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Bruno ODILE
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13 avril 2015

Le bonheur solitaire n’a pas la saveur de celui qui se partage.

imagesSW6EI9PBLa vie qui se cache dans les mots ne sait pas qu’elle voyage incognito parmi les affres de l’ego protecteur. Esclave de nos sens, nous le sommes encore davantage de notre inconscient. Monde sournois et glauque, l’allure des jours qui passent traîne avec elle les armoires pleines de râles et d’insatisfactions moribondes. Rien ne va plus dans cette communauté qui se lamente sur elle-même. Trop de plaintes, justifiées ou pas, entravent la course des pas qui s’agitent de toutes parts. Parfois, le réel n’en est plus un et l’innocence devient un nouveau départ. 

Avant, la noirceur pétrifiait l’écho au chœur de la sphère du silence. Avant, aux pointes de l’émotion tangible, un graffiti de lumière éclairait la nuée de ressacs plongeant dans ma tête. Avant, ce qui brillait comme une clameur battante se détachait des méandres et l’espoir, ainsi distingué, s’enroulait au doigt qui montrait la lune. Mais c’était avant.  

Une foule d’hommes cultive la terre irradiée par les mensonges, l’hypocrisie et la lâcheté. Aux bouts de mes doigts devenus fourche et râteau des saisons sous verre, j’ai vu naître la rose qui ne repousse pas, le maïs aux vertus modifiées, la semaine à califourchon sur 35 heures. Dans un coin de mon cerveau nagent ensemble la femme au volant de l’embouteillage qui dure des nuits entières, le fusil au canon laser pour tuer les ombres, l’homme au combat contre et pour la tyrannie des idées qui se contredisent. 

L’entendez-vous cette marche silencieuse qui suit le cortège des morales infamantes ? Qui donc attise cette vague brûlante de dégoût et d’inimitié ? Serions-nous devenus rebelles parmi les rebelles, une hache diabolique à la place du cœur ? Je porte tout au fond de la voix l’écœurement d’acariâtres relents de faiblesse. Si l’amour existait seulement pour lui-même, il renierait le vacarme des décombres qui l’étouffe.   

Par ici, la famine d’autres lieux et d’autres respirations anticipe l’ourlet défait des chairs humaines. Par-là, l’émeute des heures fades nourrit la guerre des mots et des idées. Partout, du sang vif, truffé d’oxygène pur, lave la surface d’une terre déjà gorgée d’immondices purulentes. Chaque vie hurle à l’infamie et déchire les voiles mielleux d’une compassion ordonnée et chronométrée. Le débordement d’une modestie endémique bave sur les marchandises de l’existence et la course au bonheur occupe le spectacle du chacun pour soi. 

Faut-il accepter les états d’âme plongés de toutes parts dans une sinistrose machiavélique ? Le temps argumente son passage ; saisons de feu et saisons de gel. L’olivier résiste malgré ses racines embourbées dans la mélasse des détergents. Les saumons remontent le fleuve de la reproduction en s’arrêtant aux embouchures des congélateurs. La vigne pousse toujours droite et verte dans les sillons de l’infini, et le vin se boit accompagné de multiples enzymes fleurissants sur les bordures de nos estomacs.

Voilà le matin où l’oiseau sur la branche fait ses ablutions avec la rosée. Il ne chante pas, il décale la nuit faite avec les crachats noirs des volumes atrophiés. Son bec est un sifflet pour les causes perdues, pour les rêves restés emprisonnés dans les mailles de l’obscurité. Un soupir, puis un autre, et la grâce de la fécondité abdique en retroussant les jupes du soleil. Le noir refuge cède la place aux cicatrices des organes du jour et je glisse comme une sève s’écoule d’un tronc mort. Bon élève, la vie s’applique aux rigueurs des forces souveraines.

Après l’heure des Loisirs à tous propos comme source principale d’épanouissement, voici venue celle de la consommation éperdue et de la production frénétique. Qu’advient-il de l’ivresse spontanée que la nature généreuse nous tend à bout de bras ? Que reste-t-il de la joie pure ?

Je me souviens d’un poster de Peanuts affiché sur les murs de ma chambre d’adolescent sur lequel était inscrit : « Mieux vaut être riche, bien portant et beau que pauvre, malade et laid. »  

Entre temporalité et permanence, le déclin exécute des pirouettes. L’abondance qui revêt des habits de plaintes ne comble plus les mains avides et les cœurs vides. Que reste-t-il après la consommation du toujours plus ? Orphelin de la béatitude, le ciel tombe sur mes chaussures. Les mots d’amour restent floqués dans les livres et la buée sur mes rétines ne suffit plus pour arroser les lèvres solitaires. Au fond du dortoir des mots, la pensée navigue parmi les murmures de la nuit de brouillards sombres. 

