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Bruno ODILE
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4 décembre 2015

Aujourd’hui, l’heure n’avance pas, elle est bloquée.

JosselinLa mort est toujours de l’autre côté de la barrière, dans l’autre face, dans l’invisible. Elle est là, imbriquée au jour qui se lève, à la bordure de nos langueurs et de nos mirages, fusionnant avec la précarité de l’existence. Elle pourchasse l’agitation de ses mouvements incoercibles, elle querelle la présence immédiate de ses apories défectueuses. Elle absorbe la défaite. Toutes les défaites.

Peut-être, faut-il décostumer le bal de ces symphonies latentes et laisser à la béatitude le soin de panser pour nous les musiques estropiées et les parfums fracassant les narines.

Sans doute, faudrait-il pouvoir exprimer l’éclipse du souvenir, celui qui trace des arabesques devant mes yeux, celui qui trame la mémoire d’une couleur de palissade rouge sang avant de se métamorphoser en tonnerres d’avalanches blanches.

Mais, je ne sais pas dire tous les mots que l’on promène du bout des yeux, rendus impraticables, dans les couloirs de l’attente stérile, de la rémission et du désespoir. Je ne sais pas dire tous ces rendez-vous délaissés dans la soif crispée du désir mélangé aux foudres. Pourtant, je voudrais savoir écrire dans l’ombre de ton visage où se bécotent nos tendresses pétillantes et impérissables. Sans doute, faudrait-il encore ressentir les caresses d’autrefois, toutes celles qui redonnent à l’amour ses mains de bébés. Alors, nous pourrions peut-être jouer à revivre et à réitérer l’assentiment inflammatoire que mon cœur n’a de cesse de renouveler.  

Aujourd’hui, c’est le couloir de mes pensées inappropriées que l’arbitraire dévisage de toute part. Mon restant de vie n’offre pas le défilé d’anges et de démons espérés. Pour te quitter vraiment, il me faudrait dérouler l’eau qui toque sur mes tympans comme de la grêle. Les parois de la pièce voisine tremblent encore dans une fausse harmonie lorsque l’orage déplace l’air avec violence. Tant de gestes sont absents. La mémoire se raccroche au réel immédiat, elle camoufle le souvenir. Notre maison d’enfance n’appartient plus à personne. La solitude gonfle et s’étire comme un baromètre laissé dans le four qui t’a consumée. Dans ma tête, ton corps s’agite. J’habite la maison du vide. Je contemple la lune et j’adhère à son halo jaune lorsque la nuit se construit à l’intérieur de mes yeux. Une douce brise caresse alors le sens perdu avec le binôme de la pensée et celui de la perception. L’ingérence du réel dans le rêve, les manipulations de l’esprit avide de maîtrise, toute une panoplie de roches concrètes occultent l’issue de mes fuites. Aujourd’hui, l’heure n’avance pas, elle est bloquée. Il est dix-sept heures et je ne sais plus si la journée a vraiment existé.

Mais mourir, c’est accepter d’être seul, tout seul pour toujours. Mourir, c’est se dissiper dans la rencontre avec l’inconnu des autres rives, c’est partir à la rencontre de l’incohérence inaccessible pour le vivant que je suis. J’imagine bien volontiers qu’il s’agit du revirement soudain de l’air. Je suppose que la vie fuyante arrive avec son fardeau et son encombrement dans un espace démuni, un lieu de dépossession totale où n’intercèdent plus ni l’entendement, ni la raison.

Et puis mourir volontairement comme tu l’as fait, c’est renoncer définitivement à la logique de la raison. C’est argumenter le libre-arbitre, c’est alimenter l’insurrection de la nature délétère, c’est défraîchir l’humanité cousue aux drames qui l’accompagnent. C’est partir sans laisser d’adresse, c’est accorder au vivant plus de place qu’il n’en possède et lui ouvrir les portes de providences inanimées.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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