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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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20 janvier 2015

Tu passes et tu perles.

art_a_paris_art_contemporain_paris_moderne_peinture_contemporaine_artistes_peintres_actuels_merello__nu_en_rouges__100x81_20_cmDans la nudité tous les cœurs sont parents. L’humanité toute entière baigne dans le sang prisonnier de la chair qui affronte le soleil. Portes ouvertes où nulle cérémonie n’a eu lieu, mon âme porte en elle le suicide divin des arbres où ravinent les ombres désespérées. Je pose ma main sur les cendres de ton cœur et c’est le rêve qui disjoncte. Lumière de frayeur entremêlée à la joie sereine, il pleut des courgettes sur l’œil troublé de la serrure de mon jardin. Tu passes et tu perles. Tu passes et je suis. Tu passes où la marée a déjà débordé. Des larves grouillent comme des crapauds affamés. Les idées tombent comme des couettes fripées. Je ne pense plus donc je suis un frisson de mon propre écho.

Au sommet des peaux, nos chairs plombent le calme apparent. Nos voix corsent le silence d’une mélodie avariée. L’illusion de te voir cloque les interstices. Mon désir est berné par l’aura des pensées qui t’accompagnent. Je suis seul, désespérément seul. Passager aux nervures despotes, je m’alanguis sur l’échelle de l’air. La tempête brise le plomb agglutiné dans la pierre. L’éboulis est dans son ventre. Le roc se fissure et l’air s’enfuit. Une vapeur se disloque et la buée retourne à la mer. Tout l’amour est une déchirure de l’écorce terrienne.

Le temps boit l’eau de la mer qui devient déserte. La mort nous ramène à notre centre. Elle est au cœur de l’évènement journalier. J’éprouve une joie désespérée comme l’eau d’une forêt lorsqu’elle retrouve le chemin de ses racines. Mes mains sont des coquillages vides où résonnent les vagues assommantes. Les mailles du filet se relâchent. Un poisson se faufile dans mon crâne. L’arête sera mon festin et mon tremplin pour atteindre les dunes où tu te caches.

Plus massif que la pensée, l’orage prend la mesure des limites de l’air. Les mots se décharnent en dehors du regard. Du sucre et de l’eau convergent, puis une goutte d’huile remonte à la surface. La mort qui se retourne n’est plus le signe menaçant du sel qui ronge les os. Nos fantômes sont des cancrelats de lumière dissociés du jour resplendissant. Je ne sais plus de qui je suis l’amour. Je me tiens debout sur cet horizon à plat ventre. L’amour gribouille des traits secs sur des lignes suicidaires. Horizontal, vertical, une croix se cherche et les mots s’enroulent comme du lierre autour d’un tronc d’arbre. Je m’arrache au décor, je grimpe sur l’écorce. Il me faut voir la lumière au plus prés du blanc. Rien n’est plus vigoureux que mon cœur lorsqu’il s’acharne à reprendre sa place sous la poitrine. Je ne vois plus rien. Tout est noir. Je suis aveugle sous la courroie qui me hisse mais le sort me préserve.

Et si rien n’existait vraiment ? Ni la peur, ni l’angoisse, ni l’escalier des souvenirs où se perdent les cris qui défient la luxure du monde ? Je suis un plan de conscience rétréci, un bulbe d’air à l’orée de la matière vivante qui se lève. Je me libère peu à peu du connu. Je deviens une pincée de sel dissoute dans un verre d’eau. Ta voix repose au pied du jour comme un trident pointé sur le passé. La mémoire est une relique où les mots sont à moitié effacés. Des ossements couronnent les rêves avec lesquels je fais revivre toutes les larmes du matin où tout s’est effacé. J’ai beau répéter le bruit du sang dans des alcôves intimes, ta musique est balayée par la décharge de l’éclair qui nettoie le chemin.

Tu me déboussoles. Mes repères sont rivés à la somnolence où tu reposes. Un corps, des mouvements et puis des souffles qui soulèvent les pierres. La flamme d’une bougie soutient le noir au-dessus. Plus je te cherche, plus tu te dérobes.

Et puis, non, ce n’est pas imaginable ! Non, ce n’est pas possible ! Une seule pincée de matière disparaîtrait et c’est le monde tout entier qui s’effondrerait. Même le vide a besoin du rien. Or, nous sommes de ce monde quoiqu’il en soit. Le domaine du feu me retient comme un fourreau. Les montagnes s’érodent, les plis de ma terre invisible ne cessent de croître. Une barque de cendres s’enfonce dans le ciel. L’univers ne peut se passer de nous pour exister dans le faste de sa démesure. Les images qui remontent du gouffre déchirent ta peau. Un autre monde s’enfonce dans ton regard. Je ne peux plus me situer dans un face-à-face. L’anse de la mémoire crève mes yeux.

Alors, viens ! Partons ! Quittons ce lieu de détresse, de dévotion et de douleurs. Allons explorer la nervure des nuits et des gibbosités qui les accompagnent. Allons, si tu veux bien, piocher au désarroi des pertes lourdes. A toutes ces défaites avec lesquelles nous avons flirté durant nos défaillances viles.

Tout ce qui n’est pas encore cousu dans le livre du temps peut rouler sous nos paupières. Le fil à soie s’étoffe dans l’épreuve qui se frotte au néant. Il nous faut creuser et défaire les nœuds d’émotions fortes. Tremblons mais n’esquivons pas. Cherchons ensemble la parole restée en suspension afin d’offrir nos disponibilités à l’inconnu qui nous attend.

A l’intérieur de ce monde invisible, le désir peut se faire plaisir sans te faire du mal. Il y a par conséquent aucune gène, aucune retenue. Rien qui puisse nous brimer davantage. Et puis, dans cette mort qui nous est désormais spécifique, les impossibles sont devenus des réalités encaquées dans le fauteuil des heures perdues. Il est vain de s’enflammer en dehors de cette poussière qui colle à nos regards. Quoiqu’il en soit, nous dérivons dans le temps qui nous absorbe. Nous sommes deux étranges lueurs blotties entre les tombes. Chacun de nous sur la route de l’éclair. Chacun ballotté dans la poche kangourou des identités obsolètes.

Reconstituée par la mémoire, notre histoire n’est que limailles tordues et résidus d’affolement. Nous marchons à la surface de nos cœurs et nous allons à la rencontre de nos humanités pour accompagner la résonance qui surplombent nos trop courtes existences.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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