Aux creux de l’ombre muette
Je suis l’onde couvrant la surface liquide
Je suis le relief frissonnant de ma silhouette
Et le marteau qui frappe l’eau comme un tambour
Je marche d’éclat en éclat
Sur les vitraux illuminés par le chant mélodieux
Du voyage incessant
Où la présence se noie à la seconde infinie.
Flash, virgule, radar,
Un sceau de lumière gicle dans ma brume
La grande braderie de l’imaginaire
En retrait des forêts anciennes
Saigne encore de son abondance folle
Elle dort dans mon sommeil de zombie
Elle chante dans mon sang
Jour après jour
Sa pelletée de survie
Ratisse le ciel, détrousse la terre
Etrangle les mouettes empilées
Sous la couette des arbres
Que le vent efface d’un geste
Terre kaki, jus de l’aube sur le tapis,
Zone d’ombre sur l’écran de la lumière,
Mes yeux sertis de songes inavouables,
Je pétris le matin qui couve
Dans la ouate de mes tentations
L’éveil de la beauté sature l’idée de chaos
Pourtant indissociables
Pourtant unies dans la terreur du meilleur.
L’humeur du jour
Sait l’arrière-monde qui l’envahit
Mon regard a le goût prononcé
De la lumière et de l’eau éclatante
Lorsque rugit l’éclair dans le sombre ciel
Ma main caresse le vide
Où naîtra la pluie
Mon corps brille sur le rebord de la fenêtre
Le teint glacé et le sourire givré
Renaissent aux souhaits des vagues
Et ma bouche de sable
Laisse s’évader quelques algues
Du grain soluble vibrant à l’unisson
Du reflux vivant des profondeurs marines
Ni joie excessive, ni folie printanière
Juste l’étonnement d’être toujours là
Présent à la ligne d’horizon
Constant dans l’imaginaire du réel
Libéré de l’empiècement du bulbe cosmique
Détaché de l’architecture gazeuse
Déboulonné de l’essieu du temps
Combien pèse un silence
Dans cette mer de poussière d’étoiles ?
L’immobilité rampante est affalée sous le ciel grave
Aplatie par une gravité lourde d’émiettements
Je meurs chaque jour du renaître
Dans le sans limite désordonnée de la terre
Je me vide de la mort
Mon jus, mon sang, mon essence
Gobés par la nausée de l’impermanence
Inhalés par la fuite en avant
Qui me laisse, toujours, derrière
Catapulte de banales contemplations
Mon cœur isolé de l’ordinaire
Rebondit sur l’irremplaçable vide
Une masse de vapeur arpente le monde solide
Gambade entre la morosité
Et l’envie de jouer à saute-moutons.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©