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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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12 décembre 2015

L’infini n’a pas d’orientation.

NahiElleL’inaccompli est toujours ce lieu réduit et exigu dans lequel je me débats pour survivre. Heure après heure, semonce après semonce, l’horizon s’endort dans les marais. Un rêve s’installe dans l’écrin du jour qui se lève. Molosse, le géant du débordement, pose ses pieds sur le rebord de la vitre. D’un côté, la vision réelle du paysage qui s’envoûte d’infinis regards ; de l’autre, des terres en friche cherchent des ressemblances. Molosse veille. C’est le Cyclope de la préservation et du soutien. Il mate, retient, conserve, épie, lape la peau de tous ses mouvements, de toutes ses engelures. Il montre les dents, il aboie et hurle à la marée montante où s’ensevelissent nos têtes de mille mots percutant. Il lapide le concevable de nos raisons, de nos matérielles conceptions à être vivant. Il vilipende nos émotions irrationnelles, il discrédite nos actes inconscients et nous dresse contre le laisser-aller, contre l’angoisse du vertige et la chute du temps. Ici, nous parlons seulement pour que le retour d’échos puisse nous indiquer une route provisoire et nous marchons nus dans cette confrontation inexpiable.

De grands yeux noirs roulent sur l’échafaudage, se cognent au fer, dérapent sur les planches. Ils regardent au travers de la cloison. Ils ne savent rien du cimetière des ombres qui dansent derrière. Et ils crient : « Du vrai, du vrai… donnez-moi du vrai ! Il me faut du réel pour bâtir mes histoires. Il me faut du courage et le courroux viril du désir pour dénoncer la vie où elle ne semble pas être. Donnez-moi du -à vivre- afin que mes expériences puissent s’étancher de tous les cauchemars du monde. Donnez-moi du rêve pour que je puisse compenser ses misères latentes. »

Serait-ce nos morts nouées d’invivables perceptions qui pétaradent des pieds ? Nos regards sont toujours pris aux pièges des obsessions. Des images, des symphonies de silhouettes couvertes d’habitude, des figures tancées et pétries par l’obstination à vouloir en démordre avec l’inexplicable.

Serions-nous cette imposture qui gicle de nos paroles ou bien appartiendrions-nous à ce paysage qui s’évade au bord de nos yeux ? Sans doute, notre monde est une multitude de fragments rapiécés les uns aux autres. Je suis revenu de si loin pour t’emporter. Pour t’empoigner sur le dos de la terre comme le vent saisit ce qui reste dans les miettes d’ombres et de curiosité.   

Le vent découpe le germe de mes yeux. Je margotte le réel sous le terreau des ombres. Il y a toujours, toi, coincée dans les palabres de l’inexistence et moi te survivant. Mais, le feu ne connaît pas les mêmes bourrasques à chacune de ses fureurs. Tantôt, il ravage les forêts qui bordent mon intimité ; tantôt, il se limite aux cendres de la cheminée qui me tient lieu de compagnonnage.  

Je ne change pas le monde, je le clarifie. Mes rêves ne sont pas de simples ornements. Ils dépassent la réalité devenue claustrophobe.

Toute traduction est rigoureusement impossible. L’infini n’a pas d’orientation. La raison n’est qu’une laque frigide. Et moi, j’ai besoin du monde et de ses bûchers de pierre pour y adosser mes paroles. Je vis à l’intérieur de ma fatigue, de ma joie écervelée et de mon patrimoine d’aveux. Il ne s’agit plus de brillance, mais de netteté. La clarté qui pourrit dans l’ombre n’aura jamais de la joie sur le bout de sa langue. Il faut que le rire me rappelle ta présence afin que l’effondrement du jour ne soit pas une simple injustice. Sans quoi, l’accomplissement serait l’injure de mes rides. Je n’ai plus d’âge depuis ta fugue. Je me vis dehors sur le flanc de la colline. Je n’existe vraiment qu’à l’extérieur de moi-même comme si j’avais le cœur collé sur une vitre fêlée par le givre.

Devant toi, je te parle comme si tu n’étais plus là. Les feuilles de mon arbre se fondent dans la matière du ciel. L’instant d’une seconde de lucidité, tout se partage, se transforme et devient nôtre. Discernement corrosif que nous fuyons par nos imaginaires. Puis, tout se refait ailleurs, autrement, dans une cascade d’évènements, de faits, de dires et d’ententes colportées. Jusqu’à une prochaine fois. Jusqu’à la fin.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
A
Il y a dans ce texte, un mouvement qui ressemble à une danse. La musique est celle de l'aube dévoilant les pelures de la nuit.<br /> <br /> Comme à chaque fois, je suis happée, prise à partie, cœur et esprit, par une beauté qui ne réside pas dans les mots, mais dans ce qu'ils disent et ce qu'ils taisent.
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