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Bruno ODILE
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22 février 2015

J’accoste à l’énergie désaffectée.

Hot_Classic_Naked_Woman_Oil_Painting_withLa faille n’est pas ici. Tout ce qui s’effondre revendique l’éruption soumise de la terre dans son épreuve de gonflement. Les racines boursouflent toujours avant d’éclater pour soulever le sol. Un instant, je suis le feu dissimulé dans mes entrailles et un autre, je suis l’effusion de peaux mortes jaillissantes. Dans mon corset de deuil baignent de blêmes mémoires, des terrains vagues décapotés d’exigences sournoises. La gratitude ne vient qu’après. Je salue l’abondance des orages semant la pluie multicolore sur les routes aux totems encombrants. L’expérience de la fragilité partagée permet l’agrandissement de la condition humaine. Je crois indispensable de prendre acte de ses faiblesses pour être en mesure d’aborder une forme de sérénité. La cruauté de l’existence ne réordonne pas le néant mais le recompose. 

Certains événements transfigurent le vol léger des oiseaux. Le vent devient lui-même un projectile. Il saisit au vol la pâte de la matière en détresse encore fluide. Ce qui est de prime abord impalpable se transforme en mottes blanches dans la nuit perdue. Flagellé de rêves charbonneux, je tisse moi-même l’épuisement du corps et de l’âme. D’un triste bonheur, j’adhère au détachement des heures sans âge, j’abdique au sans effort, j'efface ce qui se réfléchit sur la cornée des galaxies intérieures. Je meurs d’une existence toujours verte refusant de mûrir.  

Le corps n’oublie rien du profil de la première heure. Ce qui se désarticule sur l’horizon percé abonde par les mouvements de la sève ascendante. L’heure est définitivement irréelle. Le temps immatériel sonne les cloches des cathédrales effondrées. Je suis né fils des routes effilées et ma main partage l’onde engagée sous les draps de la résurrection. J’ai le mal du pays lorsque les heures démantèlent des frontières nouvelles dans le brouhaha incessant.

La tourmente et l’apaisement sont deux fruits inséparables. L’instant immédiat n’est que le brouillon d’une haie inachevée de pierres creuses. Je dépends de mes pensées plus qu’elles ne m’appartiennent. Devant l’obstacle envoûté d’instincts batailleurs, je suis un platane dont la sève a rectifié le trajet sans dépouiller tout le ramage qui chante dans le vent. 

Je croyais, comme tout le monde, que la force invisible de la vie se résumait par le froissement des préjugés et des peurs incontrôlables. Que nenni ! Trop de lieux insondables trahissent la langue maternelle du brouillard. Trop de rêves esseulés viennent piller la gourmandise collective. Une beauté surhumaine s’empale sur mon cœur trop chaud. La mort a mesuré mille fois mes cendres. Il y avait un monde avant la musique et l’orchestre des forêts jouait déjà le La majeur des verdures inaugurales à la joie. Ma nature est survoltée et les violons tombent des branches secouées par l’orage. Une pluie de cuivre s’abat sur le sol désemparé. 

Ce que je pense me dépasse, m’étourdit parfois et m’inonde de clartés diffuses. Je suis à cheval sur le vent qui décoiffe l’horizon et en équilibre sur le qui-vive de la lumière qui opère des trouées blanches au noir mortel de la raison. Je suis le soleil de minuit pour l’oiseau en larme cherchant son nid. Je vis un temps dans la sueur des salles d’opération. Mon corps sous la lampe et moi en amont des dérives, sur le pâle chemin des clameurs anciennes. La détresse n’a pas de fond, elle grossit dans un face-à-face avec nos ombres cahoteuses. Mes pensées sont le miroir consentant d’un monde dont la grandeur m’exténue.  

Coupé de moi-même et en moi-même, ma chair revendique ardemment la suture afin de ne pas s’éparpiller hors de sa structure élastique. Si je ne pouvais montrer mon profil droit, je présenterais l’autre. Je suis partagé entre le silence d’être et le jaillissement du verbe. En ces lieux perdus, l’arbitrage est la panacée de l’audace. La rigueur de l’existence doit pouvoir se toucher afin de se concevoir palpable. Tout ce que j’ai abandonné, je l’ai laissé dans un clair vivier de vagues blanches, sur les ailes de sel trafiquant l’émulsion nouvelle des étoiles. 

Je sais ce que je n’ai plus, et cependant tout ne se voit pas à l’œil nu. De grandes falaises abruptes se dressent contre les parois du jour. Dépossédé de toutes les aubes inconséquentes, je danse au cœur d’une veillée brouillonne. Je m’accommode de l’écart, du grand écart avec le vide où je glisse, je roule et j’accède. La marge est épaisse, elle déjoue les frontières de l’esprit. L’antidote s’écrit naturellement au fond de chaque être. L’utopie n’est pas le remède miracle, mais elle atténue le choc frontalier avec la réalité. Le présent se diffuse dans l’heure cerclant la mort présente de toutes choses. Je n’échappe pas à la relativité dans laquelle se dissimule la gravité pudique de la dispersion. Au-dessus du noir, le piano du vertige récite des gammes aussi blanches que le cartilage de l’enfance éternelle portée comme un berceau au-delà de l’horizon. 

