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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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5 mai 2015

Résonnances (5)

imagesGRT5HERJDans le moindre haillon de lumière, je cherche le râble éventré du silence, je course et je poursuis l’apaisement heureux. Je mendie ma salive à la quiétude effacée, à la goutte de joie que mes tremblements n’ont pas réussis à inonder. Du fond de l’abysse humain, j’appelle mon enfance joueuse, mon grenier à sourires, mes larmes d’amour sur le coin désemparé de la joue des heures douces. Prisonnier de l’étau des distances, je résiste à la violence du vide dans le grumeau de sang renfermant la couleur et le parfum des choses écoulées. Je revendique dans l’arbre à pain l’odeur de la fougasse et celui de la pompe à huile déposés sur la table illuminée par un Noël factice.  

Dans le jour débordant de Mistral, dans les rafales soufflant sur les collines, les feuillages d’hiver et les broussailles d’été forment des vagues vertes sans qu’aucune marée n’emporte l’horizon borné à son propre précipice. Mes pensées restent figées dans mon crâne sans que je puisse frotter la parole aux théories de la critique. Le mot, cet impotent passe-droit, occulte et désincarne la vocalise sensuelle. Je ne possède rien qui ne soit un véritable outil de communication charnelle et, cependant, je voudrais arrimer la parole à des stances de coton. Il me plairait de produire des sons fermes pour désarmer la distance relative où séjourne la mesure temporelle se décomposant au fur-et-à-mesure que je tue le temps. Le mot, ce détritus organique, plagie mes sens et donne corps à une vérité déroutante. Ma langue s’arrache au cœur blessé d’une poésie vivante. Très loin au fond du souffle, des mots sortis de leur chrysalide s’apprêtent à l’envol sur la fenêtre de la voix. Plus j’avance, plus le réel se désorganise. Plus j’approche l’objet de mon désir, plus il est difficile de détacher l’élément sonore du sable élémentaire.

Lucidité désespérée de la voix, ressenti désespéré de l’ombre persistante de l’apparence, toute la vraisemblance à portée de main s’effondre sous l’éclair fragile du mouvement. L’impossible à portée de voix se libère, se délivre de l’inconnu qui nous entoure. L’ombre se retourne sur elle-même. Le cercle des interrogations remâchées déploie ses rives au-delà de la transparence. Les retrouvailles avec l’espace vierge dénoncent l’aveuglement des murailles dans l’épaisseur du monde. Quelque chose se passe : l’espace rétrécit à la seule étendu de l’esprit. Résonnances ou effacement, le libre-arbitre se moissonne sauvagement sur la rampe du vide. 

Aimer, quoi d’autre ? La joie, quoi de plus ?  Je contiens le monde dans l’usure de ma chair. Faut-il taire la parole jusqu’au silence de la neige ? Je taraude l’univers lisible pour m’anéantir dans les cendres de l’apocalypse. Effacer, tout effacer. Je gomme la lettre miniature qui vient bercer mes entrailles. Je disparais de ma propre naissance. Mon sang est un ruisseau de messages dans le fatras de ses courses. Je dois recommencer, tout recommencer. La lettre fuyante est devenue bulle d’air dans le grand dictionnaire des signes. Tout en moi s’effondre jusqu’au premier cri, jusqu’à l’initiale partagée avec l’hirondelle appelant indubitablement l’ailleurs. Dans le royaume intérieur, la prise au vent suggère l’écho des tourbillons. La lèvre devient dure et la connaissance s’exile de son contenu. Bouche ouverte, je glisse doucement vers l’absence de moi-même. 

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Cette nostalgie qui envahit tes mots me renvoie dans mon enfance.. mais toi ton talent d'écrivain en fait un tableau sublime
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