Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Bruno ODILE
Archives
Publicité
Bruno ODILE
Visiteurs
Depuis la création 46 183
Derniers commentaires
1 avril 2015

Mes yeux sont des aventures où je touche la durée.

images4AZKL9PDCe que je voudrais te dire tient là, dans le fond humide des yeux lorsque je hurle en silence la vie qui sort de mes décombres. Quelques gouttes de bruit bavardent encore là-bas sur la colline. Il pleut un silence bavard. La mer ne se mouille pas, elle se gonfle et se multiplie.

La survivance est une parodie d’ombres muettes. Mon théâtre de mots ne fait que soulever les taches sombres enracinées aux profondeurs des chairs.

Je te crie d’une parole exilée et blessée, infirme de la clarté du début du monde. Rien de moins. Pour qu’une plainte tienne debout, il lui faut trouver sa place. Une chaise retournée s’appuie à la table. Si je parviens à la substance de ma mémoire, je serai passé de l’autre côté. Sur la face claire du ciel qui plonge dans ma bouche. L’air est sur les deux faces du papier. L’écriture, elle-même, est un déplacement. Je te rejoins en amont et coule avec toi. Je te transporte par la pensée. Je t’accompagne jusqu’à la terre que tu ne vois plus. L’air est un mur. Dehors, le bleu éraille la voix. Dedans, je suis avec toi, plus haut. Et, si tu ne m’entends pas malgré la grêle qui s’abat dans mes veines, je poserai ma langue dans un recoin de nuit comme un rideau se tire, comme une gifle laisse sa trace sur le calme qui n’en est pas. Sur le bord de la fenêtre, un moineau égaré n’osera plus s’envoler.

Parce qu’après la chute, l’altitude force les voix à rejoindre le souffle. Parce qu’après le vide, l’air navigue dans des sphères plus profondes. L’absence a fini par creuser des sillons de sel et d’épines. Mes lèvres couleur sanguine se ferment sur ton vide. La pluie tombait, un jour de décembre. Nos sacs étaient trempés. La fenêtre calfeutrée obéissait à la pénombre. Je me souviens du bruissement d’un drap blanc et froid. Tu as dû avoir si soif. Le ballet de blouses blanches meurtrissait davantage l’heure qui nous dévisageait. Dans ta chambre, notre mère figée comme une bougie essayait de maintenir un peu de lumière. J’ai pris ta main inerte, et je t’ai glissé à l’oreille quelques mots sans résonance. Ton corps n’a pas bougé. Tu dormais.                                              

La nuit n’a pas d’angle. L’ombre est ronde, elle roule sans vacarme d’un lieu à un autre. Il est des heures qui se brûlent dans le noir sans la moindre étincelle.

Une seule droite, unique. La courbe étirée de tes lèvres. La rivière infranchissable de cette pulpe rosée.

Viens, ne nous cachons pas sous les arbres. Dehors, la fontaine de la lumière coule à flots. Nos voix sont debout, dans l’éclaboussure fraîche des mots printaniers. Ceux qui soulèvent ta jupe et dégrafent ton sourire pour les ouvrir comme des bonbons que l’on défait de leur papier.  

Le jour se façonne. Des graviers sur le chemin crissent sous nos pas. Mon cœur sur ton épaule, nous traversons la campagne. Du raisin et des champignons encerclent l’air qui nous entoure. Prisonniers dans la parenthèse que nous dessinons. L’aube sera goulue, nos désirs insatiables. Nos racines ont des ailes. A perte de vue, à perte de chemins, nous ensemençons le soleil, qui nous le rend bien. Tu es venue et tu repars. Ouille ! J’ai une ecchymose du côté gauche de la poitrine. Vais-je pouvoir me suffire de toi dans mes entrailles ? Tu fleuriras, quoiqu’il en soit, comme un trèfle à quatre feuilles sur la route solitaire. Et, je te froisserai pour que ton parfum continue à m’étourdir. Je t’avale comme une bouffée d’air pur. La blancheur coule dans mes chaussures. Je te rejoins, même ailleurs. L’amour n’est pas une sécurité, c’est un absolu inatteignable. M’en fous, j’y serai. M’en fous, mieux vaut viser l’irréalisable que de vivre d’excipients. Une fleur m’accompagne, rouge comme ta mort, blanche comme une étincelle.

Il m’aurait, sans doute, fallu trouver dans la survivance que tu m’as imposée, d’autres sources et d’autres forces pour combattre ces heures défoncées.

L’existence cède à l’abus des cœurs retissés. L’affrontement, maille après maille, défait le réel. Et, je meurs mille fois à te survivre dans l’arrogance du temps. 

Ce n’est qu’aujourd’hui que l’acceptation de ton départ devient une nécessité. Tant de bruits occupaient le silence. Tant de cauchemars se livraient au chaos.

Lorsqu’ils seront partis, lorsqu’ils seront redevenus poussière, je veillerai à nouveau dans ma nuit, à la lueur du sourire de tes lèvres, à cette lanterne rose qui retient ta lumière. Ma nuit est un temps imaginaire où reposent les gestes accomplis dans l’éclat du jour. Un instant saisissable cloque sur l’ombre et projette je ne sais quoi de perceptible. Mes yeux sont des aventures où je touche la durée. Mes mains se posent où s’écoule la matière. Je m’achève dans l’éternité qui s’enfuit, me dissipant avec elle. Et je retourne bien vite sous la couverture qui cache la nudité du monde. 

J’ai vu tant de choses brisées. L’œil fragile perçoit une luciole dans l’égarement acharné de ta perte. Le blanc total repousse les frontières de la déconvenance. J’ai vu, dès l’aube empourprée, l’éclatement de la lumière insoutenable aux regards. Mes lèvres, au loin, dans l’azur, ont touché les falaises décrépites où se jettent les ruines des squelettes délaissés par les yeux. 

J’ai cru à ces mirages étoffés de pieuses et sordides morales où le parce-que n’est que parade. J’ai cru à ces frondes tourbillonnantes issues de révoltes impétueuses fondées sur la contradiction des choses établies. Je me suis allongé sur des soirs déserts de vie ou la nuit néanmoins parturiente s’embrase sous les palpitations des souffles inassouvis. J’ai vu ce miroir sans tain où se gravent les images sèches qui s’échappent des pluies sans eau. Et des milliers d’orages secs ont débordé du vide.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Il y a des trésors à trouver si on fouille tes décombres ... Amitiés.
B
Pique et pique et colégram... <br /> <br /> Merci de ta lecture.
L
Tes mots me piquent les yeux...
Publicité