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Bruno ODILE
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23 mars 2014

Une simple tête pensante.

a6147ae1Une cigale au cœur de l’été se rappelle le fond de la terre. L’ascension et la transformation accompagnent le surpassement de l’inaccompli. Mon corps de naissance s’est développé durant son parcours initiatique et il a connu maintes rénovations. Il a su lutter contre la maladie qu’il savait éphémère. Il a longtemps baigné dans l’amour maternel et dans une forme de recyclage constant qui le préparait à l’âge adulte. L’accident a révoqué et altéré toutes ses perceptions factuelles. J’entends à présent grincer toutes les articulations qui régentent l’ensemble de mes mouvements. Je perçois distinctement les cliquetis souples orchestrés par la nécessité de se mouvoir. J’ai toujours su que cette matière vivante était l’objet de mutations incessantes. Mais, comme tout le monde lorsque tout fonctionne normalement, je n’y prêtais guère attention. Depuis la mutilation de mes membres, mes observations sont plus méticuleuses. L’air qui m’entoure brille autrement désormais. J’ai découvert que la vie qui est en moi avait un parfum.    

Bousculé à l’intérieur de l’image que j’ai de moi-même, donner une consistance au réel devient presque une gageure. Ma chair influe mon regard sur l’environnement immédiat. Il ne m’est plus vraiment permis d’ignorer sa vulnérabilité. C’est à ce moment précis que le hors norme embrouille l’esprit. Ici, comme dans la nature, une fleur différente voire exceptionnelle attire mon regard et éveille ma curiosité. L’événement bouscule la raison établie. Que vais-je donc faire avec ce corps défectueux ? Beaucoup le tolèrent mais qui l’accepte en l’état ? Il me semble impossible de me résigner à ce verdict. D’irréductibles tam-tams résonnent dans mes veines. Je n’ai jamais été ce que les autres aimeraient que je soi. Le serais-je un jour ? 

Je refuse de m’appliquer le baume des discours alliant le paraître aux douleurs intrinsèques. Je demeure entier, quoiqu’il en soit. Où que je regarde, l’horizon reste une ligne arrondie, et la nature persiste dans ses caprices. Je ne suis pas devenu qu’une simple tête pensante. Ce résumé m’agace et je l’entends trop souvent retentir dans mon esprit. Même le corps d’un mort parle encore de l’existence qu’il a traversée. A vrai dire, je ne sais pas si l’âme existe mais, par contre, je suis tout associé à la conscience que j’ai des choses et de la vie. Mon ignorance est sans sagesse. J’ausculte l’inconnu comme une pieuvre six mille lieues sous la mer. Chaque pierre de ma cathédrale de mots et de pensées, je l’ai arrachée de la terre. « Un cri d’amour n’est pas une preuve d’existence », me rappelle Rainer Maria Rilke. Mon sang est une liqueur qui s’épuise dans les artefacts du cerf-volant emportant ma solitude vers une éternité inoubliable.  

  

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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