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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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2 décembre 2014

Je partirai d’un coup, d’un seul.

imagesL8AWQ0TULe lien qui se féconde hors de mon énergie vitale ressemble à la corde à laquelle je me pends. Je meurs mille fois par jour lorsque je fais fi des images de la misère qui accoste la mienne. Je suis dépossédé lorsque je suis désuni du monde dans lequel j’avance sans être l’acteur de mes propres vilénies. Je me conjugue à tous les sens lorsque j’accueille les autres en-moi-même. L’hospitalité naturelle mélange les âmes et les ondes. À l’intérieur de ma chair, je suis sédentaire avec les autres. Le voyage s’opère au centre de la mort qu’il me reste à vivre. La bonne rencontre est toujours une extase. Elle sublime l’enfer que je devine lové au fond de mes abimes.

Heureusement, il y a le bleu du ciel qui descend la pente. Larme de velours enroulée aux chariots de feu, il existe des moments où plus rien n’occupe la pensée. Des temps morts, vivants d’eau fraîche et de contemplation. Des instants vidés dans lesquels l’éternité bronze comme un lézard sur le mur chaud de la compassion que l’on accorde à soi-même et au monde. Des secondes légères où rien n’obscurcit la plaine embrumée qui se réveille, accompagnée par les vols presque imperceptibles des moineaux de passage. 

Après tous les S.O.S de la création, rien ne peut être vraiment plus que moi-même. Je cours et je vole, je crie et je chante, l’ombre des rideaux de la conscience mange dans la main rescapée des orages secs. Rien n’est plus réel que la mesure du vent venu mourir sur les rebords de l’horizon. Je récite un angélus sans forme, perdu dans un foulard antédiluvien. La mémoire colporte le silence des caveaux oubliés et je trame les secrets ininterrompus de l’étoffe qui me réchauffe.

Dans le sacrifice du gris, à l’entrave du noir et du blanc, je suis là tout entier. En demi-teinte après l’ornière de l’accomplissement. Je suis là, débouté entre la saveur d’être et les compromis de l’abnégation égocentrique. Qui de moi ou de l’autre moi-même sera capable de redonner vie aux ateliers de la beauté ? Je ne bois plus, je vidange l’aube rougeoyante où j’avais déposé l’idée de créations rayonnantes. Dans le dictionnaire des tracas, l’eau vive ne se retire pas, elle s’excave des rêves trempés d’ignorance. Le bonheur n’a pas de nom, n’a pas de sentiment, n’a pas de précision. Il se jette dans le vide et se noie dans la goutte. Il n’attend rien, il s’épingle aux sans regrets. C’est lorsque soudain il s’éclipse qu’il occupe l’étendue de la consolation. 

Ma cabane de joie est plus haute que moi-même, elle m’attire vers les cimes invisibles qui embellissent le monde. De plus haut, même une petite joie retentit comme une fanfare. C’est au plus loin de soi, à l’exode du Moi prédominant, que l’intensité des sentiments véritables se libèrent le mieux.  

Pour le soleil, la pluie est une partenaire incontournable. Les liens nous multiplient, nous explorent et nous sondent. Tant de corps résonnent dans le mien, tant de paroles trient l’émotion singulière. L’existence s’éreinte d’elle-même et je veux mourir au cœur de ma propre lumière comme un feu s’éteint après un dernier orage, après une dernière soif improvisée et sensuelle.   

Je partirai d’un coup, d’un seul. J’irai rejoindre la grande flaque de poussière. J’abandonnerai l’espace que j’ai occupé. Je vous le rendrai vide et propre comme un appartement après les vacances. Je vous lèguerai quelques copeaux d'univers habités par la présence d’une pensée. Je vous laisserai quelques clous et quelques images, un petit sanctuaire de joie épelé à la hâte. Je vous rendrai ma vie comme l’on dépose les clefs d’une maison de campagne. Vous trouverez dans le grenier un peu de semence prête à germer. Je vous la confie pour qu’à votre tour, vous puissiez faire jaillir de la terre des bouquets d’orties et de primevères. Pour que vous chantiez : « Il est mort en compagnie de son jardin de clarté ». Gloire au feu du printemps qui ravive le ciel avec le vol de l’hirondelle et qui enflamme les cours d’eau avec la fonte d’une neige éternelle. Je ne meurs pas, je m’évade !

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Parfois je trouve dans tes mots de l'angoisse. Ici, ils m'apaisent. Dans le tournis des saisons, la vie et la mort inscrivent leur empreinte..Sommes nous en hiver ou au printemps. Peu importe s'il y a une trace .
J
émotion<br /> <br /> émotion
I
Beau texte, mais ton dernier paragraphe est éblouissant !
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