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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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5 novembre 2014

Entre le hasard et la nécessité.

images2Sur une table perdue, une poignée de sable s’échange contre une tasse de feu. Le cœur boursouflé comme un melon d’eau, l’émotion coule comme une pluie battante. Nos regards sont des fantômes aveugles tâtonnant dans le vide. Ils emportent avec eux les rambardes de fer qui entourent les nuages. Ils bâtissent des murs plus hauts que ceux des basiliques du regret et des lamentations. La mort est une brèche dans laquelle le monde recompose ses premières notes. Je marche sur les remparts de la tendresse et l’ornière qui me cache encore de tes bras n’est qu’un vilain manteau de poussière ferrugineuse.

Les contraires ne s’harmonisent que lorsqu’ils se rejoignent, se touchent et s’épousent. Tous ces fichiers d’exaltation dans les yeux du jour, je ne les ai pas lus. L’impermanence, vive, allègre et résolue, tisse puis refoule l’écart dans l’ordre du temps. Ce qui n’est plus est autre chose, ce qui s’effile comme le vide s’accroche aux wagons de la spéculation. Je me réveille avec un idéal hors de la vie. La doublure des mots et des sens enveloppe tout le bric-à-brac de mon identité. 

Je ballotte entre détresse et émerveillement. Ma langue est enlisée dans la nudité d’une poudre d’atome aphone. Je suis vivant dans le prépuce de l’air, un orgasme à la main. Ce n’est qu’après cette secousse lumineuse que j’entame une excursion dans le néant qui m’enrobe.    

Est-ce le chemin qui fait le parcours, où est-ce l’air qui traverse la lumière en fleur ? J’aime la vie par petits feux distendus, par saccades et par détachements. Je m’accoutume aux nénuphars dans la mare, aux déchirements, aux méfaits, aux escargots dans l’allée après la pluie. J’aime les fleurs du pommier après l’adieu du printemps. J’aime l’eau qui parle au-delà des mots en cascade, le chant des abeilles dans une touffe de lavande et l’ombre des cigales perchées sur les secrets de l’ivresse. Ma vie est un trou dans l’horizon, une porte ouverte, une chambre obscure. Et dans l’absence de murs, je mange mon propre corps. J’aime cet instant de triomphe dans la fissure viscérale du monde, ce murmure oppressant que la rage dénonce. J’aime le sacrifice de l’air lorsqu’il se rassemble dans mon sang. 

Tout rompt et a rompu. Dans l’esquisse du jour, la lumière crache quelques éclats de blanc. Le langage de l’inachevé broute aux prairies des mots rectangulaires, assiégés de règles, licenciés des bouches libres. J’entends naître, là-bas, le ruisseau des papillons, l’onde invisible de la source inaccessible à toute solitude. Je suis pourtant seul dans cette herbe qui monte jusqu’à mes genoux. 

Accepter ce qu’il y a d’indigeste dans l’existence, c’est lui accorder tout son pouvoir. La tragédie n’exclut pas la joie. Nous sommes la partition du monde sensible et c’est dans la dissonance que le La majeur improvise les accords de la mélodie existentielle. J’aime malgré moi ce monde imparfait. Confronté à l’arbitraire, entre le hasard et la nécessité, l’intelligible se heurte au secret de la vie. Les Pourquoi découpent la raison d’être et le rationnel fait crédit à l’amour frou-frou de tous les jours. Cependant, je ne vais nulle part ailleurs qu’en moi-même et, dans une entière disponibilité, c’est seulement l’émotion qui me guide du mercure de mes racines jusqu’au cimetière des superlatifs. 

Une attente est morte, hier au soir avec le crépuscule. Une autre réveillée trop tôt par le bourdonnement des espoirs déchus, arrive avec l’aube grincheuse. Une vigne silencieuse finit de mûrir dans la bouteille où fermentent des rêves décomposés. J’ai cru, un instant, au bonheur des grappes de raisin. Je ne bois pas, je ne bois plus et des gouttes de sang tombent dans mon gosier. Mais, couchée sur la table, la treille réinvente des tonneaux de marc prêts à être consommés.

   

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Finalement, on est toujours seul à se dépétrer entre joies et peines. L'heure choisit son camp et nous sommes ballotés entre ses rives..Pour ma part, certains jours, j'ai du mal à marcher sur ce pont suspendu même si j'ai mes deux jambes.
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