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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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7 décembre 2014

Dans la permanence du chemin.

imagesMW4YN21PEntre terre et ciel, des passerelles pour les mots se disputent le droit de passage. Dédouanée de tout désoeuvrement, la parole s’inscrit comme une peinture à double face. Sur l’horizon, des croûtes prennent forme et accumulent les couleurs. Dans les mailles du sang, quelques copeaux d’azur saturé empêchent le déversement naturel. Dans l’absolu, le gouffre demeure cette cavité souterraine creusée par les palabres des ténèbres. Mais le déferlement de notre tendresse filiale le déborde outrageusement. Nos chemins de paroles s’enflamment de l’eau qui court par-delà la terre et le feu.

Parmi les franges obtuses de l’étendue qui nous surplombe, ta main tâtonne encore le tissu qui nous sépare. Tes yeux aux taquets du monde cherchent le pont suspendu entre nos labyrinthes et ta langue voluptueuse flotte avec les mots de sauvegarde : « pardon, excusez-moi, s’il vous plait, merci ».

Je n’éprouve plus rien sur ma peau depuis que la tienne est devenue cette fumée qui me recouvre. Ton teint a celui des mémoires ensevelies depuis des siècles de poussières d’eau.

Quelque chose bout dans mon cœur comme une eau de tisane. Mais chaque degré étouffe davantage l’essence du thym qu’il faudra boire.

Pareil à l’air, je cherche la voie la plus courte.

Trop souvent, le bonheur s’échoue dans une jouissance précipitée.

Nos yeux s’enveloppent dans le duvet de la nuit. L’ouverture est ronde comme une lune. Bouches d’air de fortune, quelques étoiles filent si vite dans le ciel que leur trajet de lumière s’évanouit dans l’obscurité. Je veux de temps en temps quitter la force de mes yeux pour dormir en dehors du gâchis que le noir embourbe de ses inondations.

Ce qui est défini par les hoquets du temps me décrit. J’exècre toute définition.  

Dépersonnalisé, l’amour n’est qu’une rivière blafarde, qu’un chanfrein maculé de bravoure sur un champ de bataille où l’herbe ne pousse plus. Nos voix sont des coques flottantes sur la mer. Le déchirement les aiguise. Le plaisir les déguise.

Ton cœur touche le mien et l’explosion qui s’en suit ramifie nos paupières. Dedans ou dehors, il en est de même. Donner vie à son rêve. Donner corps à l’évasion transperçante du désir. Nous insufflons à nos chairs neuves le béguin du bois qui donne des ailes. Nous flirtons avec l’écorce protectrice du chêne et seul le court parfum de ses feuilles nous traverse.

L’enfance est un secours. Elle intègre la permanence chaque fois que la vie nous fait mal. C’est pour nous le moment d’être durable et authentique. Dés lors, il nous est indispensable de ressentir une subtile supériorité sur le temps écoulé. Nos yeux sont des brocantes, nos mains veulent toucher l’argile à laquelle elle donne forme. La silhouette de nos humanités se malaxe dans l’accessibilité de nos intimes démangeaisons.

Mon toit recouvre ta tête et tu parles dans mon ventre. Lentement, ta voix de sirène ruisselle de la bouillie de l’instinct qui reflue. Dehors, les fentes se sont comblées. Les mots, détachés de la morale, courent la source dégoulinant la pierre. Ton odeur d’eau épouse la parole. Tu parles distinctement le refrain des gouttes qui perlent sur ta langue. Une série d’arc-en-ciel se pavane dans ton regard de papier mâché. Nous broutons, ensemble, aux rais colorés de lumière paradoxale.

Mais nous ne terminerons pas le jour ainsi. Les flaques de la mélancolie sont trop copieuses. Nos restes iront aux oiseaux. Déjà, une pie espiègle becquette les miettes résiduelles et mon rêve désenterre le cri au cœur de la nuit sur le bout de tes ailes. Plus rien n’intercède entre le battement de mon sang et le silence enfermé dans mes veines.

L’absence se préchauffe dans nos mains qui la pétrissent comme on pourrait le faire d’une poudre à fusil. De toute façon, que pourrais-je te dire qui ne soit déjà ferré à l’instant ? La mémoire se conserve comme une perle au fond des mers. Et tu perles sur mes lèvres. Tu m’effleures et tu me cernes. Je te lis dans ton immobilité. La mort est là et nous regarde. Je te parle de mes silences et tu nages dans mes veines.

Un pas solitaire meurt sous l’olivier. La mort après avoir été longuement pleurée ricoche sur nos ombres. Elle est aveuglée par le secret qui l’attend. Un éblouissement se contorsionne de sa propre effusion. Une pensée douce se faufile à travers l’échafaudage de ma solitude. La clarté monte de la nuit, tu souris puis tu t’éloignes.

Nous allons puiser à la pierre la stèle incommensurable de l’échouage. Nos profondeurs mangent nos salives. Les mots s’appuient sur nos carences pour échapper à toute dérive. Un crépuscule artificiel plonge sa bave à l’intérieur de nos yeux. L’heure dans l’heure crapote. L’instant nous dévisage. La clarté résiduelle et ses fragments retenus dans mon ventre illuminent ce que la voix n’a su dire. Un baiser noir se moque de nous. La lumière te plante ici, mais c’est ton ombre qui t’emporte au-delà.

