Une parole sans voix.
Rien n’est jamais vraiment dit sur le parcours sans chemin des voix sacrifiées. Le non-dit et le déni font bon ménage sur les voies empruntées par nos cœurs meurtris d’innocence.
D’infinies promesses vendangent les bourgeons de nos sourires avant de sarcler la bonne parole aux portes de l’immédiat.
Souvent anonymes,
des voix aux accents purulents
racontent le feuillage perdu du temps révolu.
Marées salants sous le vertige du soleil,
le sel concentre la lippée de nos matrices originelles
à l’intérieur d’un grain soluble
aux souffles brûlants de nos désirs.
Ce matin, je me suis levé d’un pied sans vertige. La nuit dans sa poudre d’abandon m’a éclairé sur l’affirmation de mon être. Toutes mes certitudes se sont atrophiées sous le rideau transparent de l’étanchement.
A vivre d’excessives convictions, mes sens avaient tari tout espace disponible. A boire la brume blanche plus qu’il m’en faut, j’ai purgé le sentiment de culpabilité au profit d’une ivresse sobre et d’une nourriture purifiée.
Je parle d’une autre vie laissée
sur le tarmac des ombres veules.
Je parle d’une époque lointaine
où l’exil s’appelait reculoir
et où partir était irrémédiablement
une corolle de présence accroché au présent.
La voix sans pesanteur court toujours plus loin que la distance accomplie. Plume légère, elle se déploie dans un tourbillon d’ondes telluriques. Elle crie le vide qui la transporte et déblatère de ses naufrages incessants. Tout doucement, elle traverse la peau du bout des lèvres et fait vibrer la nudité du désespoir.
Personnage de papier et de chiffon entremêlés, la parole reconstruit l’ordre musical des vagues tempétueuses. Puis, elle traverse les images qu’elle aurait voulu soutenir pour s’éclater sur le sable où résonne le fracas du monde.
Délestée et libre de toute attache, son bourdonnement nous conduit sur la dentelle imaginaire de l’existence où chuinte une fraîcheur nouvelle.
Le son émis par nos corps en mouvements
invente des déglutitions saccadées
de mensonges et de joies.
L’absorption naturelle efface toute poursuite
de la chose familière, de l’élan scarificateur.
Il n’y a plus rien après la voix
et le refoulement instinctif
allège l’avenir de toute compromission.
Se pourrait-il que chaque heure déjà vécue soit un fragment incontrôlé de nos mémoires humaines ?
Un clapotis d’opacité sectionne le temps écoulé de l’heure à venir. Seul compte le réveil, le verre d’eau dans lequel frissonne l’existence.
Une voix incontinente
restée dans le patio de l’attente
dégurgite les regrets et les remords accumulés.
Dans l’obscurité,
la renaissance goutte aux parfums de l’oubli
avant de s’extirper
sur les haies nourricières de l’horizon.
Une parole inachevée et sans suite reste au fond du sac. Conservant des milliers de fragments de chaque chose vécue, la vie s’accomplit entêtée dans le souffle du marteau qui s’écrase.
Lumière, larmes, effets et illusions, tout est retenu dans ce vieil étui de soie blanche. Le croupissement d’une terre verbale s’amalgame avec la présence immédiate où chaque parole naissante traduit le silence intérieur.
La synchronicité jalonne le terreau suspendu aux miasmes de la réalité. Une masse ronde et bleue ajoute à l’imaginaire la quête infinie de l’espace à combler.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©