Je prends sans donner, je reçois sans effort, je ne sais plus faire mon lit sur un tas de feuilles mortes. Le soleil décline et je suis mort de froid sur le talus de la profusion. Terre aride, déserte, chemin de rupture, tout se meurt dans l’espoir infécond. Je n’admire plus la commune foison des arbres fleurissant et la rivière insatiable qui arrose la vie partout où elle se répand. La joie et l’ignorance se conjuguent à la faim que rien n’étanche. Je suis prospère des plaisirs gratuits et des aliénations de la matière. Pour effleurer la joie d’exister, il convient de résister à l’appât de la fiction et de ne pas renoncer à la beauté du monde.

Il faut être prudent avec soi-même, ne pas se faner en s’accordant la patience qui enrobe les frémissements allusifs de la beauté qui nous entoure. La fraîche rosée d’un matin de printemps est complice des jeunes pousses d’herbes qui se rébiffent. La tristesse sourde que chacun porte en soi comme une veilleuse des temps anciens est comme une terreur sous-jacente qui ne désarme pas. La joie rôde dans le pain que nos bouches effleurent. Notre faim de vie s’envenime de chaque allégresse de proximité qu’elle ne sait pas toujours exploiter. Manchots sans effervescence, nous pourrissons sur place à chaque passage sur nos têtes du pompon qui claque dans les airs du manège enchanté. 

Rue vacante, vue d’enfance, le trou profond et vertical convoite l’air invisible. La roue des anges est bloquée dans d’épais nuages de fer. Le squelette de l’univers se démantibule sous ma poitrine. J’envisage la fin du monde, et c’est dans un bain d’humeur noire, aux lèvres du précipice, que la métamorphose s’accentue. La mort dans l’âme, je poursuis les miasmes querelleurs dans les réseaux souterrains de mon cerveau gavé par les angoisses et les désirs secrets d’un monde de polichinelles.  

Il faut exister pour tout sauver : le verbe et l’image, les chants et les fleurs. Debout, sur le perchoir des alouettes, je surplombe l’ombre qui tremble. Meurtrissures des jours cafardeux, plaies de nuit sur mon visage, la terre parfume le jardin solitaire. Exigences passionnelles, refus des aubades superficielles, mon cœur cherche la paix aux frontières des baies où s’affrontent les rêves et la monotonie. J’ai oublié ma naissance, je m’insurge contre les fadaises et les farfadets qui encombraient mon fœtus. Oublié par ceux qui m’ont pleuré, je veux mourir loin des pensées qui ont vaincu le fatras des corolles affectives.   

Là-bas, la joie est sensible et le plaisir est excitable. Ce monde est tellement imparfait qu’il étrangle jusqu’à la flamboyance de nos ego. Je suis un citron com-pressé, mon jus fait mousse sur les plates bandes de l’insolente précarité des choses et des êtres. Hier encore, le moulin à eau bordait la rivière d’argent. La mue était prometteuse et les roseaux parlaient avec le vent. A présent, perdu dans un désert sans nom, se dresse devant moi un moulin aux pales immobiles à l’apparence d’un immense trèfle rouillé. 

Il ne peut y avoir de joie sans plaisir, ni de regards insipides sur soi-même. La joie est un combat, elle se cultive comme un pardon extrême. Il faut décider d’être heureux pour en saisir toute l’appréciation. Ce choix de vie est capital. Certains de nos actes submergent la fatalité. Un orage peut apaiser l’incendie et les terres brûlées deviennent un terreau fertile à l’existence qui se renouvelle. 

Mais, il suffit ! Assez des plaintes de tous bords ! Il faut que cesse tout ce pessimisme latent qui borde tous les esprits ! L’insatisfaction constante ne fait qu’amplifier le trouble que nous avons lorsqu’il nous faut discerner la joie, le désir, l’envie et le bonheur. Voici venu le temps des écorchures qui caressent l’amandier en fleurs et celui de l’horloge marine où résonne la lueur fluide des eaux dormantes. Le bonheur est un espoir qui nécessite de la détermination. La chance n’advient qu’à ceux qui la cajolent. 

Si le cœur ronronne sous la caresse, si la marche ralentit pour attendre l’aube, si l’arc-en-ciel coule dans la main de celui qui donne, si le tête-à-tête entre les hommes et la nature déploie sa verve naturelle, alors peut-être un bonheur sans désir suspendra provisoirement la douleur de vivre. Mais, j’ai dans le cœur le rabibochage des ondes galopantes et versatiles. Sous mes paupières gonflées passent et repassent les grains des images contestées par de furieux relents de croissance. Ma solitude reconstruit l’incessant manège des monstres jouissants de mon être au fond d’une boite noire. Des divagations infâmes culbutent l’acquis, puis broient et dénaturent la logique de la persévérance. 

