmêlée à l’écume. Un corps aux abois dans la tempête des jours furieux. Des membres noués aux tréfonds des vertiges, un cœur qui saigne tout au fond de la vie. Son visage me ressemble jusqu’aux remords de ma chair. Je lui tends la main comme pour mieux estimer la distance. Mais il est trop loin pour pouvoir le sauver de la noyade. 

Dans l’égarement le plus intempestif qu’il me soit donné de vivre, je touche à l’inexprimable retentissement de mon être. Pourquoi, aujourd’hui, le bonheur se pulvérise sans même nous ouvrir son espace ? Parce qu’au travers de l’illusion qui nous est vendue dans tous les lieux mercantiles de l’espérance, la joie qui pourrait nous animer n’est plus une image reliée de l’être à la vie mais le simple aboutissement d’un plaisir. Le bonheur ne peut pas se libérer uniquement par l’intermédiaire d’une attitude positive. Il nécessite la rencontre conjuguée et équilibrée de nos désirs et de nos besoins. Le bien-être réside davantage en chacun de nous et dans les choix que nous obtempérons pour être heureux. La joie est l’énergie suprême qui nous élève de la médiocrité. Comme nous le dit Vincent Cespedes dans son livre intitulé Magique étude du bonheur, le bonheur est « explosif amoral et subversif », et il va de pair avec l’aventure de notre existence. 

C’est le culte de la performance, c’est l’instrumentalisation de la quantification du bien-être qui nous rend coupable d’un bonheur sans conséquence. Monsieur le Bonheur est l’être de culture que j’envisage. Je le rejoins dans le sommeil doué que j’accorde à la crédulité.

Il est un lieu de vie où le malheur s’explique alors que le soleil qui chante dans mon cœur demeure une puissance de désobéissance, un hors-norme qui dérange le confort de l’optimisme tout azimut.

La joie me parait le meilleur moyen pour réconcilier mon être avec le présent du monde. Elle détient toutes les qualités du bonheur sans être l’exercice d’un but à atteindre et d’une finalité. Aujourd’hui, il faut que quelque chose arrive pour rompre la monotonie, pense mon intellect. Et puis, si rien ne vient, à tout prendre, que je sois capable de me satisfaire de ce qui m’est donné : l’air, le calme apparent autour de moi, le jardin qui parait stoïque au cœur de cette journée printanière un peu grise. En fait, il faut me ressourcer à ce qui semble être l’essentiel. Un peu à la manière de fonctionner de mon corps : manger parce que l’on a faim, surpasser les doses par gourmandise et laisser faire mon appareil digestif pour qu’il ne conserve que ce qui est utile à l’existence.

Isolés, mais pas seul, nous sommes un et mille à nourrir dans l’ombre des idées de paix et d’humanité. Cela ne veut pas dire que nous n’existons pas, cela témoigne seulement que la dominance culturelle nous écrase, nous contraint et nous bâillonne. Comment pourrions-nous combler l’abyssale vacuité d’être autrement que par un insatiable désir d’être et d’avoir ? Nous ne possédons rien. Dès notre plus jeune âge, nous ne faisons qu’éviter les plis du vide qui nous décoiffe et nous déroute.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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