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Bruno ODILE
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25 janvier 2015

Tout n’est que silence sur la guimbarde des ombres.

HS2549_1359020359Des corolles de givre ont condensé la parole. Le présent se cache, se terre et surtout se tait. Le son que l’air transporte est déformé par le poids qu’il laisse filer entre ses mains. Nos cœurs s’abattent dans le vide comme des rapaces descendent le ciel en fusée. Je suis assis au centre d’un cyclone. Dans le tourbillon, des milliers de visages remontent la spirale. Un madrier tombe du ciel, les peupliers sont morts. La lumière se transvase dans l’œil d’une aiguille. Nos peaux aiguisées comme des flèches tranchent l’embonpoint des nuages. Quelque chose nous dépasse. Nos respirations rampent tout près du chant du coq et nos poitrines ne peuvent saisir tout l’espace qui nous touche.

Le jour fait irruption et nos nuques siamoises labourent le squelette des souvenirs. Tous nos gestes s’enroulent autour de l’acte manqué. La difficulté n’est pas d’écrire mais d’accepter tous les mots que je retrouve au fond de mon être comme des étoffes baignées dans de l’acide. Notre regard n’a plus de cible. Dans la pénombre, les routes semblent davantage incertaines. Le désert erre de toutes parts et nous ne voyons plus que la lame tranchante du temps dans la trouée des mots qui s’effondrent.

Nos rêves se relèvent mouillés, trempés. Ils transfèrent le réel dans un lieu clos, dans une pochette surprise. Le hasard brûle les pistes et nos pas s’engouffrent entre corps et pensées. Nos cœurs bernés tournent le dos à la fuite, à l’absence, à la lame qui poignarde nos yeux. Nous sommes prisonniers de nos frontières d’amour. Mais, nous reculerons les limites jalonnées d’esbroufes. Après ces heures mortes, nos pieds sont devenus des sabots dans le ciel. Je sens bien que tu me tires. Je ne vois plus rien. Ta voix me revient dans le creux de ma bouche. Un ange passe, chevauchant les flammes bleues qui rabinent ma langue. Toujours la même clarté entre tes doigts. Toujours le chahut des colombes qui équarrissent les ombres purulentes. Mais, tu me hisses plus haut encore, bien au-delà de l’école du temps. Et il pleut des pupitres rongés par les ongles de l’angoisse.

Tu es l’événement qui dépasse. Tu es plus large que la lumière. L’infini est à ton échelle et je n’arrive plus à grimper sur les barreaux de caoutchouc devenus trop sensibles. Il me semble appréhender toute la démesure qui m’a réduit à l’état de poussière. La terre nous est étroite et, cependant, tu la repeuples de musique et de poésie. Avec toi à mes côtés, j’ai perdu l’Eden pour laisser place aux jardins criblés de gouttes d’or. Ton aura est une fenêtre par laquelle les soubresauts de la matière remplacent la pensée. Je m’insère dans le rayon de blanc où tu m’introduis. Mon cœur est un pigment de lumière qui survole. J’habite le dépassement.

L’empiétement de ta voix traîne dans mes fibres comme un clin d’œil souriant. Je voudrais parfois cesser la course où tu me conduis. Je voudrais pouvoir tenir dans mes bras l’horizon immobile où se dissimule la promesse d’un jour heureux, d’un jour plus grand et plus vaste qu’une simple promesse. Déconcertées, les nuits orphelines oublient la destination pour se consacrer au voyage. Néanmoins, des champs de batailles restés en amont éclaboussent de toutes parts la fêlure que la parole voudrait suturer. L’encre de ma voix unifie tous les points d’une page blanche en une seule croûte qui refuse toute dilution.

Irrégulières, inconstantes, non alignées, les marées s’essuient sur le sable. Une étrange lueur affiche son eau bleutée et franchit l’aquarelle du temps. Tu sais combien tout est nu sous la robe des mots. Un papillon s’envole entre mes doigts. Chaque aube se réveille dans la poudre de la nuit où le rêve a bâti son audace. Le délestage naturel lance le premier pied qui touchera la terre.

J’avance là où mon cœur me guide, je marche vers toi comme une aiguille perce l’étoffe. La mer vient reprendre ses vagues. Surgissant de l’eau, un sous-marin s’échoue au bord de la falaise. Des hommes hissent le pavillon de détresse. La mer écoute les hommes qui s’agitent puis elle s’aplanit comme une lumière de lune à la surface de l’eau.

Nous pourrons rêver tout éveillés.

