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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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15 mai 2016

L’absence est une imposture.

filleenrougeSolitaires de nature, nos ombres se mélangent. Nous sommes si nombreux au creux de l’obscurité que la parole y est lourde et la voix pâteuse comme une cire molle. Dans la culbute des heures dures, nous avons pitié de nous-mêmes. 

 

Là-bas, des rivières souterraines chahutent si fort que je ne m’entends plus.  

 

Mes pensées déambulent. Elles rôdent dans la chaux vive du désarroi. Elles cherchent une place, un lieu sans pudeur, un air fluide comme un brouillard transparent tissé à la surface de l’eau immobile. Tu me regardes sans fin et mes yeux se figent. Mes cils collent à la langue et je bégaie. Ma parole se mélange à l’air. Les mots respirent et suffoquent. C’est un abîme muet, une parenthèse pour la voix tenue entre deux portes sensibles.  

 

La solitude sommeille dans le froissement des murmures et ma chair devient un désert liquide. On croit, un temps, vivre dans l’ablution des histoires vieillies, dans les séquelles du monde, dans la quête et la faveur des jours plus homogènes. Mais en réalité, nos cours d’eau s’amenuisent, nos rivières se désaxent, nos chemins se déhanchent. Chaque jour semble être l’homonyme du précédent. Il n’est cependant qu’un reflet d’immédiat atemporel. Il n’y a pas de mémoire incontestable, pas de lieux habités ni de cimes atteintes qui ne soient pas des lacets défaits.

 

L’endurance pérennise le sentiment qui nous secoue. Plus je m’attache à te faire durer, plus je me risque au mépris du réel. A trop parler, je meurs au pied de l’arbre. Quelques gouttes coagulées sont déposées dans l’écorce d’un passé à voix basse. 

 

Des fragments de réalité remontent à la surface après chaque naufrage, chaque noyade. Nous devrions nous en défaire et les jeter aux ragoûts d’escoubilles, puis les brûler. Nous devrions être neufs à chaque aube nouvelle. Je lave des images qui se heurtent sur les rideaux de lumière. Trop de clarté rend la pensée illisible. Au-dessus de nos têtes, des morceaux d’ombre granuleuse et des pans entiers d’obscurité tombent et se brisent. Ils chutent comme des gouttes de pluie durcies. Le ciel, lui-même, s’effondre. Une neige vierge pose son poids d’émerveillement, épurée de toutes la raison des hommes. Une douceur blanche recouvre l’horizon. Il faudrait à présent cesser de reconstruire. Cesser d’empiler et d’entasser les heures écoulées dans ce trou sans fond qui avale tout. Le vide absorbe nos déboires et nos infortunes comme nos rires et nos visages éclairés. Je suis devenu un amas. Un fatras de dépôts sclérosés. Une grappe d’amoncellements lugubres. 

 

A présent, pour réveiller en moi l’eau dormante, il faudrait qu’un jet d’émotions tonitruantes fuse et rebondisse de mes cendres épuisées. Il faudrait l’audace d’une ferveur nouvelle et l’efflorescence qui pulvérise les souvenirs dans l'air.

 

Certains jours, l’eau n’a plus le goût de l’eau. Mes yeux jouxtent les ténèbres et s’appuient dessus. Durant des heures inertes, je reste coincé entre le blanc et le noir. Puis, tu reviens sous la croûte de ma chair comme un refrain aérien, comme une ruche peuplée de silhouettes fragiles. Sans aucun doute, ton silence pèse la mort qui m’attend. 

 

Je suis solitaire malgré la foule d’images qui ne cessent de traverser mon esprit. Des visages survoltés se bousculent aux confins de la mémoire. Etrangement seul, je suis le fantôme aux tempes blanchies resté collé sur la face du miroir à souvenirs. J’incarne l’écho des voix gisantes au cœur des terres tremblantes. Imbibés de rêves, des mots blancs et bleus suintent de mes doigts. Des rangées entières de vert se cachent dans les arbres. Ma page est une colline, un vallon boursouflé. Je t’écris assis dans mon corps, des cigales sur les lèvres. De solides verrous cadenassent mes paupières. Sur mes étagères, une vieille photo de toi cherche l’oubli. Quel dommage que tu aies tout laissé tomber ! Quel gâchis... pour toi... Et pour les autres. 

 

Reclus sous un amas de désespérance, tous les maux que je n’ai jamais cessé d'éprouver malgré toutes les tentatives de cautérisation ressurgissent en bloc. Je ne deviens pas l’isolement et la fermeture que les ombres proposent, non. Je dépose seulement mon cœur dans la farine où se déplace ton visage.    

 

L’absence est une imposture. C’est un vide où vient éclore ton existence perdue dans les sentiers sans retour. Tu sais, par moment, rien n’existe à part soi. Tu es là où je suis et je suis où l’amour se défenestre. 

 

J’ai parfois l’impression d’apprivoiser mes haines les plus exiguës et de n’être qu’aile brisée et jour incendié. Je me pardonne de n’être que cela lorsque je me reconnais. Dans la pièce d’à côté, un autre que moi-même ne manque pas l’occasion de me rappeler qu’une vie sans mémoire n’existe pas. Je lui tourne le dos. Parce qu’il s’agit ici de réconcilier la plume et l’enclume et de réunir sur le même chemin l’eau et le feu. Dans l’œil de la patience, une lumière vide les imperfections et les remplacent par la promesse du projet d’amour définitif. L’espoir se récolte dans la tristesse épuisée. Il me faut reconquérir la mémoire surmenée par toute cette récolte laissée en amont et en faire fructifier le grain mordu par le temps. L’utopie est une terre de haute lutte, fertile et résistante.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
N
Je suis heureuse qu'ils te soient venus comme une éclaircie !
N
Bruno, tes mots sont toujours aussi forts...même si je les ai déjà lus dans le livre, j'ai toujours cette impression d'une puissance pulsante derrière la porte d'eau ...je ne me lasserai jamais de ces merveilles, après des mois, voire quelques années, je ne sais plus, je suis encore là, même si je n'apparais que rarement, je continue à te trouver au chevet ...merci de tout ceci !
-
comment ne pas laisser tomber qd tout est vertige de mensonge<br /> <br /> comment ne pas laisser tombe<br /> <br /> comment ne pas lasser<br /> <br /> comment ne pas être lasse<br /> <br /> comment ne pas.<br /> <br /> comment?<br /> <br /> <br /> <br /> en fait comment ne pas être<br /> <br /> et n'avoir jamais été<br /> <br /> <br /> <br /> .
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