J’accoste à l’énergie désaffectée, au naufrage des âmes remodelées par l’étreinte des ondes qui tissent les rêves en émulation dans le sang de l’existence. La mort n’est qu’une vision péremptoire du détachement, du laisser-aller qui désactive la conscience de faire et d’être.  

Dans mon cœur, une poupée morte gesticule quelques ronds de pied. Un théâtre à cordes colonise les voix qui prennent appui sur le sensible cratère des pages tournantes. Par moments, je rêve seulement pour rêver. La lune n’a qu’à bien se tenir ! La réalité déjante tous les espoirs d’une vie meilleure et les heures sont surréalistes. Une liberté frondeuse caresse les songes dictés par la matière palpable. Ma peau récite les doubles voyelles d’une orthographe enfouie aux veines des émotions en souffrance. Aux gorges des flammes, des cerceaux de syllabes s’étouffent dans la fumée. Je suis infiltré par la rumeur poursuivant mon corps idéal. L’instant, dans son excès de turbulences, prône la défectuosité du temps. Insalubre, l’heure monotone explose comme une grenade trop mûre.    

Après la déformation, on ne redevient pas celui que l’on est dans le silence transparent des gelées matinales. On persiste à se déployer au cœur de l’empâtement des buissons spasmodiques et des métaphores fulgurantes. On ne recommence rien, tout se passe à la source cinglante de la vie associant le hasard et l’irrésolu. Rien de ce qui a été n’est jamais totalement perdu. Rien n’est hors champ dans la fuite. Au contraire, tout se livre nu d’une berge à l’autre. J’intercède entre le corps et l’esprit pour sublimer l’infirmité du temps ordinaire. Tout ce que la vie nous ôte se redistribue dans la circulation de l’énergie pure, dans un horizon ivre de son propre vide. On ne peut pas se renier à tour de bras sans aggraver la négation de l’espace perdu. Une mère ne peut pas abandonner ses enfants quels que soient leur désobéissance et leur entêtement. Le lien avec la communauté des hommes ressource les lieux désespérés et je suis littéralement envahi par l’héritage acheminé depuis le commencement du temps.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Merci pour ce commentaire à propos et si bien dit..
L
A mon tour de rebondir sur l'une de tes phrases : <br /> <br /> <br /> <br /> "Même si l'aube veut taire l'absence, les draps du passé ne sont pas repliés." <br /> <br /> <br /> <br /> L'absence se réfugie volontiers dans les profondes rumeurs de son cœur, elle assiège le temps réparti en fragments d'osselets poussiéreux. Le passé n'a de cesse de se replier, il est lui-même un présent sur le qui-vive, une larme de lumière au fin fond de la nuit. Sans l'expérience du temps, nous ne serions que des lambeaux vides éclatés dans l'abîme. Mais, la mémoire nous trahis, nous émergeons de la fosse de nos sentiments et réinventons le monde afin qu'il nous paraisse plus doux et plus acceptable. Nous sommes l'illusion même de notre réalité.
S
Sur cette phrase relevée dans ton premier livre :" il pleut des courgettes sur l’œil troublé de mon jardin", j'ai écrit ce texte avec mes modestes mots..<br /> <br /> Merci d'être parfois ma muse. .-)<br /> <br /> <br /> <br /> Les Absents<br /> <br /> <br /> <br /> Dans les couloirs de nuit je déambule<br /> <br /> Quand la nostalgie se vêt d’un carcan<br /> <br /> Je reste debout tel un somnambule<br /> <br /> Qui lit sans cesse le même roman<br /> <br /> <br /> <br /> Sur le trottoir de l’ombre le silence<br /> <br /> Picore sans faim les pleins et déliés<br /> <br /> Même si l’aube veut taire l’absence<br /> <br /> Les draps du passé ne sont pas repliés<br /> <br /> <br /> <br /> Les fenêtres claquent dans la mémoire<br /> <br /> De sa main décharnée le temps écrit<br /> <br /> Les complaintes où se loge l’histoire<br /> <br /> Pour se souvenir que rien ne finit<br /> <br /> <br /> <br /> Et toutes ces voix et tous ces visages<br /> <br /> S’agrippent à l’écorce des matins<br /> <br /> Leurs histoires posées sur les nuages<br /> <br /> S’égouttent sur le jour tel un crachin<br /> <br /> <br /> <br /> Mes pensées errent dans le cimetière<br /> <br /> En voulant retenir l’inachevé<br /> <br /> Pourtant le vent connaît une clairière<br /> <br /> Où déjà des rameaux de vie sont nés
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