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Bruno ODILE
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20 septembre 2014

Le calme déferlement. (Suite 11)

images1SM6FD6BJe me suis sauvé de moi-même, arraché aux cintres des brouillards, je ne parle plus qu’à moi-même d’un frisson qui m’ôte le ton. La douleur coupable résiste de ne pas savoir donner du sens au tragique qu’il peut y avoir à ne pas être vue tel que l’on est. Je ne saurais jamais qui je suis. Je commence déjà à mourir de l’enfance qui m’a bercé. Je ne vieillis pas, je mature près des amours mortes. Je commence à vivre de l’autre côté, sur le versant du fouillis d’épines, là où la curiosité s’éveille. J’ai toujours aimé l’autre côté du trottoir, le liège poreux et les souffleurs dans les oreilles. Quelle est la vérité dans un théâtre de graffitis ? Quel lit pour la nature ? Quelle compétition pour le cœur défait de la joie ? Aux mains d’enfance, les déliages de cordes, les cierges blancs, vierges de toute promesses. Je vais nus pieds sur le gel brulant des silences inquiets et mes rêves se noient dans tous les miroirs du monde.

Un fantôme pisse derrière la mort et, des corbeaux dansent leur java frénétique au-dessus de la poésie squelettique d’un nuage de fumée. Dans l’obscurité, les reliefs d’un cœur sont plats. Je m’anime d’un songe pénétrant, dans les coursives d’une camisole de sanglots. Le vide qui m’entoure forme des halos d’insouciance et je décroche mes ailes de crocodile, laissant mes poumons à ras de terre. Je saigne dans les filets de l’ombre, mais qu’importe le sang complice des flaques de charbon. L’air asphyxie les plaies qu’il effleure. Je suis un scalpel, une lame fine pour découturer les masques abandonnés aux frileuses chaines du paraitre. La continuité se déroule dans un progrès tranquille. Chaque cycle s’enroule à l’étau qui l’enserre, et sur le comptoir vide, des clous écaillés rouillent lentement. Promené par l’émotion, je bifurque par les spirales d’une vie qui outrepasse toutes les limites. Que serait la vie physique sans la pensée qui l’accompagne ? Et, le corps fait barrage, obstrue le passage de la légèreté ; et, la pensée cette tension bleutée, bourreau du flamboiement et de la fulgurance. L’unisson parvient dans la fratrie des chairs jumelées, mariées au délabrement permanent de toute chose vivante.    

Combien de temps, encore, avant la chute des os ? Des souvenirs sans voix sclérosent la parole, des contours muets lâchent d’acrimonieux relents. L’ombre se déplace sans cesse, comme un navire furtif sur des eaux chamarrées, ma carcasse de feuilles m’emporte sous des vergers esseulés, craintifs et débonnaires, tout à la fois. Je suscite l’obscurité, croyant toujours y trouver un tempo de paix et de calme, mais il n’en est rien. Sur le bord de chaque voix se dresse la canaillerie jusqu’à la blessure cachée, parfois tordue et clandestine. Le regard braqué sur l’avenir, la raison voudrait croire aux départs impossibles, aux privilèges des routes courbées et cahotantes, mais là aussi, les secrets du monde obscurcissent nos langues aspirées par les profondeurs de notre être. Sueurs dans les veines du temps, tout s’impatiente derrière les lourdes terres de nos visages abandonnés, de nos têtes imprévisibles. La seule évidence de nos fatalités déplace la lenteur de l’incompétence qui fond sur nous.

La jouissance asexuée, expérimentée entre deux êtres loyaux, témoigne de l’unicité qui nous fait défaut. L’air qui s’échappe de tes lèvres, quelquefois sonores et malicieuses, prend l’envol désaccordé du happeau qui ne dupe ni la tourterelle, ni l’unisson de la fraternité absolue. Le plaisir en-cachoté d’une ribambelle de couleurs inexploitables est pur sanglot. La conversation du tendre, qui ne nous parvient jamais, est restée dans l’écho martelé par nos prières d’azur. C’est dans le partage qui ne laisse rien à penser que l’on devine la surbrillance du chaos. Fusion hypnotique de nos levures, nous sommes des êtres paralysés au fond du laminoir de nos différences. L’échange extrême nécessite le luxe de nos aprioris sur le chevet de nos catastrophiques banalités. En-deçà du désir et de la mort, nous célébrons le feu qui retentit dans le déchirement de nos âmes éperdues. Le filon de nos foudres les plus douces se perd dans la terre inconquise. Le grand bucher des alliances foudroyantes délite dans les crevasses vacantes où nulle disparité n’entretient le vacarme de nos labours.

Fausses routes cloitrée dans le tiroir de la passion, nos vertiges ont le gout des forges nouvelles. L’expérience de l’amour, cet arbre couché sur ma poitrine, honore mes sens jamais essoufflés. Nomaderie clouée à l’immobilité, le chavirement du cœur exhorte le bonheur inaccessible et cherche la rémission vécue comme une renaissance. Personne ne pouvant coordonner ce qui ne peut l’être, ne peut en même temps réfuter la sérialité créatrice. Le désir demeure désir lorsqu’il rapatrie à sa cause la transcendance liée au vertige de la parole exprimée. Il n’y a pas d’actes ou de mots assez puissants pour dire toute la véhémence qui m’implique à la fatalité du réel. Je voudrais avoir la tête vide comme pour purger l’encéphale de chaque tourment, pour expier la froideur de ce réceptacle d’argile. Piégé dans une boucle de coton surréaliste, je pense le rêve qui m’asperge. Métronome funambule, je m’agace de ce temps d’air anesthésique qui répand ses fluides métaphoriques dans l’ombre de moi-même. Un tambourin se plait à dilater l’enthousiasme qui court le ruisseau de mes sens.

Pourquoi ne rien dire et ne pas laver de tout soupçon l’ingénierie qui nous dépasse ? J’habite une irritation, un soufflet pour les braises rougeoyantes, un ciseau d’orage pour les ciels morcelés d’attente. Les failles qui nous tenaillent ne se vident pas, au contraire, elles se remplissent des laquais de la présomption qui hantent tous nos paradis. Au cœur de l’homme, les ténèbres omniprésentes tancent comme des roseaux plient sous le Mistral. Nos lumières sont diffuses, aspirées par les dédales de nos angoisses. La lumière est notre pain immortel de jouvence. Après elle, il n’y a plus rien, mais avec elle, la beauté prend ses formes les plus avantageuses. La beauté, c’est l’économie des lâchetés humaines ! Le grand tournant qui nous chavire idéalise les berges sur lesquelles nous pourrions alanguir nos révoltes et nos colères. Dans les vieux fourneaux de nos rêves la transe obtempère, elle flirte avec les lignes électriques au-dessus de nos têtes dont nous sentons l’immatérielle énergie.  

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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