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Bruno ODILE
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19 janvier 2014

J’habite un cri déraciné et sans écho.

kallistaMon corps s’est perdu dans de nombreux délires avant même que de n’être condamné à ne plus pouvoir. J’ai connu l’alcool déviant, le sport excessif, les repas copieux et toutes les distractions futiles qui contribuent à pourvoir une forme de légèreté. Rien ne m’a sauvé de la condition désespérante. Rien n’a duré suffisamment pour me délivrer du poids autoritaire de la raison parsemée de doutes et de culpabilisations moribondes. 

L’écriture construit avec moi cet acquiescement au désordre. Chaque verbe dans leur être définitif chaloupe l’existence qui précède l’immédiat. Après une amputation, toute idée d’unité est nécessairement complexe, plurielle, fragmentée, voire contradictoire (en somme, désordonnée). Dans chaque forme, il y a déjà l’idée d’une trêve pour la blessure. Je conserve une certaine conception de l’existence heureuse, je ne capitule pas face à la réalité décevante, je persiste à rêver devant chaque palissade. Lorsque je ne le maîtrise pas mon désir me grandit. Mais, le statut d’homme marginalisé me fait éprouver un sentiment de déracinement : j’ai quitté le monde des valides dans lequel j’avais mes habitudes et mes repères. J’ai quitté la majestueuse blessure d'être au monde où chaque parole ancienne est une entaille dans la voix nouvelle, où chaque braise naissante applaudit une nouvelle vie au commencement de ce qui est mort.

J’ai échangé ma peau de lion avec celle de l’ours replié dans le ventre de l’absence muette. Je me suis égaré dans le feu ensanglanté du cercle infiltrant les yeux en brûlis d’un monde debout sur lui-même et à cheval sur la raison dominante. J’habite un cri déraciné et sans écho. Partout, l’imprécis me ressemble. Partout, les chantiers rénovateurs participent à la mise à jour de l’incomplet. Je suis du spectacle et n’y échappe pas. Tout est spectacle au-dessus des planches artificielles sur lesquelles reposent les corps invisibles. 

Je veux me désenclaver des mélodies infantilisantes. Isolé dans la marge compassionnelle où me maintiennent mes proches, avec amour, je suis confronté à l’irrémédiable. Mon désir, avec sa doublure, la souffrance, s’achemine vers un recommencement permanent de l’être que j’incarne. C’est dans ce manque à être que je me désapproprie le plus. Mes résistances ont tendance à s’effriter et mon âme à se fissurer encore et encore. Je n’ai aucune raison de m’auto exclure, et de me persécuter par l’entremise de mes défaillances. Elles sont des fulgurances, au sens fort du mot « partage ». Partager, c’est prendre part à la particularité, par delà la séparation que nous imposent nos destins ; c’est participer, sans gommer mes spécificités, c’est échanger en reconnaissant « ma part » impartageable de celle qui est incurable.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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