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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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27 janvier 2015

Quoi de toi, quoi de moi ?

MAILLART31Quoi de toi, quoi de moi ? Qui connait le chemin où se déroulent nos corps ? Le temps nous déplace, nous tourne et nous berne. Nos voix immobiles s’animent d’angoisses tendres et nos mains se resserrent comme un fil de cuir après la pluie. Une voie faite de deux, puis un rêve, un exode, un exil, et le déchirement de se taire pour ne pas recouvrir l’intime sensation qui fait vibrer notre sang. La mémoire écharpée, un flot de communes différences dément nos tissus qui se croisent. Les bruits sont partout. Une drôle de résonnance bleue s’engouffre sous nos peaux. Le ciel nous mange et l’azur nous confond.

Page après page, l’écoulement de la source perce la terre de mille trous et, à coup de râteau, le temps ramasse des bouchées de souvenirs. Nous sommes accrochés l’un à l’autre comme une ancre à son bateau. Chacun prisonnier de son envol, nous cohabitons dans la distinction des mots et des voies. Nous sommes le relent d’alcool s’évaporant aux extrémités de nos souffles. Tu viens de la nuit, de plus loin que le sommeil. Mon prince, ma déchirure, je te porte en moi comme un cri s’enchaîne aux soupirs ordinaires. Je me fane au bord des crevasses imaginaires et tu prends corps avec l’onde humide qui perle sous ma peau.

Ta différence révèle mon identité au grand jour. Je m’oublie dans le regard qui me berce. Ta chair égarée dans la source semble tout retenir, tout contenir. L’eau des bassins de l’enfance me suggère l’opposition à toute oppression, le déliage des cordes et des liens égoïstes qui me retiennent. Curieux, je te cherche au-delà de moi-même. J’habite un rêve bleuté sous l’ornière de l’image. Je suis à l’abri contre la butée persistante de tes sourires. Contre les arbres glacés, quelques rayons d’un soleil d’hiver incendient les branchages. La lumière s’ébroue avant de s’éparpiller au jour qui mâche l’instant. Tu glisses sur le coton de mes yeux et, immédiatement, l’horizon assagit nos dissemblances. 

Si la vie n’est pas une folle escapade de la lumière au cœur de l’abime, qu’est-elle au juste ? Vers quoi irions-nous et comment ferions-nous pour nous épuiser au-delà des sources du silence ? Comme je l’ai fait avant toi, tu traverseras la lie de ton corps à la recherche de la beauté. Tu franchiras de nombreux carrefours, des plaines juteuses et des déserts brûlants.

Tu marcheras à travers le sable, sur le fil des océans et parfois même au-dessus des nuages. L’énigme vertigineuse de l’existence divisera tes élans et détruira un grand nombre de tes espoirs. La langue de l’air pourra, par moment, te paraître le venin de toute raison. D’un amour à l’autre, tu mettras à nu tes fantaisies et tes stratagèmes pour défoncer la pudeur de la chair. Chastetés accablées en quête de purification, l’émotion drainera les litiges jusqu’à l’océan de tes poumons.

Mon fils aux poignets de cygne, aux cheveux d’alouettes, le jour de ta naissance était un jour parfait. Ni grâce, ni démon, sur la collégiale de l’aube. Seulement tes pleurs cristallins et ton parfum de vie nouvelle. Seulement la douce tempérance des moments heureux. Aujourd’hui, tout parait si lointain, muet et volatile. Je lis dans le temps envolé les grains d’air qu’ensemble nous avons semé. A présent, tu es là, gaillard et téméraire, et je suis confondu aux lames vigoureuses qui jaillissent de toi. Quoi de toi, quoi de moi, mélangés à ce point de rupture qui nous vivifie et nous sépare. Nous sommes chacun au cœur de nos prières et le jour qui passe raconte à notre place la distance qui s’effeuille.    

Si proche de toi, par arrogance et par naïveté, j’ai perdu la corde et le nœud alors que je creusais la terre pour les ensevelir comme des racines précieuses. Ne serais-je déjà plus là, invisible et sans murmure ? L’ombre floutant ma silhouette a-t-elle traversé de haut en bas le bruit du tocsin qui accompagnait mes pas ? Aurais-je avalé la poussière qui crissait sur l’air dévoilant ma présence ? Je t’écris assis sur le promontoire des âges morts et comme un enfant, je gribouille des traits sans importance. Je t’aime. Il fait noir, mais je t’aime. Des sueurs langoureuses giclent sur la façade de pierre, ma maison est vide, nous sommes tous partis à la rencontre du non-sens de nos êtres. J’ai froid et l’heure tremble. Il gèle dans la cabane de peupliers que j’occupe. Je ne sais pas, je ne sais plus si j’aurai la force nécessaire pour ouvrir la malle traînant à mes pieds. Je crois que c’est toi qui a la clef. Regarde dans tes poches, s’il te plait. Ma vie teinte comme du verre blanc.   

Viens ! Le jour nous appelle et les champs de rêves solitaires se ramassent à la pelle. Viens ! Faisons-nous la belle, fuyons les ressacs et les bruits de la brume qui se querellent. Mélangeons nos enfances, vivons d’insolences. Brandissons nos visages délivrés de la potence, allons flirter avec nos dissemblances.

Il ne peut y avoir d’Amour sans joie, ni de joie sans paix. Néanmoins, nos cœurs encore un peu masqués déambulent sur la corde de nos sourires. Effluves de joie brûlée, dilatation du fleuve sang, palpitations de la vase jusque dans ses clameurs minuscules, nous sommes guidés par la pierre et la terre. Toutes les voies sont sincères, aucune ne meurt dans l’haleine rétive des contre-jours. Je vais devant, mais pas sans toi. Je vais à la victoire, mais pas sans le monticule de défaites qui me précède. Je drague l’invisible présence que je ne sais traduire. Ta vie patine sur mon cœur flottant en pleine marée. Mon Je et ton Tu arpentent ensemble les chemins de traverse. Sur le bas-côté, la trace de mes freins et la ligne de mes faims jonchent sur le sol. Mais on n’en finit pas d’aimer, chaque geste prolonge le vent qui nous aspire et, l’espace d’un instant, nous ne faisons qu’un.

   

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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