Bien sûr, la mélodie des souvenances perturbées défile en filigrane et toutes les voix du monde humain s’amplifient. Cependant, l’alliance à la mort s’opère méticuleusement comme une chirurgie palliative. Nos vies en suspension dérivent sur l’horizon. Un long fil imaginaire s’étire de la pelote des voix restées sur la berge. Toute une foule d’attirances dissèquent le réel dans sa comparution à vouloir tout occuper au coeur de l’humanité. Ton emprise s’effile, l’ordre des choses repose sur l’absence pénible qui recouvre la clarté des heures inhibées. Seules, mes incertitudes batifolent comme des lunes d’emprunt et torpillent mon ciel d’étoiles muettes.

Quelque chose s’est brisé depuis longtemps et dans un grand fracas de noir est né l’obscurité qui me submerge. Plus rien ne se voit. Les sens sont privés de repères tangibles. La vie oscille comme une roue voilée, puis tombe comme une toupie à bout de souffle. La tendresse culbute sur l’inconnu des beautés qui ourlent mon cœur. Ici, mes yeux devinent ce qui est inapparent. Parce qu’ici, pleure et joue une seconde de sédition, d’insurrection inefficace, une émeute vaine. Notre réconciliation est dans l’attente d’un refuge solide où le temps perdu soulèvera les tuiles sans les briser.

Lorsque nous avons fini de consommer le reste de froideur taciturne offert à la coupure, le bruit des fonds de mer éclabousse la nuée de vagues régulières qui se meurent à nos pieds.

Le blé déraille. Le ciel, tout d’art rempli, dégurgite sa mousson créative. Sa blouse épaisse enveloppe d’un blanc sculptural la lumière endolorie. Le calme, comme une fontaine sans eau, influe le rythme des peaux. Messager aphone, il nous regarde lorsque nos voix chutent de la montagne. L’argile moule le sommeil des anges. Nous nous berçons comme des perles de rosée sous la brise matinale. Dehors, la chaleur est bien pire que dans nos mains. Nous touchons la vapeur de nos bouches. Et des cigales hébétées s’envolent de nos lèvres.

L’intouchable glacier des fées effleure nos modestes cannelures. Un rainurage blanc zèbre l’enveloppe qui conserve mon désir aussi entêté qu’au premier jour. J’ai besoin de sentir nos cœurs en équilibre sur la marge qui nous accompagne. Nos pages se tissent comme des laines de fer tendre.

Macadam d’ossatures broyées, nos voix sont des balles qui rebondissent sur les murs. Une brève rumeur traverse nos corps et dérythme nos respirations. Tes yeux fouillent mon cœur sans trouver l’empreinte de la lumière. Des mots à blanc te répondent et une musique de chorale diabolique découpe l’air en mille morceaux.

Deux ou trois mouvements s’embrassent. Un seul perce le plomb du silence. Tes seins sont moites, ton front courageux. Ai-je bien fait de tailler la route où tu t’es assise ?

Le doute constitue une part poisseuse. Des nuages alliés à la sincérité cachent le timon récupéré dans le feu partagé. Nos brûlures sont des écailles de verre fondues sur nos ardoises.

L’heure court, loin devant. Nous roulons dans la farine de nos jeux d’enfants. Une boite, puis un couvercle, et notre puzzle se trouve disséminé aux quatre coins d’un espace à peine défriché. A l’extrémité inconcevable du regard, la nudité conserve son visage pur entre le ciel et la terre. Nos yeux touchent le sublime. L’orgasme crève la rétine. Extase, ce mot ne contient pas toute l’envolée suprême et l’enchantement qu’il absorbe. A l’infini, tu plaides en faveur de l’air que tu ne connais plus. Le soleil nous pénètre jusqu’à nos cendres refroidies. La nuit n’est plus qu’imaginaire. Nous tenons debout comme des silhouettes noires au fond de nos tourments. 

Tout n’est que silence sur la guimbarde des ombres. Ce qui brûle nos yeux nous masque la lumière. Nos terriers sont creusés dans le jour. Tu es là, dans la mesure des images réfléchies. Je te tiens d’une main comme un pinceau mesurant la distance de tes reliefs. Je te surprends encore au chevet de mon sang comme un fleuve d’ombres rugissantes. Naufragé survivant à ta fuite, je délie l’encre qui nous rassemble. Je te porte comme un chapeau d’été et je me promène là où tu n’es plus.

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
A
Des rêves mouillés, trempés par les larmes, c'est une bonne soupape quand le réel est difficile. Beau texte comme d'habitude et cela fait du bien pour mon "retour". Amitiés.
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