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Bruno ODILE
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26 mai 2015

L'existence à crédit ne fait pas de cadeau.

ceab9d349ab855a61b40cd7296a8abf4Demain, c'est le chemin de l'espérance infinie. Celle qui a débuté hier et se meurt dès aujourd'hui. Mieux vaut la joie que l'espoir. Elle s'arque-boute face à toutes les misères qui nous traversent. Elle oublie le sens de l’existence et détourne l’insipide laitance de la conscience. Quel sera mon bonheur ? De quoi parlera-t-il et avec qui traversera-t-il la prairie bordant mon âme ? Ajusté à l’éternité, l’immobilité déploie des trésors d’imagination pour se distinguer. Mais l’avenir est formaté dans les coursives des raisons vaines. Sur les trottoirs, des panneaux de signalisation font mine d’une foule de directions. Une seule pourtant conduit derrière les palissades.

La pensée est souffrance dès lors qu’elle étouffe nos initiatives. Elle s’accomplit partiellement dans l’acte et l’immensité de ses résidus occupe les affres de l’aliénation. L’oubli, même métaphysique, exerce sur l’individu sa nonchalance nihiliste. Fantasmes ou cauchemars refluent de la grande tisane du renoncement. Mon cœur, posé sur la branche pourrie de la conscience, a bien du mal à prendre son envol. Les instances répressives de la morale cintrent mes actes et détériorent mon imaginaire. J’ai besoin d’air et les miettes d’oxygène qui me ventilent d’indifférence sont les promesses d’un désastre futur. Les sûres racines du désespoir creusent la terre à mon point de chute. La consternation ronfle comme le sel dans la soupe du jour qui cherche à s’éclaircir.

Et puis, il y a ces journées qui n’en finissent pas et cette lenteur apparente dans les sous-bois environnants. Au cœur du monde désenchanté, fleurit l’image de la colline que les derniers rayons du jour caressent. Il en est toujours ainsi : la joie fend l’enclume des nostalgies rédhibitoires, elle me dénude totalement et me libère des pétrissures malaxées par l’enclume de l’ordinaire. Très vif et très sec, un éclair m’accouple au reflet mourant de l’audace et pour terminer ma course, je rassemble les idées mal bâties et incohérentes à mes battements de cœur. 

Le bonheur m’assigne à son feu sacré. Il possède plusieurs têtes pour mieux résister au vent. J’entends dans le miroir des arbres un tue-tête de pie épinglé dans le pourtour des feuillages et une petite brise qui papouille sur la farine brune recouvrant quelques herbes presque endormies. Les parfums colorés par la lumière rétrécie s’évaporent doucement de la forêt de pins et de chênes. Les derniers écureuils galopent dans les branchages en quête de friandises avant d’aller rejoindre leurs berceaux de bois et de ronces. 

L’allégresse m’assiège à chaque aube nouvelle. La communion, issue de mon ressenti et du spectacle de l’astre jaune qui se déplie peu à peu à l’horizon, augure d’une réalité indivisible. Et cependant, mon corps demeure lourd dans la brèche des heures monotones. Il habite la voix oubliée où retentissent les blessures qui dépossèdent la mer de ses vagues d’huile. L’expérience des marées enracine l’eau à la terre. Je suis dans le reflux permanent qui ronge mes falaises jusqu’à l’os blanc. 

Pourtant, un jour d’été cela dure plus qu’il ne faut pour réchauffer l’air et la terre. Les fleurs, tétanisées par le pourpre brûlant de la canicule, laissent tomber leurs têtes comme les enfants lorsqu’ils s’endorment sur une chaise à l’occasion d’une soirée qui n’en finit pas. Tremplin imprévu, l’imaginaire franchit l’ombre recouvrant le sel de la vie et mon cœur s’allonge sur la tranquillité des accords tacites traînant sur le seuil des gaîtés innommables.

A la saint touin-touin, dans sa besace de cuir tanné, l’heure chaude s’écrivait comme une vérité inextinguible où l’évidence restait invisible. La misanthropie aux portes de la saint glinglin, j’ai longtemps dû chevaucher les messages codés des apôtres du sentiment, de la crudité de l’impression et de la fécondité des sensations. Je me suis vu le cœur tranché par le destin gracile d’une étoile filante et d’une terre mémorisée dans une poignée de gravats. L'existence à crédit ne fait pas de cadeau. Mieux vaut être vide de ce monde consumériste et s'en aller léger batifoler d'un désir à un autre en raclant la joie qui nous libère du désappointement.  

Le monde, c’est le monde de l’homme. Par la fenêtre du mas voisin, on peut entendre la présence d’une famille chahutant joyeusement. Probablement un anniversaire ou une noce improvisée, mais ce brouhaha fait du bien à entendre au cœur du silence de la campagne endormie. Des ombres furtives s’inscrivent sur les murs tièdes de la masure et c’est comme si un bal virtuel m’invitait à faire mes premiers pas de danse. J’ai dix ans et le ciel étoilé résonne dans mes veines.  

J’ai tout donné dans le corps présent de la mémoire. Je m’articule dans les mains calleuses des ressentis privés de songe. J’ai tout donné, mes yeux mangent aux foins des mangeoires affamées, avides de racines sèches et cassantes. L’antichambre de mon devenir a la dent longue. Je cherche la paix là où tout s’effondre. Je bois au magma de mon histoire et, dans les yeux de la beauté, je m’effrite comme une motte de terre trop desséchée. A quoi sert-il d’être soi sur le trait de l’abîme ?

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés © 

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