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Bruno ODILE
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18 février 2015

Nous avons été catapultés de l’origine des âges

femme_nue_auguste_renoir_1880_musee_rodinNous avons été catapultés de l’origine des âges pour ressusciter l’héritage de nos souffles. Nos existences tissent nos regards au point de culminance. Les cimes cachent des chairs nouvelles. Nous sommes vulnérables de l’incessant renaître. Nos peaux réinventent des corps disparus. Toute vie enracine la durée dans l’instant. Pourtant, rivé à l’inconstance du temps, j’use la moelle de mon âme sur la dure dalle du réel. J’épelle ta voix, je dépiste tes désirs, je vais chercher dans l’essaim de tes choix celui qui prédomine. Il me faut débusquer les battements de ton cœur pour retrouver le lieu qui t’enfante. Dans la démesure comme dans la tempérance, ma chair se règle aux reflets de la tienne. Devançant toute séparation, refusant d’achever une enfance toujours prompte, je réanime les cendres, le magma percé d’ondes. Mes veines à nu interrogent l’intime bouillon du langage, le noyau où persiste la graine dont tu es la fleur.

Parente de la Terre et de l’univers, la vie s’invente des droits et des coutumes. Il faut tant de choses pour vivre que de ne rien avoir est le plus précieux de nous-mêmes. Mon cœur, si jeune de te connaître, surplombe l’affinité naturelle. Incessante promesse des beautés fragiles, je ne me lasse pas de boire votre lie, de me saouler goutte après goutte d’un cœur à cœur, d’un unisson organementiel où tremblent ensemble toutes les miettes de vie. Il m’arrive parfois de rêver si fort que tes fines paupières se souviennent des rires qu’elles recouvrent. Plus loin que les fontaines, de l’eau invente des cathédrales où les corps des hommes se pétrissent dans la rosée matinale. L’eau se diffuse comme un rêve assoiffé, elle coule d’un puits à un autre, souterraine et invisible, traçant des chemins qui transcendent la raison d’être.

Qu’ai-je enfanté qui ne soit moi, qui ne soit toi ? La matière se fait et se défait, ses formes éclatent, se parcellent et se modifient. Conservant toujours une part peu développée de l’origine de toute genèse. Ta peau est un ruisseau, une passerelle pour le fer brûlé et les roches mordues par l’ouragan. Nous avons apprivoisé le chaos à l’intérieur de nos existences et nous conjuguons, à présent, l’effervescence de nos sources. Nous sommes devenus la boucle de nos désirs, l’arbre témoin des saisons, l’éphémère certitude de nos capacités à rebondir. Seul, le temps emporte notre histoire dans son devenir et vers son immense dérive.

Je crie à la greffe imposée, à l’incubation génétique usurpant mon identité en une multitude de fragments. Je crie à la petite mort qu’il lui faut cesser d’envahir mon espace de vie. Je veux redevenir une fable, un conte apocalyptique, un mot couché sous la robe des heures fleuries et des jardins de métaphores. Pourtant, j’aime ta sève lorsqu’elle me rappelle la mienne. J’aime tes bourgeons sur le perchoir des vérités nouvelles. J’essaime mes terriers dans la ravine des conversations imaginaires. Je rêve d’un arbre dont l’écorce épaisse renforce la résistance, je rêve d’un bois nourri d’espoirs et cultivé dans l’enfance des âges.

Les filaments de vie se défont sous tes doigts. Tu complètes les rimes engrangées par l’herbe qui se renouvelle. Tu couronnes la mélodie des brumes se dissipant sur toutes les terres du monde. Sang greffé et ravagé par de nouveaux éclats, tu affirmes le présent dans sa tenue impérissable. Le passé larmoie quelques gouttes de poussière sous les gencives du temps, mais rien n’arrête la progression des voix neuves venues dévisager les grappes de routines ancestrales. Tu triomphes de la musique antédiluvienne, les sons que tu développes orchestrent tout ce qui te précède. Dans une connivence fusionnelle, ta vie instaure les nouvelles fibres et progresse dans l’onde joyeuse des jours à venir.

Je n’arbitre rien, tout s’écoule sans que je ne parvienne à défier l’horizon. Tu es le point de recentrage de tout avenir et moi, je suis devenu le poids du passé. Je ne progresse plus aussi vite, je vieillis. Mes conseils n’ont guère plus de prise. La juste opinion de mon cœur prend la relève. Gorgé d’éclats, je le fus en mon temps. L’axe a tourné et à présent, je cohabite avec les buissons d’une pensée révolue. Mais, la vie m’a appris que nous avions tous l’âge de nos émotions et ces dernières demeurent d’une éternelle jeunesse. Je n’ai pas lâché ta main, j’ai juste changé de cap : le mien descend alors que tu montes. Ta course vers le firmament s’est amorcée dès tes premières heures et c’est à ton tour de poursuivre les étoiles jusqu’à leur éclosion subliminale.  

Ma maison s’est remplie puis vidée. Aujourd’hui, les murs conservent les ondes qui l’ont fait rayonner jusqu’au zénith. Des grappes de lueurs éclairent encore l’espace que j’occupe. Des mouettes, sur les pourtours du ciel, chantent la mer qui s’est retirée. Quelques algues séchées, accrochées aux rochers, conservent la mémoire du sel à la surface des profondeurs marines. Le souvenir de tes joues empourprées d’enfance rejaillit sur le coin de mes sourires. L’hirondelle s’est greffée aux saisons qui s’évadent et chaque fois que je la vois traverser les nuages, j’imagine ton visage de poupon.

J’aimerais retrouver le silence comme on aime regagner le sommeil (avec des rêves heureux), au-delà des images heurtées que véhiculent les phrases du monde, et ne retenir que des mots dans leur autonomie et leur bienveillance. Des mots qui sautillent, se chahutent, se percutent gentiment, s'entremêlent amoureusement, loin de la folie des humains ; ces mots conscients de leur connaissance et porteurs de tant de force et de grâce.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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