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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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6 février 2015

À la rencontre de mes rencontres.

4nd0287GD_photos_femme_nueJe n’avais pas compris l’audace circulant dans les veines du jour. Je n’imaginais pas le silence comme une portée musicale abstraite installée dans ma chair. Le choc vécu est un réveil, un éveil à la pureté des ondes qui m’effleurent inlassablement. Estourbi, estourbi, estourbi. Une voix assoiffée d’air traverse mon corps. Un fleuve invisible recompose le nid où repose l’apparence qui me servait de costume. La mort m’a touché de près avec ses cloches de marbre et j’ai tout de suite su qu’il ne fallait pas s’attarder dans sa proximité. L’illusion ne fabrique plus aucun rêve au-delà. Goût du vide ou sentences morales, qu’importe ! J’ai fui comme l’ignorant s’évade de la prison qui lui tenait lieu de demeure. Toute la nuit, j’ai scié les barreaux de titane blessant mes soupirs et mes veilles. A l’aube, je franchissais la fenêtre en vainqueur. Mais sitôt libéré, la fugue fut cernée par d’autres remparts. Sortir, oui ! Mais pour aller où ?

Dès mon plus jeune âge, une puissance irrésistible drainait les sources diaboliques qui me traversaient. Dans les ressacs perméables de l’enfance, une voix maternelle demeure étanche. Mille liasses de lumière découpent encore les veines d’un marbre décoloré. J’entends toujours des berceuses fiévreuses au fond du puits obscur, un doux chant harmonieux tournant la poulie et le sceau qui remonte de l’abîme rempli de reflets inconnus.  L’espace se réduit toujours à ce que j’en vois. Mes compulsions participent au mouvement d’épuisement. Je feuillette l’orge et l’avoine restés dans l’assiette de l’heure germinante sans pouvoir la terminer. Je le sais, il faudra bien épuiser, tarir et drainer les cellules mortes. Le ralentissement du temps apaisera sans doute les tapages et les contradictions d’une vie à la recherche d’un équilibre expressif.

Tempêtes et tourbillons déplacent la matière. L’énergie pure ne peut pas se sacrifier au seuil des portes qu’elle n’a pas encore ouvertes. Si l’on ne sait pas où l’on va, on ne peut savoir d’où l’on vient. Peut-être, parce qu’on ne cesse d’aller et venir, on n’occupe plus vraiment l’espace de nos pieds mais le long chemin des routes d’étoiles. Du lointain pays d’où je viens, l’écho s’empresse de décrire les rêves préservés. Un théâtre d’euphories revendique la traduction immédiate de la solitude qui se meurt aux pieds de l’enthousiasme. La réalité m’appréhende de ses actes élogieux et moribonds. Le grand tournoi des figurations échappe, pour un temps, à l’ordre des espaces physiques disponibles.

L’existence toute entière est une charge d’émotion tenue à bout de bras. C’est un lieu de délivrance par lequel chacun s’accomplit parmi les périples du quotidien. Il faut réapprendre à se défaire de la colère qui empoisonne le corps et l’esprit. Le pardon n’est pas un sacrifice, il est le symbole révocatoire d’une souffrance. Lorsque la nature est contrariée, elle s’efforce de redéployer une harmonie avec le reste de l’univers. Elle ne pleure pas sur son sort et ne se lamente pas. Elle dirige son élan pour reconquérir la lumière délaissée. Et, si elle n’y parvient pas, elle raréfie ses actes pour préserver l’étincelle de vie qui joue aux ombres mouvantes au fin fond de l’humanité. S’il ne nous détruit pas, chaque choc nous épure. Chaque chemin tortueux réclame un effort. Je suis tout à la fois, un être de fiction sur l’étendoir de mes rêves et une masse de hasard patibulaire accomplissant sa destinée.

À la rencontre de mes rencontres avec l’insoutenable constriction des charges révélatrices, je me suis vu déchiqueté sur le pinacle de l’horreur. Des orgues temporelles retentissaient dans mes veines tordues. L’espace se cabrait et l’air marchait sur des échasses. Des flaques et des vallons encerclaient mon cœur. Quelque chose d’impersonnel m’envahit. Le Je est indisponible. La détresse est assidue et elle n’en finit pas d’élargir l’engourdissement. Toute mon intimité semble être un lieu à combler. Mes yeux reflètent le vide où je m’éloigne. Je suis inassouvi et indisponible.

