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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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12 octobre 2015

Parce que demain c’est toujours. (3)

imagesESOVS5OVNous avons été vivants pour toujours parce que jamais est une hérésie conceptuelle. Nous ne parlons qu’une seule langue, celle de l’éloignement raccommodé au présent. Plus je suis proche de toi, plus j’en suis à des années Lumière. Plus je t’ausculte de mes souvenirs, plus ils deviennent périssables, inabordables et intouchables.

Après toutes ces années écoulées, j’en viens à ne conserver de toi qu’un toujours abîmé comme une cabane inoccupée. J’habite désormais une mémoire altérée, une sensation modifiée par ce que je suis devenu : un autre moi-même, tout à la fois, semblable et différent. Toute la vie se déploie comme une dette impossible à résorber. Comme une capitulation sans concession, un temps asservi, un temps emprunté pour clarifier l’énigme que nous portons en nous-mêmes. 

Et cependant, il n’y a pas d’éternité sans toi. Il n’y a pas de durée à circonscrire, à juguler, à paralyser sans que tu y sois déjà lovée pareille à un édredon capitonné de fines plumes. Il n’y a pas de domaines pourvus d’équilibre sans que tu en sois la compensation naturelle.

Ce qui reste nous appartient ou du moins on le croit. Partout, dans le brouillard de mes songes, une voix retentit, une porte s’ouvre sur les ténèbres comme sur moi-même. Nos cœurs se renvoient leur double visage et la vie éclate comme un bourgeon en plein automne.

La passion qui me saisit n’a pas de boucle. Elle tire droit le trait qui cherche l’absolu. Mon cœur est une pendule. Tic tac, tu es là ; tic tac, tu repars. L’éternelle attente du débordement laisse mes sens dans l’expectative d’une surabondance jamais acquise. Je cours d’une détresse à l’autre. Je n’ai pourtant besoin de rien. A priori, je n’ai mal nulle part. Quel est donc cet état insaturé qui m’assaille ?

Je pense malgré moi, mon esprit décide à ma place. Que dois-je faire ? Me laisser berner ou accepter le défi ? Je sais l’inexactitude de la raison comme celle de mes sens. Je comprends ma situation mais cela ne m’empêche pas d’en souffrir. Je vibre d’une farandole sans avenir. D’un instant à l’autre, j’aurais franchi le Rubicon de ma détresse et d’autres ferveurs m’accableront. Quel étrange resserrement, respirer la marée montante et être asphyxié par le sel, narines gorgées d’iode sèche.

Aucune clarté ne résiste à l’appel de la connaissance intuitive. Aveugle, je marche quand même. L’outre-moi a la puissance de la foudre.

J’aime pourtant ce rêve qui prend corps pour parjurer les ravins adhérant à la terre, et son parfum épais, touffu, tassé, me comble. Nos cœurs, comme des cordes où s’attachent nos peaux et nos regards, sont des broutilles d’amalgames et des imitations frauduleuses. De ce délit naît un délice, naît un voyage voluptueux et une syntaxe nouvelle. Tu es d’ailleurs devenue le cylindre, la roue et le cercle où chaque carré se demande pourquoi tu as fui l’angle droit. Même l’ovale se souvient du rond qu’il a embrassé avant de s’élancer. Tu te répètes dans une géométrie règlementée d’aléatoires contingences.

Toute l’inflammation s’éclate comme de l’eau claire. Tu es bondissante. Des angles et des courbes neuves se profilent dans mon esprit comme des cascades de lunes blanches dans un ciel de coton. Un berceau d’amour tend ses bras potelés à notre croisade. Une campagne non dépourvue d'audace attend nos âmes. Nous serons munis d’un filet à papillons et nous fouetterons l’air afin de recueillir dans notre chute la membrane légère qui flotte dans les tourbillons.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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