Dans la nuit, quatre mains se cherchent. Robes de papier en écart du ciel, cintres de l’enfer ou paradis des roches blanches, les cœurs mûrs jactent mieux le silence qu’une onde de lumière posée sur la pêche bourgeonnante. Voici, un peu d’air qui a frôlé l’été et une chemise de nuit flottant sur les contours de la lune. Pelote de laine déroulée dans la vallée verdoyante, tu restes impuissante aux perles d’humilité que la terre rencontre. J’ai une boule de soif à l’intérieur de ma voix fêlée. Viens ! Si tu le veux, je te prêterais mon corps. Mais, tu le sais, les démons qui le parcourent sont plus vicieux que les hommes. Mes frères d’armes et d’infortune incarnent les fantômes qui plissent mes ombres. 

Je rêve d’une ville sur la hauteur du silence, de rues empourprées aux grimaces de clowns et de chapiteaux d’écume laissant la parole aux étoiles filantes. Mon théâtre à moi n’est pas ici, mon plancher d’étincelles plane au-dessus des nids d’étourneaux comme les feuilles que l’automne emporte dans ses bras.

Je cours et je saute dans un désert invisible. La dent puissante et cruelle du réel m’écharpe à chaque rencontre. Des enfants meurent dans la bouchée du jour qui s’échappe. Des femmes soumises aux diktats des cultures sans vergogne s’épuisent à nourrir avec bravoure les bouches affamées et pansent les chairs meurtries. Des hommes innocents purgent la peine des autres à l’intérieur de prisons sans toit. Le monde s’autoproclame le centre des richesses humaines et la terre s’essouffle à des rendements déséquilibrant ses forces. Toutes les joies perdues en appellent à d’autres joies. J’ai vu, par exemple, des images d’Auschwitz lors d’un reportage télévisé où des enfants squelettiques et affamés sourient lorsqu’ils reçoivent un baiser maternel. Le bonheur est capable de s’immiscer dans les pires situations de vie.  

Montrez-moi un peu de lumière dans cet artifice poisseux. Libérez un peu d’air pur que mes narines suffocantes respirent autre chose que la fiente de l’individualisme méprisant des esprits déchaînés. Lâchez donc vos hamacs d’insolence et appuyez sur la détente pour faire culbuter tous les espoirs de ce monde. Il est temps d’abandonner la meute de chiens jetée sur l’arc-en-ciel, ne parvenant qu’à l’élite des troubadours. Ouvrez-moi vos mains et vos âmes comme l’on desserre ensemble les anses du sac à provisions. Le bonheur solitaire n’a pas la saveur de celui qui se partage. Je veux voir au-delà de l’énoncé et je veux remplir ma vue de la ferveur convalescente. 

Assez de ce monde sans victoire ! Aucune réalité n’achève mes rêves. Je ne peux me réjouir de cette communauté aux espadrilles trouées, de cette odeur de misère où s’entretuer ressemble à un jeu machiavélique. Faut-il un cœur aveugle pour se satisfaire de ce qui répugne ? Le pouvoir des hommes n’est-il que dans les mains de la plainte et sous la poitrine émaciée par un idéal qui se confronte à l’amertume de prières insatisfaites ?

La lumière s’effondre et avec elle l’échelle qui nous offrait la lune sur un plateau d’argent. Il faut que le rêve ne soit plus un retranchement, mais un combat. Une lutte émerveillée envahissant les routes et les chaumières. Je veux désancrer le réel de ses racines subjectives et donner de la vigueur à l’interprétation surréaliste. Ouvrez les portes de l’insensé, plongez vos corps et vos âmes dans le breuvage sirupeux des oracles à cinq têtes. Lâchez vos scrupules comme de vieilles ampoules n’éclairant plus que vos vieux rideaux. Offrez-vous le tumulte tendre du silence réformateur. Sous vos pieds comme sous vos langues, les chemins de traverse ouvrent la voie aux vergers symphoniques où regorgent des fruits de toutes les couleurs.  

L’homme déçu névrose sous le poids de l’impossible action du déliage de ses jougs. Le monde est trop grand et bien trop rapide pour que de simples acteurs humains puissent le détourner de sa course folle. Regarde combien l’univers tout entier désespère et se replie dans le marasme sournois du mécontentement. La raison semble être réduite au silence par tous les faux semblants du cliché. Le schéma relationnel s’alambique à la colonie de difficultés quotidiennes et la joie papillonnante s’exile dans les forêts de l’angoisse de vivre. Indifférences, abstractions de toutes sortes et abstentions défaitistes plongent la volonté individuelle dans le marasme et l’abîme de la pensée.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
B
Merci Ile pour ta lecture et ta présence.<br /> <br /> <br /> <br /> Nos vies sont des volcans et je cherche toujours le coin d'eau apaisant les brûlures. Heureusement, mère Nature nous accompagne et nous parle si bien de la joie, qu'il semble presque incompréhensible que nous ne parvenions pas, au moins par moment, à cet état de ferveur et d'émerveillement déconnectant nos raisons et nos préjugés.
I
En ce matin, de passage sur ton site, lire ta superbe réflexion, ancrée et poétique, est un vrai bonheur ! Ile
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