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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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28 novembre 2015

Le changement, c’est la reconnaissance du mouvement.

cyclopeL’amour ne se donne pas, il se partage. Il nous prend par la main et nous emporte à l’essentiel de soi pour nous faire devenir. Nous sommes le renouvellement dans une continuité intarissable. Nous sommes tout à la fois la faux qui tranche et le blé qui se compacte dans le ballot de foin. Nous sommes le grain, la farine et le soleil renfermés à l’intérieur.

Je ressens toujours une émotion particulière lorsque j’ai la sensation de m’occuper de l’autre. Elle donne une signification à tout ce qui nous échappe. Elle se fortifie de ses failles et fait chanter la souffrance du vide lorsque l’étreinte des cœurs imite celle qui n’existe plus, celle que l’on arrache à la musique qui ne retentit plus.

Aimer, c’est la pauvreté de soi qui cherche dans l’autre l’étoile qu’il a cru un jour posséder. Aimer, c’est souffrir dans la joie de l’autre, c’est se déraciner pour fleurir dans un jardin qu’il nous reste à découvrir. Le temps ne passe pas, ne passe plus. Tu entres dans mes fractures et un gribouillis de lune dort dans mon ventre.

Une émotion naît et je suis vieux de la grâce du monde. J’accoste l'ombre qui vérifie la lumière mais je reste prisonnier de l'eau qui me traverse. Parole d’escaliers, je descends tes étages comme un rêve s’effondre de ses échafaudages. Un long tunnel proche de la façade et deux mouettes perdues dans le ciel cherchent ensemble la mer qui s’est évaporée.

Je voudrais sauvegarder l’inaccompli. Le préserver de l’effondrement qui le guette et lui offrir une nouvelle chance de clôturer ses mailles et de terminer sa course. Je voudrais ici et maintenant réinvestir nos déserts en morceaux de désordre avant de les jeter définitivement au chaos. Le changement, c’est la reconnaissance du mouvement. Le temps est égal à lui-même de tous ses instants différents. Nous le savons bien, toi et moi, qui avons dépecé nos cavalcades anciennes jusqu’à la peau vive. Nos conditions d’existence bougent, s’agitent, se dérangent et se dérèglent. L’énergie des chocs remodèle dans le présent un passé à jamais révolu qui échappe à tout avenir. Puis, ma mémoire fidèle et seule, se placarde aux endroits où elle s’use.

La compacité de l’heure mémorisée nous attache et il me faudrait assiéger le temps qui fut tien pour te rejoindre à l’unisson des chants dépouillés. Désynchronisé, je me cale, comme une empreinte collée sur le cadran de l’horloge abandonnée de ses aiguilles. A l’intérieur du néant, le temps s’écharde constamment. Mes heures sont peuplées de chair et de disettes. Tout en haut, sur les claustras de l’inconditionnel, je suis perché comme un perroquet du souvenir, un pirate de la mémoire, un renégat de l’absolu.

Que me reste-t-il de toi ? Des images, des chiffons de pensées, des mots floqués sur les murs de notre maison d’enfance. L’absence n’existe seulement parce que tu as été. Encore plus loin, des vagues frappent les remparts des falaises d’embruns et l’espoir se noie dans l’écume. La mort nettoie tout ce qu’elle ne brise pas. Nos souffles sont restés dans l’abandon comme une promesse de ralliement possible.

Je me rappelle cet émerveillement dans la lueur de ton regard et les larmes de détresse qui venaient parfois le recouvrir : petites larmes chaudes roulant sur tes joues à souffrir de la détresse des autres comme si tu étais toi-même touchée dans les profondeurs de ton être. Outrancièrement hospitalière au monde et aux multiples douleurs qui le blessent et le tourmentent, accablée par ses ballottements intempestifs, tu résonnais de l’ingérence de l’éclair qui fouette la clarté d’une journée banale. Tu portais en toi la cruauté du monde qui blasphème la petite voix intérieure. Tu buvais à son poison, en disant que nos âmes filtrent le breuvage pour retourner aux sources pures. Tu as parcouru la réalité qui se mesure avec l’intégrité. Nos êtres sont des terres d’accueil, certes. Pour autant, trop d’hospitalité gratuite collabore avec nos déficiences et nous sommes abattus par la lumière comme des ombres fluettes.

Aujourd’hui, lassé, je vais tenter une sieste de délestage. Il est des jours où le désir de s’oublier est vivace et j’éprouve ce besoin impérieux de se soulager dans le sommeil. Dormir, puis dormir encore comme si cela épongeait les débordements, absorbait la teigne de mélancoliques survivances.

Le « petit moi », la part mortelle, le thumos, c’est la nuit où je dors dans ton ventre, allongé dans un bras d’honneur et dans l’ironie des rhétoriques sarcastiques.

Je suis de cette vie qui s’arrache au vide pour ensuite se conjuguer au bercement des étoiles et de l’univers. Je suis scellé à l’aventure d’une unité supérieure où chaque étage est le résultat de l’onde. Dans mes cloaques d’ivresse, ta mort parle à la mienne. Le temps sans issue s’élargit de lui-même, se gonfle et se dilue. Informe, brutal, sans lendemain.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
B
Oui, Sedna : L'amour niche dans nos cœurs comme l'hirondelle qui s'en échappe pour aller rejoindre les pays chauds.
S
" Aimer , c'est souffrir ...". c'est exact, comment retenir l'amour qui fuit dans le temps, qui nous échappe quand la mort nous l'arrache. L'amour ne résiste qu'à l'écriture
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