Le destin d’angoisse et de détresse a longuement flotté comme une buée nostalgique rappelant les sourires qui camouflaient nos misères. Dans son refuge tragique, le mot s’était assimilé au silence des fissures du ciel. Il ouvrait ton sommeil puis franchissait tes paupières pour y blottir la suspension comme une guirlande sans attache. Tout flottait comme un drap que le vent emporte dans sa valse.

D’opiniâtres buées se cueillent au moletage de la langue où ton cœur pandouille comme un linge tiré de son placard. L’écriture abolit l’espace maîtrisé. Il n’y a rien de vrai dans les mots. Tout est vrai par le mot. Petit véhicule des pensées et des sentis, il œuvre à témoigner de ma langue intérieure. Il signifie partiellement, j’en conviens, et souvent maladroitement ce que je voudrais te dire. C’est un outil qui me tombe des bras. Le vocabulaire et ses milliers de graines me dépassent. Je ne le maîtrise pas. Les mots me portent et me conduisent vers le sang blessé. Ils m’obligent à l’errance, à l’exil, au nomadisme perpétuel. Je ne m’interprète bien que de loin. Je suis une perceuse. Et encore.  

Ici, il faut se tenir à jour de soi-même. Parce que l’espace est un choix.

Le destin besogneux se rassure des blés durs, des orges et des avoines prêtent à la récolte. Rien, ni personne, ne pourra nous distiller au temps fleuri car il va de soi, du moins pour un esprit logique, que, loin de nous détruire, l’amour nous réduit à ses cueillettes. Nous avons magnifié nos cœurs à l’épure de la pierre à feu. Le manque et la restriction nous ont dilatés dans une nuit profonde où nous avons rendez-vous. Recroquevillés, nous devenons peu à peu un noyau. Un tubercule, un réservoir de saillies bouffonnes impatientes de leur retraitement et de leur reconversion.

A babiller sa nostalgie au dévidoir de tartre, un bruit de catacombe secoue la torpeur du vague à l’âme qui s’écoule. Il devient impératif de désapprendre les ovulations et les germinations tourmentées.

Ecoute. Ou plutôt, entends-tu ? À l’intérieur de l’horloge, des aiguilles muettes labourent les cycles tempétueux. Je m’extirpe difficilement des relents d’amour qui enfument ma conscience. Ils accomplissent des navettes artificielles entre nos existences corporelles et notre embrassade affectueuse.

Devant nous, tout est à construire et laisse croire à une grande liberté de faire. Mais les mots ne sauront pas dire le parcours qui se desserre. Ce qui s’entrevoit n’a pas de tonalité, pas d’odeur et sème la lumière en dehors de notre ermitage.

Je me penche vers toi qui es inscrite dans mes songes et rien ne peut estourbir davantage.L'inaccessible accès est ouvert, il bat comme une voilure au bout d’un mât coupé gisant sur le bord de mes lèvres.

Bientôt, cette destinée morose s’effilera à fleur d’étoiles et dans nos mains refermées, le ciel  s’essoufflera sur le tapis bordant nos cœurs. D’innombrables grappes de lampes grillées larguent d’un jet tout un feu d’artifices illuminant ton absence. Oui, j’ai rallumé tous les couloirs où les murs conservent ton odeur. Je te cherche et j’ai les paupières closes. Ton parfum me guide mieux qu’une bougie. Il y aura forcément un moment où la nuit courageuse couvrira notre repli défectueux et bancal. Alors, j’outrepasserai les rayons du vide où le temps se désintègre. Et, nous nous reconnaîtrons parmi toutes les ombres fantomatiques qui titubent dans la saturation de nos pertes. Je t’associe à ma ligne chaotique fossilisée dans la turbulence des périodes glaciaires. Les souvenirs que tu m’as laissés crapotent comme des nuages de réminiscences enroulées aux fumées du givre que le soleil fait fondre. J’entends la collision des étages de glace qui dégringolent depuis notre enfance. Des tas d’oiseaux s’échappent par les fenêtres restées ouvertes. Tous les passants s’en sont allés. Ils vont et viennent comme une haute marée lunaire. Il ne reste dans la permanence du chemin que le chant des corbeaux entourant la clarté dépouillée de sa fine couche de transparence.   

Un peu plus loin, des mots natifs souffrent d’Alzheimer et ne savent plus claironner la chamade heureuse des jours disparus. Ils ont oublié. Tout se décale et se déporte. Des heures douces viennent cogner à des images perdues. Un capharnaüm chante du Barbara. Rappelle-toi, nous sommes installés dans notre chambre d’adolescents, un de ces après-midi de vacances scolaires où, étendus sur le lit, nous l’écoutions à tue-tête dans une boucle sans fin. Et puis, le port de Sète a perdu ses yeux, il a débouté ses jeux. Au gré de ces combats nautiques, les lances flottent puis sombrent dans le chenal comme je trébuche à ces retours de mélodies séraphiques. Les mouettes font des joutes avec le soleil couchant. J’ai l’impression que je suis à nouveau contaminé sur toute la figure par des petites taches d’Aigle Noir.

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Parfois voire souvent je pense comme Ariaga. Derrière ton front se cachent tant de forêts sublimes de mots. Ton livre est magnifique..je n ai pas encore tout lu par manque de temps mais je suis heureuse de l'avoir près de moi
A
l'étendue de ton inspiration poétique me laisse sans mots ... Je vais devoir payer un droit de passage. Amitiés.
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