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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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7 février 2015

Nos vies sont des lumières perdues.

4nd0290GD_photos_femme_nueJe profite d’une solitude fragile pour désarçonner la pierre gisant au fond de ma gorge. Et dans cette mare croupissante où veille notre enfance, j’apprends à recracher l’eau sulfureuse qui agite ses flammes comme un feu dans mon cœur.

J’apprivoise doucement les vagues qui m’inondent et les cendres qui renaissent de mes blessures. Le calme ne se brise pas. Chaque pas est un mur à franchir. L’exil devient une route fleurie de ronces et de mûres. Tout l’amour qui m’occupe traverse la rue. Sur le trottoir d’en face, nos ombres se dispersent comme un parfum de fêtes nuptiales.

L’absence prête main forte à la fatalité. Le destin se pèle comme une orange. Le silence clôt le monde où nous étions confinés. L’avenir s’épanche sur le commencement d’un rêve. Le soulagement ne tient qu’à la parole appropriée, au mot qui décape les fonds de cale et hisse en même temps toutes les voiles aux souffles de la mélancolie.

Le pire est toujours la maladie. La maladie du corps, de l’âme, la maladie d’amour. Et cette dernière nous la contractons par nos insuffisances, nos découragements, nos démissions et nos capitulations. Elle s’étend doucement, puis nous recouvre allègrement jusqu’à finir par nous ligoter et nous terrasser complètement.Il y a toujours l’heure où il faut partir et le dernier souffle. Il y a toujours l’effort à faire pour subsister en deçà et pour décontaminer le cœur de ses cyniques prièresd’adieu.

Et puis, étonnamment, la défaillance défait les nœuds coulants des vitres et au travers de la transparence nous nous voyons clairement. Nos âmes résonnent sur les flancs de l’ombre et de la lumière. La nuit s’étire comme une corde de mille lieux. Nos haleines sont dépouillées et nous atteignons les tempes nues de notre embrasement. Nos cœurs se brisent comme de la paille. Nous sommes suspendus à l’abandon comme de la neige sur des branches. Le désir naïf a la bouche ouverte. Nous voulons davantage.

La mort a inventé la vie comme un leurre passant la frontière du vide. L’existence est le lien indéfini avec l’obstacle aveuglant du jour. L’amour est un couteau. La lame du dessous tranche nos incertitudes et nos prières d’excellence. La lame du dessus arrache au sort la part sensuelle de nos émotions. Nos prétentions s’exécutent comme des sentences et nos esprits brocardent l’indécision.

Le temps infini accule la parole à son débordement. Je ne sais plus te parler de ce qui est détruit, ne parlant que de cela. La puissance du tonnerre est dehors. A cet instant, les mots prennent possession de la plaie. Le feu dans le cœur de la pierre ne se reconnaît plus et la flamme se détache. La brûlure se confond à la faim que nous avons laissée derrière nous. La continuité apparente n'est qu’une succession d’heures écharpées et discontinues. Pour marcher dans l’amour, et non à côté, nos corps disparaissent avec la matière qui les a composés. Ils s’effacent au profit de l’image que nous en avons conservée. Nous avançons en téméraire comme des gladiateurs hardis, impavides, vêtus de paradoxes, jusqu’aux bordures fluctuantes de nos catastrophes. En ce sens, nous sommes plus courageux que nous ne le croyons. Notre parfum se mélange à la terre. L’étonnement est notre providence.

Nous ne connaissons que la surface. Nos visages ressemblent à nos destructions. Le froid et le chaud pivotent, nos ardeurs sont des buées. Les murs qui s’écroulent ont jeté le désarroi dans la faille qui nous borde. Le froid tague l’obscurité. Nous suivons l’air qui nous précède. Nos cœurs emmitouflés aiment la clarté douce des lunes tropicales.

Me voilà au devant de toi et de moi. Au devant du monde, sur la proue instable du navire qui s’enfonce dans le brouillard. J’avance avec une cane blanche dans ce flot de fumée. Tu as le visage mouillé et chaloupé. Mon cœur transpire la sécrétion des contes de fée. Pêle-mêle, nos émotions et nos éternités volatiles ont plaqué nos yeux dans la clarté des buveurs de lune. Tout a tressauté puis tout s’est penché sur les reflets de nos ombres qui se recueillaient, à genoux, là où nous avions vu naître de la lumière.

