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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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16 avril 2015

J’en étais devenu l’omniprésent de moi-même.

mdi120807bTriste présent qui n’offre pas l’extase souhaitée, celle que l’on se promet et que l’on suppose avoir goûtée au moins une fois dans son passé. Le désespoir entretient le désespoir aussi sûrement qu’il contrarie le contentement. On croit davantage au bonheur des autres, que l’on suppose prodigue et généreux. N’a-t-on pas toujours l’impression que notre satisfaction personnelle est minorée par tel ou tel événement ?  

J’ai parfois le sentiment d’évoquer l’amour sans refuge, celui qui dort dehors et jamais ne se couche auprès de la lune sans ressentir le calme doux de son halo de paix. Plus âgé que la vie, il court dans le brouillard épais recouvrant les mers dont on a oublié les plages. Plus fertile que les mots, il dissuade le sel de rester liquide à l’air, il dérape sur l’horizon ingambe où se meuvent les couleurs de l’arc-en-ciel. J’ai parfois le doute collé à ma poitrine et le nez enterré dans la farine d’un algèbre plus violent qu’une opération phosphorescente. Mon feu connaît le naufrage du Titanic paré pour un voyage insubmersible. De seuil en seuil, mon inquiétude vagabonde sans trouver la porte de l’alternance, je suis prisonnier des joutes qui affolent mon esprit. Je perds mon corps sur les plates-bandes d’un monde désenchanté. 

« Le bonheur, c'est de continuer à désirer ce qu'on possède. », nous indique Saint Augustin. J’avoue volontiers qu’il m’arrive de perdre les traces de mon identité et de me fourvoyer dans les méandres de l’acquisition forcenée. Je voudrais aboutir hors du fatras oppressant des maux résiduels sous lesquels plus aucune lumière ne parvient. Mais, je n’ai de cesse de m’accrocher à ce que je crois acquis. Il m’arrive d’échapper à la cadence des heures broyées par l’indolence des rébellions tout azimut et d’échoir sur le sol comme une plume se détache de l’oiseau en vol. Quelque chose me désarme encore. Mon existence est trop souvent plongée dans un arrière-monde transcendant.

Qu’est-ce que le poids du monde lorsqu’on est dans les bras de l’être aimé ? Si la parole s’oublie, les mots s’effacent. Le vent solitaire de nos émotions les transporte jusqu’où la bise sera repue. Il me semble que la beauté d’une relation repose sur sa fragilité autant que sur sa liberté. Paradoxalement, on oublie moins le non-dit que la parole exprimée. La douleur de l’éclipse laisse entrevoir le mirage du pire, elle associe l’apoplexie de la finitude à l’horizon démembré. En toute chose, la modération me parait si prépondérante, qu’au lieu d’apaiser mes plaintes, je redouble de vigueur pour extraire le jus acide incrusté à ma mémoire. J’exècre les trop-pleins affables et je me réfugie volontiers dans le néant tonitruant de l’énergie pure.

L’amour qui devient une plaie n’est qu’infamie. En soi, l’attribut de la vérité fait office de boussole, mais le Nord est ailleurs. Redescendre visiter ses caves intimes nous élève souvent au firmament. Souffrir pour souffrir est la panacée des âmes enclavées aux serments des consentis. Il n’y plus de réel opérant sans la notion du temps qui le fait vivre. C’est parce que rien n’est éternel que nous nous appliquons à faire durer la fragilité de l’instant. Un bonheur ruiné est le spectacle de la faillite qui nous touche. Il nous appartient de l’ensevelir avant qu’il ne se métamorphose dans le corps de l’échec. Le nihilisme n'est rien. L'impuissance n'a pas d'excuse. La valeur de nos actes se rapporte à leurs fins. La calamité est un néant actif, elle rompt la chaîne de la substance idéaliste. 

Si l’espoir est une affabulation métaphysique, l’écarter sape l’idée d’avenir. Pour s’en convaincre, il suffit de s’exiler de toutes pensées de joie future et de constater combien le renoncement peut devenir un parjure de l’immédiat. Ce qui précède l’acte de vie, n’est autre que le préambule des conquêtes spatiales que nous voulons domestiquer. C’est le vestibule où fomente la minuscule particule qui va grandir. Quiconque se réfère à son avenir sans en deviner un plaisir spontané, exerce sur lui-même un rayonnement sans lumière. Le fruit du hasard coule des arbres comme l’écho d’un monde bourgeonnant à la lisière de son agonie. Dans le dernier carré de mes yeux, le poids inexprimable des sens rejoint la pierre dure. La fortune convoitée s’éloigne et demeure toute proche. Elle remonte la vague de la tempête et recrache le muscle des hommes noyés dans d’autres combats. Il faut accepter, accepter sans cesse la nuit de boue qui creuse le jour. Fichtre de vie tout de même que celle qui essaie de conserver un sourire même lorsqu’on pleure. 

La vérité est un mythe. Il n’y a pas plus de sûreté dans le vraisemblable que dans nos estimations fluorescentes. L’indicible ne fait corps avec les autres que lorsque l’appréciation du regard est analogue à la chose vue. Faut-il que cela soit au même instant et pour le même intérêt. 

Existe-t-il en ce monde une étroite communion de nos sens capable de nous offrir la valse tourbillonnante de l’émotion unifiante ? L’accoutumance aux plaisirs sans véritables saveurs dénonce l’incapacité que nous avons à nous maintenir conforme à nos vertus. La déception nous fait battre en retraite ; je me liquéfie comme la neige fondante au soleil. L’échec de ma façon de penser le bonheur ne me rend pas plus humble pour autant. Grincheux parmi les grincheux, je blâme sans cesse un monde sociétal régissant et codifiant mon quotidien. Ce n’est qu’une fois rattaché au bon sens terrien que je recommence à goûter aux plaisirs immédiats sans les forcer par des espérances fantasmagoriques. Le rêve a trop tendance à me projeter dans les couloirs abyssaux de mes désirs les plus chers. Et ne pas l’atteindre me rancit comme un consommable frais resté trop longtemps à l’air libre.

Pour ne pas être dupe, il faut, sans doute, souffrir de l’action qui terrasse nos contemplations. La confrontation inlassable avec ce que nous ne voyons pas et ne savons pas de nous-mêmes et du monde, nous renvoie à la pâle caricature de ce qu’il nous est possible de concevoir. Peut-être, est-il temps de vivre un peu moins dans le saccage du temps et des verbes et de nous rassembler au-dessus du siège de notre humanité. Ce qui ronge et fait grimacer le quotidien provient si souvent de la stupidité façonnée par notre esprit que je finis toujours par tracer mes fuites en avant comme lorsque mon ombre me précède. 

Si nous agissions toujours en conscience, nous développerions des initiatives soutenues par les arches de nos cœurs. Mais, nous savons bien que la connaissance cède souvent sous la charge des impulsions humaines. Egal à sa fragilité et à ses faiblesses, l’homme perpétue le reflet de ce qu’il aurait souhaité être sans prendre garde aux séquelles que ces actes peuvent engendrer. J’ai longtemps fréquenté la cour des miracles, recherchant le plaisir afin d’éviter la souffrance, vivant dans une bulle protectrice susceptible d’inhiber les assertions désobligeantes de la réalité. A refuser l’affrontement, j’en étais devenu l’omniprésent de moi-même. J’ai alors compris que pour atteindre la plénitude, je devais d’abord me reconnaître avec la volonté de pénétrer le sens le plus profond de ma personne.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
A
Un passage pour te lire, toujours avec autant d'intérêt et souvent de grande émotion. Amitiés.
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