La quête de l’énergie pure demeure sous les paupières closes. L’instant de joie se sauve dans l’asile du rêve. Mains et poings liés, l’azur s’arrête à l’enveloppe charnelle qui nous habille. Le poids d’une illusion, lorsqu’elle s’avère insurmontable et indispensable, pèse aussi lourd que la charrue métallique que l’on emploie pour labourer une terre dont les mailles sont restées trop longtemps refermées. La tendresse m’a quitté et je suis dur comme la pierre. Il n’existe pas de recours pour colmater la brèche et toute la mer se déverse à l’ombre des étincelles éteintes.

Des mottes paraissant incassables cachent l’étendue possible de la conquête. L’âme foulée, les chevilles du jour sont rivées sur le miroir des rebuts. Il me reste la poussière d’ivresse recouvrant la vie partagée. Mon dictionnaire des langues ne traduit pas la puissance du mot lors de l’échange. Inlassablement, le silence qui nous suit déborde toutes les convenances. La parole est l’acte supérieur du geste. Elle plante le décor sans autre mouvement que le souffle de la pensée. L’acte dérobé tient en haleine l’architecture de mes os. L’esprit qui ne souffle mot est un esprit mort. Sur l’autre versant, la chute irrémédiable de l’ordre établi. Tout s’élève puis sature et régresse. Tout est relié de façon invisible à l’arrière pays muré. Il n’y a pas de différence entre une tasse à café et un verre de café. Le contenant accepte le contenu. 

L’accident, c’est le jour improbable qui devient une certitude pour la chair. Un corps amoindri sait la carence impitoyable. Le cerveau continue cependant à courtiser la part manquante. Qui s’installe à la place vide ? Longtemps des membres fantômes ont baigné dans le sang qui me parcourt, véhiculant l’illusion jusqu’aux racines de mon être. Se défaire de soi nécessite la juste reconnaissance de l’impossible et de l’irréalisable. J’ai tenu entre mes mains le halo de conscience qui fait chavirer le monde à l’intérieur de la mémoire cellulaire. Un autre moi est venu à ma rencontre. Un cœur débridé court à ma recherche. Ma main fouille dans les rétrospectives d’un élan contrarié.

Je suis comme mort. Il y a une arnaque dans mes entrailles. Ma main gauche touche mon front du bout des doigts. Je marche sur l’ombre déformée d’une silhouette debout. J’irai à cloche-pied s’il le faut, partout où mon chemin deviendra une marelle. Enfant, je courais déjà dans le champ où des cheveux d’ange s’envolaient à chaque pas. La reconstruction semble se blottir dans les bras du hasard, mais il n’en est rien.  

Demeure la structure et reste le cadre. Le contenant donne forme au contenu. Exilé dans un monde clos, l’avenir meurt de ses non-projets. La fatalité commence là où le hasard cesse d’être inopportun. La dualité précédant la parole universelle ne fait qu’amplifier la solitude. Regard et parole témoignent. Que peut-on créer d’autre que la création elle-même ? L’art, sous toutes ses formes, trame la tempête et débride mes pulpes et mes béances. Je ne suis plus qu’une présence intérieure dans l’absence universelle. Mon corps est une rizière asséchée où je campe comme dans une gare.  

Je vais à moi comme l’eau des montagnes remplit d’abord les ruisseaux, puis les fleuves et enfin les océans. Je coule du haut vers le bas comme une coulée de lave. Je me précipite comme une pierre que l’on jette dans le ravin. J’observe la boucle infinie par laquelle l’orage et le froid régurgitent la pluie sur les sommets. Je flotte au-dessus d’un cercle intouchable et je tournoie autour de la sincérité de chaque chose. Je ponctue le trousseau de vide avec quelques ponctuations incolores. Je suis le sans voix titubant dans la confrontation des ondes toniques.

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
A
Ton texte est magnifique. Tu vas à toi et tu finiras certainement par y arriver ...
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