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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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25 mai 2015

Dans le miroir, un reflet de mon cœur.

ca9a2ce1b38c6311a67a9a9f7a9a25denu2D’emblée, rien n’est homogène. Seul le temps tue le temps. Face à l’agonie des heures tremblantes, la joie n’a aucun préjugé. A chaque parcours, l’impossible me régénère. De l'autre côté de la rive, terre voisine et semblable, j'ai trouvé comment défaire la muselière des moments heureux. Il y a des milliers de rêves fous que l’on n’ose pas aborder, de peur que la réalité ne soit plus le ferment solide sur lequel repose les fondements de la pensée. Il y a tous ces jours à genoux, terrassés par les rappels à l’ordre de la conscience et le refus radical de s’enchevêtrer à la joie papillonnante. 

Toujours conduit par la même exigence intérieure : inlassablement corriger la réalité pour amoindrir et effacer si possible les défauts qu’on lui attribue. N’est-ce pas là un travail absurde ? Doit-on en permanence trier le désordre de la matière afin de la rendre plus comestible ? Durant son transfert à la voix, le langage transpose le dépôt de miasmes enregistrés sur l’horizon de celui qui parle et ce que je considérais comme une liberté n’est finalement qu’une limite de mon expression.

Je traverse l’été qui s’affole. Toute l’imprudence gigote sous les salves d’avenir comme un animal sauvage dans une cage. Je suis né homme coulant dans l’archipel des eaux courantes. Comme un nœud qui se défait pour lâcher les amarres, je sollicite les ports pour lester l’apparat de mes voiles. Un fruit dans la gorge et la beauté des anges au creux de la main, j’écris l’expérience de la matière brute dans la chair de mon existence. Sous la langue, des brandons de mots, brasés dans la salive, attendent que la blessure libère ma conscience de toutes hésitations.

Il y a un rythme de la parole qui confère à l’invisible une présence et un parfum. Par la cadence du cœur, les mots deviennent une musique et transforment l’immédiat. L’émotion à la lecture d’une strophe poétique peut devenir un véritable lieu d’ouverture et de lumière. Alors, je m’adosse à mon ombre et m’oublie dans un coin sombre. Et puis, la nuit revit d’un songe plus ample et elle accueille le feu d’or dans lequel je dors. Tout se transforme sans cesse et cherche à triompher du vide indicible. Mon âme est un poinçon d’éternité, elle ressuscite du silence absolu et bascule d’une certitude perfectible vers d’autres baptêmes encore plus hasardeux. 

A portée de la voix, une multitude de privations répétées agonisent dans un silence assourdissant. Saturée d’incohérences inarrangeables, insoumises et meurtrières, l’attente prolifère hors de ses limites naturelles. Il ne peut y avoir de paix intérieure sans que cela n’implique la pleine conscience de la responsabilité de soi. J’ai sans doute trop conservé les traces expressives de mes faiblesses pour prétendre tout de go que l’on a la vie que l’on se fait. Néanmoins, il m’aura fallu goûter à la pénurie de joies pour mieux saisir quels étaient mes essentiels.  

Mon rire est une prophétie, un pli du savoir étouffé dans l’archéologie du temps. Il pousse et repousse le malentendu qui existe entre ce que je suis et la banalité du réel. L’existence de la chance pure me froisse jusqu’aux extrémités des frontières de ma conscience. Tout ce qui peut rendre mon corps docile à mes ébats réflexifs soulage mes pensées déviationnistes. Une brassée d’air emporte les nymphes rebelles qui me chiffonnent. Dans le miroir, un reflet de mon cœur s’use contre le mur qui me sépare des promenades aux clameurs jubilatoires. 

L’improbable cause du soulagement s’est assise à côté de cet instant d'apnée où l'on sourit d'avance à la goulée d'oxygène qui arrive.

Définition de l’éthique selon Paul Ricœur : « se reconnaître enjoint de vivre bien avec et pour les autres dans des institutions justes et s’estimer soi-même en tant que porteur de ce vœu. »

Le destin n'est finalement qu'une suite logique des événements. C'est notre ignorance qui donne vie à l'espérance. C'est notre désir d'inhiber les coups du sort qui nous porte à la joie. Seule substance utile pour contrefaire les malédictions d'un monde et d'une vie tragique. La réalité n’est pas souvent la réverbération de mon désir et, cependant, la joie promet d’exercer sa magie pour contrecarrer la déprime que je peux ressentir.  

La joie n’est pas un choix mais une excellence gratuite qu’il nous faut apprécier pour nous détacher de l’emprise déroutante des bruits sourds qui exaltent nos sens. L’étonnement nous éclaire alors que la réalité nous agresse.  Le seul chemin pour accéder à soi-même réside dans le tourbillon de notre essence mère, là où se mélange et parfois s'écrase notre propension à la joie, à la délivrance d'une vie tragique.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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