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Bruno ODILE
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17 janvier 2015

L’imprévu ne m’a pas tué.

4600822_PICT0194Souffre mon âme de tes deux yeux crevés ! La jarretière se porte haut sur les balcons de mon ciel. Le mariage du firmament et de la terre reste un euphémisme lorsque mon corps décapité rugit de sa gloire perdue. La synergie de mon être est fragmentée, une fissure gorgée de déception m’appelle à la charité du bourreau. Coupe, coupe donc le cordon qui me lie à l’encombrement des gestes disparus. Taille donc, tranche le bourbier de mauvaises herbes qui donnent un sens à mon existence.

Je suis un bourrin-trotteur sur les plages déracinées aux bordures des mers. Ma chevauchée est une flamme mourante sous les vagues rougies d’un soleil qui se meurt. J’entends dire au loin : « Elle n’est pas belle la vie ? », mais cela ne remet pas de l’ordre dans le fracas de mes os. Assis sur l’équinoxe, la grande marée recouvre toutes les contrefaçons. Mes yeux flottent avec la pluie de grêlons ajoutant ainsi à l’avarie de l’espoir une perte plus subtile et plus désastreuse qu’un simple opéra de gestes. 

Mille sens en un foisonnent dans le tourbillon des voix qui s’étendent avec les vagues de mes souffles. Et, je voudrais sauter à pieds joints sur la désespérance comme sur le tremplin d’ardeurs innocentes qu’elle fait naître. Mais, l’écoeurements'abîme dans le silence. Le dégoût reste collé aux parois de la bouche où il rebondit mortellement comme une plainte au fond d’un puits. Chaque blessure porte en elle la flèche de lumière qui procure à l’ombre sa part de clarté. Vois, ce filin doré dans le noir, cette note tombée de l’accord du jour. Seules, les barrières du conditionnel sont une encombre étourdissante. Il faudrait pouvoir ne pas douter et ne pas vouloir refaire le monde. La déficience s’accroît partout où nous lui cédons nos inaptitudes comme l’on jette à la poubelle des boulettes d’impossible.

L’obscurité sans fin défaille sitôt que le miel s’enflamme dans le brasier de mes sens. Le doux poignard des anges bienfaiteurs scalpe la fièvre des jours fanés. L’amour brûle le temps, brûle la vie. Mon existence prête serment à de vides conceptions puis déroule son immensité jusqu’aux portes de l’oubli. Parmi l’étendue de la plage nue, un sablier écope les gouttes de pluie et je trie les vagues débordant la mer originelle. L’amour extrême joue du piano au cœur d’une symphonie de cendres et déplace le silence là où s’amorcent d’obséquieuses parités inconcevables. La précarité ne termine jamais sa course ailleurs qu’aux pieds solides de l’inachevé. L’amour surpasse les conflits et domine le monde.

Qu’importe l’averse de griffes et le tonnerre de cris grondant par-delà les dunes. La lande est sauvage et le déroulé d’émotions aussi. Dans la fumée, les orties font écho à mes rêves sous la paille. On est toujours seul avec sa blessure. 

Le désespoir est un gravier avarié recouvrant le tombeau de ce qui se meurt en soi. Vêtu de plumes, il recouvre le masque de nos agonies souterraines. Amorphe, il déglutit le silence qui lui donne des ailes de corbeau. Devant moi, une route à arpenter, une voie ouverte aux bruits de la vie, à l’odeur des bouts bois cassés sur tous les chemins. Des parpaings de chair enrayent l’horloge soutenant mes désirs dans la blancheur crue du réel. L’itinéraire du dévoilement de soi s’enfonce dans mon rêve éveillé. Mes yeux sont maquillés de rumeurs terrifiantes. Qu’importent les formes, la présence pure traduit l’existence. La chair qui a vécu voltige dans l’émotion et j’apprends à cultiver mon corps dans le jardin de la providence. En habitant mon corps, il faudra bien que je me contente d’être. 

L’écriture, dans sa coulée de boue onctueuse, traverse ma chair où se forment des fontaines amères, salées et imbuvables. Ses fluides insipides et parfaits expulsent la vomissure de la plaie inodore. Ma voix s’arrête sur la syllabe précédant le silence. La souffrance commence là où mon corps se compare. Il rassemble le regard des autres dans un grand sac de bruits iconoclastes. L’angoisse se hisse jusqu’aux pores les plus étroits et recrache les fleurs putrides que mon cerveau, ce bouffon à prières, avait conservées. L’amour n’a pas d’odeur, il les occupe toutes de sa clarté insaisissable. Chaque fois qu’une capacité physique disparaît, une autre, plus vindicative, la remplace. Sans doute, cette mutation consciente me précipite dans les débris d’une nostalgie foudroyante.   

L’imprévu ne m’a pas tué. Funambule en équilibre, au-dessus d’un amas de ferraille, le blanc puissant occulte la mémoire de l’instant. L’accident était inattendu. Je le ramasse comme une craie fondue par la pluie. Il draine la nuit que je respire dans l’arrachement. L’imminence chancelante cultive les écailles broyées et le secours cueille la seconde neuve. Mon existence transposée écume des braises anciennes où les faits falsifient et désargumentent mes dispositions naturelles. 

J’existe seul dans la mémoire de mon corps et sous la voûte où résonnent les chants qui se brisent. L’inévitable espace temporel raccorde la fiction au réel. Ma chair découvre avant moi l’heure tranchante. Je suis déçu par le monde qui me refuse la route du chevalier bravant la tornade. Je suis contrarié par l’incapacité que j’ai à m’extirper des foudres accablantes de la torpeur. Je suis collé au réel inimaginable. La déception s’engouffre au plus profond de la chair muette et le détachement devient ma dernière exclamation. L’abandon fait chanter la sève humaine au-delà des terres d’accueil. 

Je m’entrevois en lutte dans la photographie d’un immédiat pour n’habiter finalement qu’un atelier d’écumes imaginaires. La peur de tout perdre et celle de mourir figent l’alerte à l’intérieur de mon sang. Le corps visible s’entretient avec la pensée inappropriée précisant la sanction. Devant moi, une image illisible se heurte à l’approche du monde senti et au refus de ce que j’en ressens. Je ne peux incarner la cassure, elle est inhabitable.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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