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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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15 janvier 2014

Je bois aux lessives qui referont le jour.

imagesCA1AXHTKPassants anonymes, vos yeux de soie sont des redingotes posées au cœur du champ de navets. Mes yeux à moi dévissent les amarres de la contingence socioculturelle. Je cherche le quai finissant après l’embouchure des jours lessivés par les sucions d’ammoniac. Je suis torché de la pulpe de mes doigts. Une crampe sèche secoue les muscles de la mélancolie, et je suis défait dans les marais meurtris par les coups de fouet d’une solitude ravageuse. Je suis tombé et la terre a perdu son menton. 

Pourquoi la douleur serait-elle immédiate et pas la joie ? Dans la mesure où il me semble impossible d’obtenir un état de jubilation sans être préalablement libre de toutes contraintes, j’associe inconsciemment la liberté à l’allégresse. Or, l’handicap est une contrainte ferme et incontournable. Alors comment faire pour outrepasser cet état de fait ? 

Je suis au fond de la cale aux cyclones blancs, je veille la mort brillante dans les rocailles. Je suis tendu comme un vertige, mais cela ne se voit pas. Je crie silencieusement, mais personne ne s’en aperçoit. Une toile fondante gobe la nuit des masques de foire. J’annule les cônes hideux où se replie la viduité qui détourne mes sens. Depuis longtemps, les fenêtres s’abritent derrière les mirages où je pêche dans l’aube mutilée les derniers arpents des jours qui dorment au soleil. Ici, tout prend corps en dehors des objets, tout est passage et approche. La scie assassine est enfouie sous la boue osseuse et je suis plus présent que les quelques membres qui me retiennent. Je bois aux lessives qui referont le jour. Je vide mon âme de ses débris. J’attends le signe du cœur dans la cabane de paille où rumine l’obsolescence.    

Conflit ou pas conflit ? De l’altération de mes mouvements résulte une liberté spontanée contrariée. Mais, je ne peux me résoudre à isoler la chair de l’esprit. La moindre pulsion exprime le courant d’air, toujours vivant, au carrefour de la biologie et du sens. La nature elle-même est affective lorsqu’elle encourage la graine à se transformer en un bouquet de parfums et de couleurs. Mon corps et mon esprit n’utilisent pas le même langage et malgré tout se comprennent et se soutiennent mutuellement. Menacé d’automatisation, je l’étais avant mon accident. La norme culturelle et sociale aime ceux qui ne sont qu’apparence et ressemblance. Elle ne tolère bien que ceux qui défient artistiquement la réalité et que l’on considérera comme des créateurs (seule folie acceptable pour un collectif d’hommes régit par des règles communes drastiques.). Le respect de la vulnérabilité emmure mes ombres, et j’ai bien conscience que mes déficiences sont ficelées dans un réseau de partage restreint. 

 

 - Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
L
Je suis heureux de t'accompagner jusqu'au bord des étoiles. Merci Sedna.
S
Tu as raison tu es hors norme avec une telle imagination et cette écriture sublime qui devient mon livre de chevet certains soirs.
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