J’avais oublié où nous étions et c’est toi qui m’as murmuré le parfum des gerbes fleuries que nous occupions. Nous avons mûri dans la vaste secousse d’un rouge baiser se consumant à la friction de l’air sur nos peaux. Heureux d’être ce cœur d’évanouissement.

Une bicyclette en haut dans le ciel ! Je touche à tes cheveux. Au bout des aires blanches, des oiseaux sont à bout. A bout d’ailes, à bout de souffle dans l’escalade du vertige qui pique comme des aiguilles. L’émotion est devenue un ballon de fête foraine.  

Les mots se cultivent dans l’émotion jaillissante des ténèbres. Des cailloux de fer percent les poumons du feu. La parole comme une lave rougie se déverse au-delà des pentes qui nous entourent. Le repos n’est pas dans le fond de tes yeux. Ces derniers ne me rendent rien. Non. Il n’y a pas de répit dans les travées qui occupent nos rétines. Elles dégoulinent toujours du trop plein qui menace notre compréhension purement contemplative. La sérénité prend un autre train. Et puis, une gare et encore une autre. Le roulis des cadences du rail résonne dans mon corps. Ce n’est pas moi qui tremble. Ce sont mes yeux.

Les mots de la terre se cultivent de ci de là. Je ne te reconnais pas à travers les couches du temps. Le cœur que je traverse n’est pas le mien. Je m’adresse aux rochers qui renvoient l’écho des vagues. Je parle à la mer comme le vent dessine des rides à sa surface. J’ouvre la falaise dans les mains diseuses de bonne aventure et je m’écorche aux lignes de partage qui se resserrent. 

Les gènes font plier le temps et mes tendres fils reprennent un peu de ta gouaille. J’affronte la vérité qui ne se voit pas. Nos cœurs entrent dans chaque goutte d’eau avant d’inonder la mer. Il n’y a pas plus de vérité sous ma langue que sur les étals d’un marché aux fleurs.

Tout commence et recommence par un trait. Trait d’eau et de sulfure ou trait d’union dessinant des signes d’infimes parcelles complices. L’ondulation des lignes, c’est l’alphabet primitif que j’utilise pour t’écrire.

Il ne peut y avoir de poésie qui repose sur l’existence. Nos vies sont des lumières perdues, des éclats de feu soulevant nos chairs comme le Mistral emporte les feuilles mortes. Je ne peux te voir dans le noir que lorsque tu brilles. La présence du vent dans le dos troué comme une passoire. Et puis, derrière, le vent qui pousse.

Le trait immobile retiendra l’instant coincé dans les arbres. Branchages enfourchant les langues mortes sur la broche du vocabulaire. Sur son carnet invisible, le temps a noté : « Je suis venu voir. »

Dans ma mémoire d’étranges figures demeurent prisonnières. Mon existence est submergée de souvenirs artificiels. Ils gigotent dans mon esprit comme des mirages au bout d’une corde usée. Les barreaux de fer rouillent ma langue. Je racle pourtant à toutes les beautés. Mais le temps coupe tous les liens et la beauté se fond dans la banalité. L’exaltation s’efforce de tenir tête à l’exil entre visions et reflets.Il y a toujours du courage qui s’échappe par la fenêtre. Dans le noir cassant, un filet d’eau coule derrière la machine à laver. Le cœur expulse tous les corps étrangers. Ma vie lave sans cesse le feu de ta voix. Partout, nous avons rendez-vous avec le soulagement. L’ombre où je t’attends est sous vide. 

Une bicyclette est en haut dans le ciel et des milliers de cyclistes escaladent je ne sais quel sommet. Une chevelure verte emboucane les routes. Quelque chose de ténébreux s’efforce à vouloir poser son poids sur la fragile étagère de verre où ton visage reste une empreinte. L’image elle-même soupçonne la fragilité de l’enveloppe qui te dévoile. Ma main plie la photo et ton sourire déménage dans mes veines. Ressacs d’écritures inscrites au fond des océans. Un cheval de mer sort d’une amphore. Les algues s’accouplent. La messe est dite.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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