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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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3 avril 2015

Toute l’ombre parle de toi.

images5RLPENMUJ’aimerais pouvoir te dire que le passé d’où je t’écris est désert. Pleinement désert. Qu’il n’y a plus rien et qu’il n’existe plus que ce présent que je t’offre. Mais j’aperçois dans les courbes d’hier des miettes encore atrophiées et anémiées. Des sanglots et des convulsions irrémissibles. Des souffles silencieux écrivent sous la terre, plus bas que les racines et les veines du temps.

Dans le nu étonné de la mémoire des pierres, une poudrée de l’intérieur du jaspe, une argile sédimentaire où l’infini a fait son nid. Et, je n’écris plus que le silence qui rêve. Et, je te livre les derniers remords comme une délivrance, je te dévoile leurs dernières gouttes surannées parce que dans cette chambre éteinte et parfumée se cachent les dernières bourres du regret. Le chagrin fait bourgeonner le miracle où se penche l’odeur d’une naissance. Du talc et de la pommade cicatrisante. Ce que j’écris est dans les parois de l’air. Là où ton absence est lourde comme le monde. Ton règne est la balafre de mes rêves. Une longue ligne écharpée traversant mon cœur. Tu es debout dans mes yeux et tu me regardes.

Hier, c’était toi dans la blessure. Aujourd’hui, tu tapisses ma respiration comme une odeur de lavande où vont danser les abeilles. Du miel jaillit de l’outre-tombe des mots et des écritures. 

Tu es ma voyante-veilleuse depuis le germe du jour jusqu’au bout de ma mémoire. Un fil, un souffle, les battements de nos cils ajoutent l’émotion transfusée d’espérance à chacun de nos partages. Nous mûrissons de la grappe fragile où chaque parole devient un port, une allégeance fraternelle, un goutte-à-goutte de fidélité. Et nous voyageons dans le mot, tel des comparses joyeux que nulle altitude n’effraie. Bientôt, nous plongerons dans l’avenir pour lui dire le fusain de nos voix rassemblées en une chapelle de craies douces.

Au sommet de ta bouche, le jour s’avance comme une lumière pliée entre les pierres, ruisselante parmi les fleurs et l’herbe sur le talus qui nous fait face. Le jour trottine doucement dans le repli du monde, il se glisse dans la pénombre comme un trait de sirop se dissipe dans de l’eau fraîche. Il dégrafe la poitrine des heures où roucoulent en cœur les vastes bouffées du soleil. Seul le temps des hommes nous sépare. Partout, des chaises vides se démembrent et tombent comme des graines échappées du silo de nos tendresses. Des voix anonymes chantent avec le vent, elles dénoyautent l’impalpable semaison de nos entrailles. C’est dans ce brouillard d’airain où se cachent nos craintes, dans ce pastiche épais comme nos murmures muselés que lentement nous décollons de nos empreintes.

Nous étions prêts à croquer le verbe « aimer » à contresens, dans un alphabet morse et inepte. Et, nous voilà à déraisonner à partir de la plaie qui fourche nos langues. La chair impotente est néanmoins tendue par l’émotion qui nous domine. Il faut croire qu’elle se souvient par-delà ce qui la ronge.     

Au creux de notre union, c’est de l’autre que vient la délivrance. Sous la vapeur du fer le regard plie dans le souffle. Tout change sans arrêt. Pour aller de la route à la providence, l’herbe suit son chemin. Les oiseaux accompagnent le ciel qui craque comme une charpente  de bois sous le poids de la neige. Refoulé, d’une enfance sans âge, je me livre où nous mourons tous. C’est-à-dire dans les serre-joints d’un amour encore plus fragile et plus délicat. Je vais te rechercher jusqu’où me porte le regard. Derrière la nuit fermée à double tour. Derrière le rêve qui passe sans cesse entre mes doigts sans me détruire.

Ici, l’œil de Caïn pleure du sang. Il arrache à la sueur de la terre le parfum de la corde où nous sommes suspendus.

Le mot qui souffre de ton absence ne peut se mettre en terre. Pour lui, le voyage est définitif, et sans retour. Il va de bout en bout dédicacer les torpeurs environnantes. La matière ne sait se défaire autrement. La putréfaction qui guète trouve dans sa dissolution la grande mangeoire où s’étiolent nos sens. Mais, après la déchirure et la perte, nous nous retrouverons pour ne plus jamais nous séparer.

Restons ensemble. De l’autre côté du Rhône, le vent fait chavirer la croix inscrite dans le creux de ta main. Revenons à pas lents vers la colline berçant les cigales. Chuchotons tous deux le bruit des branches de pins qui se balancent. Ne reculons plus derrière l’air qui ne fait que parler. Restons ensemble. La mort ne nous appartient pas. Nous entendrons claquer la porte. Restons ensemble avec cet amour que nous avons appelé homme - femme, cerceau de vie élastique.

