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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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4 janvier 2016

Le temps est de la terre.

torsion2Encore une fois, j'ai changé de jeu et je m'invente une nouvelle vie. J’aime la fusion qui m’intensifie. Elle fait naître en moi la double affirmation de ce que je suis. Je cohabite avec ta résonance.

Il existe tant de lieux où la beauté se tourmente. Sa franchise et sa jovialité sont des arquebuses à mèche mouillée où le feu ne prend pas. Il y a des murailles cambrées dans le sol de nos retranchements et des ciels retournés qui menacent l’équilibre. La beauté n’a pas d’heure. Elle n’appartient pas à l’évidence ou n’y appartient plus. Elle vient du noir, elle vient par l’œil qui regarde l’ombre pour ne plus y voir qu’une flamme léchant tes contours.

L'air de rien, je me suis délesté des rêves inutiles. J'ai fait de grands progrès dans ce domaine, et c'est un peu à toi que je le dois. Tu m'as guéri de certaines envies et il faudra qu'un jour je te remercie.

Je suis dans un épanchement qui rejoint le passé. Des bouffées de toi reprennent place dans l’égorgement de mes pensées où, excisées, elles s’épuisent sous la lame déchirante du regret. Je ne me retournerai plus, c'est inutile et ça fait mal. Alors, j'oublie, petit à petit. Je t’efface au profit de la grâce du jour. C'est douloureux mais ta présence cachée m’illumine comme une lampe douce durant une veillée.

Le printemps reviendra, chassant l'été, balayant l’hiver. Alors je partirai. Je m’en retournerai dans mon terrier, dans mon lit enchevêtré de mille sommeils. J’y gagnerai ma liberté comme l’on gagne sa vie à ne savoir qu’en faire et j’irai me promener dans le désert comme une puce sur le dos d’un chameau.

J'ai appris la douleur en apprenant à respirer. J’ai su très tôt que le renoncement pouvait être fatal. La vie grave et ribaude accompagne le délabrement des mots tendres. Le temps est de la terre, il la remplit d’air comme un ballon que l’on gonfle. Partout, le leurre est persistant.   

Je ne sais pas écrire joli ni beau, c'est une défaite. Ou pas. J'ai peur de lâcher prise, je sens le vide qui rôde. L’effondrement viendra. Nul doute. Il faudra fuir les lettres stigmatisées qui fanent sur la pointe du crayon. Il faut fuir l’écriture qui n’est qu’un précipice.

L’écriture est comme moi, elle marche vers l’effacement. Elle se momifie puis cède à la poussière. Je touche la vie et ressens la mort. Je touche à toi et me replie dans la trame chaude de ma peau. Je voudrais bien pour une fois percevoir le senti de l’extérieur de ma chair. Mais la contrainte de l’arrachement ne parvient pas à me soumettre. Dans mon atelier d’écriture, l’expression touche à l’extérieur du monde qui m’infiltre. Mon corps se réduit au toucher des mots, à l’aspect tactile de la pensée. Ma main et ma langue puisent aux signes récurrents. Tous les codes s’entremêlent et s’interfèrent.

Comment te dire et te raconter ? Je m’exprime dans un chapelet de silence intersidéral où le non-dit se purge comme une durite percée. Extraite du corps, l’expérience nourrit le récit des affrontements qui se déroulent entre mon royaume de sang et le monde. Chaque frontière, chaque paroi cède aux conflits diaboliques entre la perception et la raison.

L’énigme est davantage dans ce flot de rouge fécondé par je ne sais quel diffuseur de promesses. Je ne suis pas ce que j’écris. Je ne suis pas ce que je dis. Trop d’espaces vides demeurent entre mon désir et les sensations qu’il me retourne. Sans doute, le mouvement nu et l’infirmité du néant se dépèceront et succomberont aux résistances du réel.

