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Bruno ODILE
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8 décembre 2015

L’amour tient la mort en exil.

nahi13_sz3blogLa puissance de l’instinct traduit l’amour en beauté, en bonté. Il n’y a pourtant rien d’autre que des vies brisées par leur conjoncture. Des vies éclatantes domptées par l’événement. Toutes se sont heurtées au phare de la raison, de l’indignation ainsi qu’aux inévitables échecs pourrissant dans la récurrence de l’insuffisance. Elles se sont toutes froissées au temps qui valide notre impuissance. Je vis de l’illusion qui nous condamne et nous brise en mille et un bouquets de roses. Ainsi, j’accoste à la forme la plus achevée des caprices du vide.

Ta mort, traduite ici, est un écoulement sans fin. Une forme de Danaïdes qu’aucune pensée, qu’aucune écriture ne saurait combler.

Et pourtant.

Les voyages de la vie sont sans repos et ceux de la mort perpétuent les mouvements de l'imperfection. Car rien ne suffit à l’imaginaire, rien n’a plus de limite, tout reste à déchiffrer. L’amour tient la mort en exil, il y mendie la solitude et le manque. Il métamorphose la désolation et laisse poindre des marées de douceur, d’affection liquoreuse et de perpétuité.

L’écuelle du tendre ne se vide pas, elle se boit dans l’épaisseur où je veux la dire. Le mot n’est plus. La signification de l’immatériel s’accroît sur toutes les surfaces, jusqu’aux fines traces d’un horizon bordant le précipice. L’espace emporte le mot comme une toiture s’engloutit dans la tempête. Des tuiles à perte de vue couvrent le ciel qui s’ouvre comme une longue fermeture éclair. La lettre A est rappelée à soi comme une providence stérile.

C’est alors l’affaissement où s’effondre la lumière que tu as dépolie.

Le temps est décidemment un fleuve sans rive. Dans quel temps se passe l’amour ? Dans quel présent vivons-nous ? Là, ici, maintenant : tes mains sont encore celles qui caressent ma nuque, tes yeux sont ceux par lesquels j’ausculte encore mes brèches. Dans cette couture qui n’a pas de nom véritable, l’amour rapièce le temps défait. Il recoud les bords de ravins. Il reprise les débordements, les nausées virulentes, les saignées de nos chairs déchirées et nos cris dégoulinant de désespoir.

Mais la suffocation s’étrangle avec la pénurie du vide. C’est l’épuisement inévitable des tranchées latentes, l’effacement systématique de toute trace. Une faillite de la raison admet difficilement le cinglant d’une rupture. N’en déplaise à Socrate, il n’est pas possible d’accepter la mort autrement que par un défi inéluctable. Un déficit, une brèche, une défaillance de soi.

Vivre sa vie n’a jamais été suffisant pour personne. L’impensable serait de ne pas mourir, de ne pas achever le voyage avec l’idée claire d’une symbiose de l’être et du néant. Car être, c’est avoir. Car être, c’est prendre conscience du vide qui nous entoure. Le supposer, le scruter, le fouiller comme le sol d’un désert où la mer asséchée a laissé les traces de ses vagues anciennes. Car être, c’est l’utopie dans son paroxysme mais aussi dans sa défaillance. C’est s’abandonner au vivant pour construire le chemin vers cet écoulement, vers ce passage et son effacement fatal. Rien n’est plus absurde : toute une vie durant à se construire pour terminer sa course démuni de son sac d’expériences, misérable de l’illusion qui nous a trahis.

Un jour, je le sais, il faudra tout abandonner. Tout laisser sur place, renoncer à toutes les batailles et à tous les baisers. Etonnante nature où chaque perte nous conduit au désarroi de notre condition, à la futilité du sens à donner. Nous sommes conduits en toute chose, de la révolte à la reddition, de la soumission jusqu’à l’acceptation forcée. Insipide et majestueux conjugués aux mêmes temps, à la même équation, au même éboulement incoercible.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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