Nos pieds touchent le plancher des vaches et nos têtes sont dans les étoiles. La nuit est sans caprice et le noir s’emmêle à l’audace de nos cœurs qui relèvent la tête. Pour nous séparer, le monde réel n’a qu’à se joindre au feu qui ravage les collines. Nous comprenons que le silence nous réclame puisqu’il bat au rythme de notre pouls. Et puis ce vent insatiable, insaisissable, ravive l’éclair de chaleur qui déchire le ciel. Mais restons ensemble dans la crypte du jour. Courons dans la clairière entre les chênes et les bracelets d’ombres qui nous protègent. Il nous faut manger à la lumière tout l’inutile qui l’a fait éclater.  

Marchons doucement dans la fin du jour. Nos pieds posés sur des bourrelés de coton hydrophile. Dans ce bosquet de noir, c’est toi, autant que la mort. Alors, descendons mains dans la main jusqu’à la plage et traversons la mer. Allons sur l’autre rive. Il nous faut quitter le sol pour voir la terre sous nos souliers. Tu t’es brisée au fond de moi comme une vague tombe sur le rocher. Je perçois des chuchotements sur les lèvres pierreuses où le jour s’enfonce. Nos cris croisés s’épongent de l’affection qui nous unit. 

Nous avons connu la descente aux enfers où l’omnibus ouvre ses portes à chaque arrêt. Dis-moi quelque chose, ne laisse plus crisser ta voix sur l’horloge métallique sans que le doux murmure de la grande aiguille ne bouge. Après la vie, c’est la passerelle des ondes. Que veux-tu, il n’y a plus de lumière et les rails poursuivent l’infini jusqu’aux seuils de nos peaux. Dis-moi, encore un peu, la java des mots sortant de l’accordéon des ombres. Viens, retournons sur la colline cueillir les flammes de nos rêves anciens. Ramassons ce bouquet de clarté laissé sous les pierres. Oublions la nuit dans son coulis de braises. Sortons de cette chambre obscure et laissons rouler le sarcophage des saisons au-dessous des arbres qui n’en finissent pas de se dépouiller.

Le regard de la tristesse finira d’exister dans nos cœurs. Marchons sur l’herbe sèche et puisse le poids du vide remonter jusqu’à nos narines.  

Dis-moi quelque chose. Toute l’ombre parle de toi. J’ai le son de ta voix à portée d’oreilles et je n’entends plus que le bruit d’un cimetière au fond d’un coquillage. Reprenons le voyage où tout passe si vite. Un immense désert s’est endormi sous nos paupières. Je ne vois qu’une immense ligne droite pour abriter la peine. Des serpents et des démons valsent au rythme du silence. Une impasse paisible se dérobe dans les nuages, la peau de mon cœur déambule sur les trottoirs et elle s’épluche comme un oignon tendre. 

Tu t’en vas et tu laisses mon ennui se faire dévorer par la fosse du chagrin. Pourtant, mes yeux conservent la trace du printemps. Dis-moi quelque chose. Il est si bon de t’entendre et il nous reste si peu à présent. Les reflets du gaz dans la boue se sont éteints. Je ne trouve rien d’aussi contraire à la joie que mes larmes lorsqu’elles jouent du tambour à tue-tête. Alors ne dis plus rien, tais-toi, je ne peux plus t’entendre. Mon cœur solitaire jongle avec l’allégresse des taillis d’herbes fraîches, rasés de près. Il joue de la harpe exacerbée d’arpèges doux et désormais c’est avec tes doigts que j’effleurerai les cordes.

Mon corps envahit mon âme et il faudra toute la liqueur de tes yeux pour parvenir à déloger la révolte de mes troupeaux d’inimitié et de rancune. J’habite l’ailleurs comme ma propre maison et si mon parfum te transperce, c’est que le couteau de mes Barcarolles est bien affûté. Mon cœur brûle comme un feu de la Saint-Jean et toi, tu danses tout autour en buvant mon sang. Tes yeux sont la clarté de mes braises. J’y consume jusqu’à la dernière miette de fumée, pliée dans le verre où je m’abreuve encore. Le feu et l’eau sont ce mariage que les rêves attisent pour donner à la flamboyance ce goût de fer et d’acier qui se décharge en un éclair comme une foudre tonitruante.

De ce tonnerre là, nous savons le bruit. Et dans les fontaines du ciel notre sommeil abrite un million d’étoiles anonymes. Un cocon de soie abrite la saveur inaltérable.

Faut pas gâcher la vie, faut pas gâcher l’amour. Sur la peau comme sur le souffle éphémère de l’existence, nous apprenons à dépasser la langue maternelle.Il nous faut surseoir la détresse des déserts inconsolés.L'éclair joint le feu à la source et nous sommes pareils à son jaillissement.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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