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Bruno ODILE
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30 avril 2015

Un jour viendra où le cri sera le voyage. Où la

images8E9NG2FLUn jour viendra où le cri sera le voyage. Où la révolte ne sera plus une opposition ou un refus, mais une simple tournure de sens, une fatalité mûrie par l’acceptation dynamique. Un jour viendra qui ne demandera rien aux autres rivages. Le puissant moule de l’existence ne peut être refoulé de toutes parts. La joie n’est qu’un attribut, pas une machine infernale pour diriger nos vies. 

Je serai apte à la jovialité ambiante lorsque, calme et attentif, je prendrai pour argent comptant la délicieuse liqueur qui coule dans mes veines. Je réplique à mes lignes de fuite par des mouvements d’amour vers la vie. De chaque blessure naît la connaissance et lorsque l’air suffira à me contenter, l’amour de la vie augmentera le bosquet fleurissant dans mes entrailles. Un jour suffira pour que je bascule de l’irrésigné à la pleine brassée apaisante de l’insoumission joyeuse. La pensée rationnelle sera alors vaincue par la sensation de vivre.  

Je poursuis une marche sans distance. Je reviens d’un sommeil sans clé, d’une parure carcérale où la douleur grappille aux bourgeons de la guérison. Par ses failles cachées, mon corps vomit l’intolérance du chagrin de ses plaies mal refermées. Le Moi flottant à tire d’ailes, les escarpins de l’été s’embrouillent volontiers les pieds avec un purgatoire existentiel. Dans ce jeu de vie, à l’étroitesse des vices et des vertus, je m’oblige à fréquenter la routine des hommes. Je capuchonne mes hochements de tête, j’épouse les habitudes, les plaisirs et leurs travers. Je prolonge l’ambiguïté humaine, la vanité et le fanatisme du glas sinistre de la déception, de toutes les déceptions. Qui serais-je donc si mes poumons refusaient la greffe renouvelée avec les cataclysmes permanents ?

Mon âme est un désaveu du réel et, en même temps, une continuité imputrescible de la seconde écoulée. Grande meule et petite gueule réunies, je pense sans réfléchir, aussi. Je suis immergé dans une pesanteur qui me colle au sol. L’heure rêvée maintient à peine la charge ordinaire où s’éternise l’insatisfaction. J’ondule avec l’espoir chaotique de parvenir un jour à défricher l’hallucination qui me maintient aux portes de l’écluse du hasard heureux. Plus les secousses de l’existence sont violentes, plus s’efface l’image que j’ai de moi. Les coups du sort grêlent mon esprit. Ma conscience s’égare entre résignation et colère. J’aboutis aux sens issus de ma condition. Mon présent chevrote et la déception se cambre comme une jument effrayée. 

La part de larmes qui n’est ni une eau tiède salée, ni une rincée d’amour-propre désavoué, retentit sur les joues du monde. L’instant est là comme une nuée de papillons multicolores. Dans la lumière close s’ouvre à moi une trainée de crevasses dont l’appendice s’évapore. Ma vie boit à la coupe de l’impermanence, je ramollis d’une attente et éructe d’une autre. Je recouds mes rêves avec le fil que j’extirpe de la mélasse et je feins d’être dans le regard que je m’accorde. J’apprends la terre par ses secousses et je me livre à la paix connaissant le prix de mes querelles. 

Je suis né d’un progrès, d’une avalanche de mensonges incohérents, d’une évolution prisonnière de l’extorsion d’une grandeur. Je n’attends pas la mort, je la fabrique chaque jour. Je survis dans l’heure qui s’émiette. Il ne suffit pas de sourire pour être gai, il ne suffit pas de vivre pour rabibocher la folie de ma camisole de sens et de devoirs. Je viens de l’impensable et me prépare à y retourner. Je me déboutonne dans le rire comme se déchire la voile d’un radeau de cocagne. Je suis aux pieds de la lumière comme une visée écorchée par l’éblouissement. Chaque défaite est une angoisse enterrée, chaque prison rassemble l’épreuve dans un lieu unique surdimensionné. Axiome éperdu : la joie est le tremplin de la vérité, et la vérité est le miroir de la joie.

Ce matin, je cours après le chant de l’oiseau qui fait se lever le jour. Entre la cohue de mes idées et le volatile perché, je ne sais sur quelle branche s’envole une dérisoire pudeur que l’aube soulève. Je ne sais qui je suis par-delà le saut du jour. Mon sang est un goutte-à-goutte aux prémices de l’aurore, mon cœur de joie s’enivre à la rosée. Chaque matin me pardonne toutes les plaies de la veille, chaque brassée de lumière, encore pâle, rebondit sur mes pupilles et rien ne ressemble plus au jour qui se lève qu’une prière joyeuse empourprée dans le recommencement naissant. Ce qui nait dans mon regard réinvente la brise caressant les arbres. Des larmes coulent sous la taie de mes yeux, elles emportent vers la mer tous les reflets qui m’inondent.

Je cherche le ravissement des sources claires, des lambeaux d’air qui chutent après la respiration. Je n’ai pas de temps pour éteindre l’incendie de mon cœur et je m’étouffe d’un regard asséché. Il n’y a pas de rives salutaires pour la truite qui remonte la rivière. Il n’y a pas d’aventures sans l’esclavage des tourments. Si loin des domaines à pétrir, l’onde qui rutile à la surface des choses n’est autre que le reflet d’un mauvais miroir. La pierre qui tombe dans l’obscurité du lac est excentrique. Plus l’eau est profonde, plus l’oxygène met du temps à remonter. Dans sa beauté sans tête, le soleil se démarque du jour qu’il fait naître. Son plaisir, il le partage avec la lune lorsqu’elle s’essuie la face sur ses fuseaux brûlants.

Je suis assailli de tous côtés par les fantômes de la culpabilité. Mon éducation qui jusqu’à lors me servait de plate-forme, me retient prisonnier dans les parenthèses normatives du bien et du mal. Le reproche tendancieux coule comme une fontaine sur le dépit qui m’encercle. Je n’ai d’autre choix que de noyer la bravoure consciencieuse construite avec les remparts qui me séparent de mon imaginaire. Plus qu'une simple timidité étriquée, la phobie sociale est une véritable maladie.  

S’il-vous-plait ! Ne me montrez pas du doigt ! Je suis extrêmement sensible à votre regard. Ne me rejetez pas ! J’ai besoin de vous pour rassurer ma laideur imaginaire et une remarque désobligeante pourrait me tuer. Je ne sais de qui je suis l’amour, de la pierre ou de la feuille. Je suis un trait d’évanescence, une rotule de vapeur, un siège pour le voyage du temps qui refuse de mourir. Le bleu n’a aucune substance à travers l’air. Je suis une fumée blanche qui ne peut rien saisir.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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