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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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14 juin 2015

RésoNnance (16)

images9LKVQ1XACe matin, je suis posté à l’orée d’un bois suspendu au silence. Je parle à voix basse pour entendre l’écho des pies jacassières et le roucoulement des pigeons. Dans les arbres voisins, les oiseaux piaillent si fort que mes petits murmures glissent sur l’air sans le toucher. Des mots vides, des mots pleins, des chapelets de souvenirs discrets, des phrases inquiètes au bout des langues lucides, toute une panoplie de son dans une portée de chair. J’ausculte le jour, encore en chemise de nuit, grimpant doucement au créneau de l’insignifiance. 

 

Je suis une lampe qui s’allume et s’éteint, je suis le doute et l’errance, l’exaltation accablante de la surcharge d’un réel que le poids du virtuel assomme. L’existence, dans son ensemble, ne m’a pas convaincu du meilleur. Cependant, j’alterne d’un visage gris comme la place du village, un matin d’octobre, à la foison des jubilations possibles. La lumière distillée par le phare de ma conscience se heurte aux hautes vagues sombres d’un océan de poussière. Je n’arrive toujours pas à saisir la clarté blottie dans l’angle mort. Encastrée dans l’innocence fertile, la ruse de mon sommeil d’enfance fait de la contrebande. 

 

La promenade sous les arbres de l’émotion contraste durement avec le dénivelé de cendres, encore ardentes selon les moments, avec celle du désir de comprendre les voies d’une vérité totalement dissoute. Seuls quelques lits de rivières mortes tracent encore de profonds sillons entre les montagnes dénudées. 

 

Je suis ici, solitaire au bord de tes ruisseaux

Toi, ma douleur, mon entaille, mon trésor

Aux mille voix communicatives

A l’expression du buisson dans la colline

La chair est pour toujours notre herbier et notre pâture

Dans cette cruche remplie d’eau fraîche

Nous buvons aux baisers du vent

Perdus au cœur d’une paix immémoriale

Sous l’écorce du temps et de ses sédiments

Ce lieu incertain que notre peau voudrait hermétique

S’emmêle et s’enfuit hors de nous-mêmes

Comme le bruit des cloches augurant la prière

Et les sons grinçant de la craie sur le tableau du ciel. 

 

A cette absence carnassière où les cris évadés de notre corps ne sont plus que des indolences rédhibitoires, l’insolence de la nuit noire partage ses rimes avec les mots de passage. Phrases nomades, s’il en est, le souffle des statuts s’allume pour mieux confondre nos destinées aux relents d’un présent déjà mort. Inutile de forcer les traits de l’angoisse sur le déluge engrangé depuis l’aube du temps. Aux extrémités de la terre, des fantômes en robe de nuit torturent l’espace clos. 

 

                                            Résonne encore la bourrasque tournoyante dans le jour qui se lève sur ma peau. Ainsi, nous habitons, tour à tour, les hautes et lointaines étoiles où le cœur va, en une fraction de secondes, de la lune jusqu’à la lumière intersidérale. Et l’on passe son temps à essayer de réconcilier l’angélique regard de l’enfant à celui du vieillard aguerri de mille et une turpitudes. 

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Beaucoup de poésie pour accompagner cette nouvelle résonance.. j'aime.
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