Aux creux de l’ombre muette.
Ma mémoire vive court dans les ruisseaux
Mon cœur s’accouple aux sous-couches de la neige
Aux étendards du vide, aux éclaboussures du bruit
Il chante ses blessures sur le fil d’une rime inachevée
Les heures se défont des amphores d’argile
Et les potiers enterrés sous la chair
Pourfendent la légende humaine
Je suis seul, couronné d’un halo de lune,
Dans la violence et la tendresse
Des heures remplies d’odeurs concrètes
Sous la mousse déracinée de mon sommeil
Je suis seul comme un agneau
Privé de mamelles accueillantes
Cherchant le lait des siècles
Garder le cap, conserver la ligne aussi droite que possible
A l’envers d’un monde perdu
Je feuillette l’abstrait oubliant la brièveté du temps
La force du jour est fragile et soumise
Je deviens ce ver glauque dans le fruit mûr
La cendre dans la lumière gorgée de sens éteints
J’écope la volte-face de la semence
Entre les cuisses nues de mon devenir.
Et puis, un jour parmi l’encre collée à ma peau
Je m’élancerai vers l’amour, je m’arracherai aux souffles
Pour aller à la rencontre, pour ouvrir mon corps
Aux allées de lumière, à l’ordre des serpillères
Epongeant le noir dans la mêlée d’allumettes
Resserrées dans la boite à désirs
Je marcherai à l’intérieur de mon sang
Comme un seul homme, comme une main ouverte
Comme une toupie folle dérive des frontières
En fracassant les limites conditionnelles du sentiment
Bourgeonnant dans la profondeur implacable
D’une graine plus solide qu’une forge à émotions
Aux frontières immatérielles des abysses sacrées
Âme et cœur réunies dans l’embrasement
Je n’ai pas trouvé de morale saine pour préserver
La conversation que j’entretiens avec la fissure de ce monde
Extrapolation, flou, nausée,
Tout est flou dans ce jardin de pierres
L’ambiguïté tranchante des ressemblances
La voix comme les voix
Le regard comme la chose vue
Le visage comme la face déracinée de soi
Serais-je encore d’âme et de fer ?
Aux fuites d’éléments s’ajoutent la convergence
Ce radeau commun
Ensablé sur la berge sauvage
Laisse entrevoir le désir supplémentaire
Le manque déferlant où l’infini se répète
Cette dérision où l’éternité se substitue à la matière
Ces frémissements du corps
Ce langage invisible que la vie traduit du silence
Quand la nature s’emballe.
Une armée de rêves jamais réalisés
Est en faction sur la ligne imaginaire
Où de fausses luttes jouent aux soldats
Le plomb est resté sur le blanc des nuages
Mais, les troupes s’en sont allées
L’actualité est solitaire comme le ver sous l’écorce
Je pique du nez et l’espoir mendie aux souvenirs
Le temps heureux des jours ronds d’une idée vivante
Demain, mon crâne et mon ventre danseront
Dans les sentiers raccourcis
Comme une légère fuite de gaz
Alors, j’aère mes pensées dans le grand incendie
Où probablement je ne survivrais pas.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©