Dans ce délabrement, il ne s’agit plus de faire le vide mais de l’être. Le mouvement de l’histoire est fugitif. La fiction omniprésente chute dans l’illisibilité et dans sa mutité forcée. Le mot n’est alors qu’un résidu défait de sa trace originelle. La parole avale le bruit des gares traversées, absorbe la substance ferreuse et choit comme une popeline de soie. Notre corps transite par la matière puis nous lavons nos peaux à la fenêtre du ciel et de la mer. Nos os conservent le secret de la poudre. La poussière s’empale aux muscles de la lumière. L’air nous agite et nos frissons tombent comme des feuilles séchées.

Je voltige à des altitudes où il n’y a plus d’air. L’apesanteur est une fausse sensation. Ce qui est lourd demeure un corset de plomb. Tes yeux, tes mains, ta bouche restent des enclumes et je ne sais pas dire le poids qui me plaque au sol. Je respire la poussière et mon cœur invente d’autres allégories plus légères. Mais rien ne se dissipe vraiment. Tu es là comme une buée que rien ne fait disparaître.

Il est des moments comme cela où je voudrais ne pas t’avoir connue, ne pas t’avoir aimée. Chaque repère rétrécit l’espace. Je vis des histoires sans lendemain. Je n’ai jamais su où commence l’air que je respire. La soif du bleu s’imprime à la mer et au ciel qui se boivent et s’absorbent mutuellement. Un peu plus loin, un miroir guérit mon image, un rêve dessine la tienne. L’air n’a pas de conscience, il chuchote l’ombre où nos cœurs se sont harponnés.   

Que deviendra cette autre vie qui porte ton nom ? Cette existence factice née dans le purin des regrets et le refus de te perdre. Cette autre silhouette que tu enrobes dans mes seuls yeux. Ce visage sans âme qui persécute mes pensées.

Tu me sollicites là où je m’endors, là où je demeure absent de moi-même comme une coquille de noix sans fruit. Tu occupes ma place et tu te dissimules jusqu’aux racines de mes cheveux, puis tu me recrées dans la glace où je te regarde. Ton fantôme déloge ma raison, désunit les liens que la conscience avait pourtant préservés. Tu m’envahis comme une fuite d’eau souterraine et je me noie dans tes reflets.

Persister ainsi, je le sais bien, serait accepter le désastre qui me plonge au-delà de l’amour, au-delà de la perception du néant. Suis-je condamné à être cet homme que tu empêches de rêver plus haut et plus grand qu’un simple amour fraternel ?

Tes yeux sont des trous dans lesquels poussent des chrysanthèmes. Ton corps tout entier est un cimetière où je meurs chaque jour, à chaque promenade. C’est ma vie qui avorte. Ce sont mes sens qui ne peuvent plus retenir le voile de ton apparence.

Qu’allons-nous devenir dans cette tourbe destituée de ses limons ? Que vais-je faire de toi et de cette résonance en camaïeu ?

La perte est si grande que les forêts de l’Amazonie sont de simples taches sur la carte de mon univers. Et pourtant, je n’ai qu’à fermer les yeux pour te voir traverser les ruisseaux et les torrents où nage mon cœur. Même estropié, je vais à ta rencontre. A l’aveugle, sans directions pré-établies, je vais vers toi comme on marche vers des lambeaux d’amertumes restés blottis dans un écrin de subtiles fluorescences. Je vais sur le devant parce que derrière n’a plus de place pour accueillir nos ombres. Je marche à ta rencontre d’un long pas sourd et je chancelle comme une toupie déborde du chemin. Je bivouaque auprès de ton cœur comme un alpiniste grimpe vers le sommet de l’exploit. Je vais au bout du monde chercher des lunes fanfaronnes et des étoiles attachées au noir par des ficelles. Je vais doucement vers la chute et je vacille comme une ombre sur le mur du désarroi, ce dernier rempart à notre survivance.

Doit-on vraiment raconter autre chose ? Exprimer sa fêlure n’ôte rien au puits dans lequel nous sombrons.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Je te souhaite une belle année.. Je n'ai pas eu le temps de revenir vers tes textes. Un deuil est survenu dans ma famille en ce début janvier..les voeux n'y ont rien fait..même si parfois on voudrait tant croire au meilleur. A très bientôt B.
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