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Bruno ODILE
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13 janvier 2015

Le cri qui ne sortira jamais

60478Le cri qui ne sortira jamais veille dans ma gorge comme une péninsule perpétuelle. Un fleuve avance et le ciment des jours tortueux se brise. Mille conquêtes siègent dans les fragiles trous où s’oxydent les fruits laissés là en pâture aux oiseaux migrateurs. Dansent sur les vitres lessivées, l’insomnie de tous les soupirs que je n’ai pu mettre en terre. Elle est nue la campagne qui m’attire. Le noir melon de l’angoisse git tout près des paravents de l’infortune où, dans la pénombre, se reflète une lune hygiénique et sourde. Toute la mort s’enfuit de la minute présente et construit des échafaudages pour les heures lointaines.   

« Il faut être l’homme de la pluie et l’enfant du beau temps.* » répètera René Char, et déjà la sphère jaune quitte la boussole ordonnée du temps. * Le Marteau sans maître, Moulin premier.

Mes traces abandonnées au sépulcre du temps ordinaire me reviennent comme des plaies insaturées. Des blessures venimeuses s’arrêtent à mon chevet à chaque soirée venue et la nuit devient carnassière et assassine. Elle plonge son couteau noir dans la richesse de la journée qui s’efface. Des chapitres entiers de larves anciennes tardent à s’écrouler. Le temps est long pour l’esprit dévasté. Il double les proportions de l’attente, il quintuple le hurlement interminable de la solitude. Survivant anesthésié de ma propre histoire, je me fausse compagnie. Non, je n’ai rien à t’apprendre qui ne soit déjà un radeau abattu par la tourmente. Tout juste puis-je t’accompagner et te raconter toutes les méprises qui s’enclavent à mon vécu comme des expériences bondées par le chaos qui m’entourent.

Mes cris sont des soupirs de vapeurs brûlantes. Personne ne les entend. Rien de ce qui peut se défaire de moi ne pèse sur la randonnée que nous pourrions faire ensemble. Je suis né dans l’orage furtif qui s’éloigne et je marche sur le printemps où l’herbe mouillée pense à des jours plus tranquilles. Berger sans troupeau, ma vie rôde par-dessus le manque et les désirs froufroutés que les destins ambitieux désertent. Mes cris sont un revers de silence, une résonnance impertinente où meurent mes bouffées desséchées de toute présence. Je mesure seul la hauteur des futaies qui me dépassent et, plus bas dans les fougères, je caresse l’espoir d’une seconde nature. J’ai beau consulter les lignes de l’éclair et supplier que l’amour rince la peinture de mon profil, je pèse sur moi comme un pli de marbre froissé.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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